Depuis une dizaine d'années, la saga Chronopost (Chronopost 1, 2, 3 et 4) parvient à tenir en haleine les juristes... De manière constante, la société Chronopost, spécialisée dans l'acheminement rapide de lettres et de colis, stipule dans ses contrats (qui sont des contrats d'adhésion) une clause limitant l'indemnisation du client – en cas de retard ou de perte dans l'acheminement du colis – au prix payé par ce dernier.
Cette clause se révèle d'autant plus encombrante qu'elle détruit, en fin de compte, l'obligation essentielle du transporteur : assurer un service dans un délai fixe «garanti» (comme le proclament ses contrats et sa publicité), proposé d'ailleurs en contrepartie d'un surcoût demandé au client par rapport au prix d'un envoi traditionnel de courrier.
Traditionnellement, les litiges nés de l'application des clauses limitatives de responsabilité s'articulent autour de la notion de « faute lourde » ou de dol. Si ces clauses sont en principe valables, elles peuvent en effet être écartées lorsque l'inexécution de l'obligation résulte d'une faute lourde ou d'un dol, afin de protéger les clients contre les effets particulièrement réducteurs de ces clauses.
En reprenant chacune des affaires Chronopost, il apparaît clairement que chacune d'entre elles sont liées, certaines d'entre elles allant jusqu'à valider ce qui avait déjà été prononcé par la jurisprudence. Chaque fois, la même question apparaît : quelle est la valeur de la clause facultative inscrite dans le contrat passé par la société Chronopost avec tous ses clients, visant à limiter le montant de l'indemnité à verser en cas de non conformité de la prestation (perte, détérioration, retard, etc.) ? C'est cette clause qui a déclenché les quatre épisodes de la saga Chronopost, saga devenue un classique jurisprudentiel de par les évolutions juridiques qu'elle a déclenché.
Il est ainsi intéressant de se demander : en quoi cette saga a-t-elle permis une évolution de la jurisprudence en matière de droit des contrats ?
Au regard de la jurisprudence antérieure, le dernier épisode de la saga Chronopost (arrêt du 30 mai 2006 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation) est la confirmation de la jurisprudence Chronopost 1 du 22 octobre 1996 (1). Arrêt fondateur de la saga Chronopost, il parait nécessaire de se pencher ensuite sur la portée de la règle posée par la jurisprudence d'octobre 1996 (2) en insistant sur les apports et contradictions des différentes jurisprudences Chronopost entre elles.
[...] Rarement une clause aura fait couler autant d'encre : à quatre reprises, la Cour de cassation est saisie du problème de la responsabilité de la société Chronopost du fait du retard (ou de la perte) dans l'acheminement de plis. Dans le premier épisode Chronopost (Com octobre 1996), la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait entrepris de réputer non écrite, sur le fondement de la cause, la clause limitative de responsabilité d'origine contractuelle limitant l'indemnisation en cas de retard dans la livraison du pli au prix facturé a l'usager. [...]
[...] Au nom de l'article 1131, elle avait considéré que la clause limitative de responsabilité devait être réputée non écrite car elle contredisait la portée de l'engagement pris et portait atteinte a une obligation essentielle du contrat : c'est l'obligation de célérité qui était concerné (retard dans la livraison du colis); ce faisant, la cause de l'obligation se trouvait appréciée non plus au stade de la formation du contrat mais au stade de l'exécution du contrat. La subjectivisation est alors nécessaire pour apprécier la portée de la clause sur l'économie d'ensemble de la convention. [...]
[...] Faits : La société Chronopost était poursuivie par la société Dubosc et Landowski (société Dubosc) qui avait confié a la société Chronopost un pli destiné à la ville de Vendôme, contenant un dossier de candidature à un concours d'architectes. Le dossier étant parvenu à destination avec retard, la candidature de la société n'a pas été examinée, ce qui l'a conduite à assigner la société Chronopost en réparation de son préjudice. La société Chronopost a invoqué la clause limitative de responsabilité. [...]
[...] il est parfaitement légal de recourir aux clauses limitatives de responsabilité. Il y a cependant certaines restrictions en vue de protéger les contractants les plus faibles d'abus de position dominante. Selon l'article 1134 du Code civil alinéa les conventions tiennent lieu de loi aux parties si elles sont légalement formées, notamment pour les clauses pénales qui peuvent cependant être révisées par le juge et par convention expresse entre les parties, notamment sur la répartition des responsabilités. Il s'agit de conserver la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, comme le prévoit les articles 1134 alinéa 3 (Elles doivent être exécutées de bonne foi.) et 1135 du Code civil (Art Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore, à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.). [...]
[...] Dans les affaires Chronopost, la limitation de la responsabilité ne pose objectivement aucune difficulté (c'est légal). Pourtant, lorsque l'on scrute le contrat de façon subjective, on se rend compte que limiter sa responsabilité sur son obligation principale revient à vider de son sens la cause de l'obligation. ( Le recours à la cause permet en réalité de donner force à la convention. Cependant, on s'aperçoit au vu de la jurisprudence Chronopost 3 du 22 avril 2005, que la jurisprudence Chronopost 1 d'octobre 1996 confirmée par la jurisprudence Chronopost 4 du 30 mai 2006 n'est pas applicable aux clauses consacrées par un contrat type, ce qui rappelle le sujet de la distinction de la faute lourde et du manquement à l'obligation essentielle. [...]
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