« Tout le monde n'a pas la chance d'être orphelin. »
C'est par ces mots de Jules Renard dans son œuvre Poil de Carotte que l'on prend la mesure de toute la complexité du lien de filiation.
La filiation se définit comme le lien de droit qui existe entre le père ou la mère et son enfant, c'est la paternité ou la maternité.
La filiation, selon le Doyen Carbonnier, c'est avant tout le moyen technique de désigner des titulaires pour le contrôle de la progéniture, de nommer ceux qui sont les plus aptes à assurer la socialisation de l'enfant, à le pousser en avant par l'autorité parentale et l'héritage.
Et déjà, nous comprenons que la filiation est un lien hautement complexe dans lequel l'institution publique n'a qu'un rôle mineur et répressif, elle intervient par exemple pour sanctionner le comportement des parents par le retrait de l'autorité parentale.
La filiation est multiple, elle recouvre des domaines interdépendants et enchevêtrée et il faut donc s'interroger sur le point de savoir quelles sont les sources de la filiation ?
On parle, classiquement d'une filiation charnelle puisque le lien de filiation qui se noue entre l'enfant et les parents trouve sa source dans les relations amoureuses de ses parents.
Le charnel s'oppose alors aux relations non charnelles, c'est à dire à l'utilisation d'une procréation non naturelle ou à l'absence même de procréation.
Cette distinction entre charnel et non charnel se complexifie lorsque l'on évoque le phénomène contemporain de la filiation élective.
Avant tout, cette filiation est un constat sociologique mais qui ressort du paradoxe.
En effet, la parenté élective apparaît comme un phénomène antagoniste, dans le sens où à l'origine de la parenté se trouve la naissance de l'enfant.
La parenté relie donc classiquement ascendants et descendants par le sang. Et la famille intervient comme ce groupe fondé sur la réalité biologique sans qu'intervienne la volonté des personnes qui la composent.
Mais actuellement, nous assistons au développement de revendication favorable à une filiation fondée sur la volonté et non plus uniquement sur la biologie.
Nous pouvons alors nous interroger sur les conséquences de la pluralité des sources de la filiation sur la création du lien de filiation.
Positivement, le lien de filiation pourrait consister à faire coïncider avec la vérité de la filiation l'aptitude à la mettre en œuvre c'est à dire l'amour de l'enfant.
Ainsi, faire triompher la vérité a été l'une des directives de la loi de 1972 et l'ordonnance de 2005 relative à la filiation s'est, elle aussi, astreint à faire primer la vérité dans l'établissement des filiations.
Mais de quelle vérité parle t-on ?
Du point de vue juridique, il n'est qu'une vérité, la vérité juridique, c'est à dire celle de la filiation légalement établie.
Que recouvre alors cette vérité ? Quel est son domaine ?
Il y a deux vérités en la matière, la vérité biologique et la vérité du cœur, des sentiments et du vécu. La vérité biologique est donc celle des liens du sang alors que la vérité affective ne relève que des faits. Il faut alors s'interroger sur la coïncidence entre la vérité et la filiation.
Classiquement, la filiation charnelle révèle la vérité biologique mais il est des hypothèses où la vérité biologique est relayée au second plan pour consacrer juridiquement la vérité des sentiments.
Cette multitude de situations est à l'origine d'une législation qui se fonde par présupposés pour déterminer un droit commun de la filiation.
Comme tout droit commun, il ne peut être en mesure de satisfaire l'ensemble des attentes et le législateur doit alors concilier les différents intérêts en présence.
C'est ainsi, que l'on constate au sein de l'ensemble du droit de la filiation, une tentative de conciliation des intérêts ; mais vaine ; puisque le législateur ne consacre pas le primat d'une vérité mais laisse la place aux différentes vérités pour s'exprimer.
Il n'y a donc pas une vérité supérieure à une autre, il n'y a qu'une multitude de situations qui ne peuvent pas être résolues uniquement par le jeu de grands axiomes présupposés mais par une adaptation du droit aux faits.
C'est la raison pour laquelle nous pouvons constater l'existence d'une dualité de la vérité dans les filiations biologiques (Partie 1.) qui laisse la place dans les filiations électives à une vérité affective pourtant relative (Partie 2.)
[...] C'est à ce problème que la loi relative à la bioéthique vient apporter une réponse positive. Le texte avait été proposé, originairement, comme une solution minimaliste puisque le refus du vivant de la personne d'une expertise biologique constituait un obstacle après le décès de la personne. Mais le texte a été modifié lors de sa première lecture devant l'Assemblée Nationale ; c'est ainsi que l'article 16-11 pose le principe de l'interdiction du prélèvement sur le défunt dans le cadre du procès en filiation sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant. [...]
[...] Regard sur le mariage, élément fondateur du droit de la filiation. C'est une institution fascinante, fondamentale, fondatrice ; c'est par elle, elle seule, semblent affirmer la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme[3], que peut être fondée une famille. Déjà à Rome, le mariage est consacré et la formation du lien conjugal ne résulte que d'un acte simple et bref. Dans le même temps, la famille est une réalité sociale de tous temps dont le mariage est la plus ancienne coutume de l'humanité. [...]
[...] De plus, elle a été consacrée comme un véritable action tendant à l'établissement de la filiation et à ce titre il apparaît inopportun de barrer la route à l'expertise biologique. Cette opposition doctrinale nous reflète clairement l'effet subversif de l'absence concret de choix du législateur entre vérité sociologique et vérité biologique. En effet, ne pas prendre position contribue à créer des solutions où il est nécessaire de mettre en relief tant la volonté de tous d'avoir établie sa véritable filiation mais en même temps, il ne peut pas être négligé celui qui sans être le parent biologique a occupé la place de parent. [...]
[...] Mais la recherche de la vérité biologique n'a pas toujours été un impératif du droit de la filiation. Que ce soit dans l'Ancien Droit ou dans le Code Napoléon et cela jusqu'en 1972, la vérité du sang (il est délicat ici de parler de vérité biologique puisque ce terme n'a que peu de sens dans les siècles passés) cède devant la primauté de la légitimité, liée à la défense de l'institution du mariage et justifie alors bien des mensonges puisque de nombreux enfants étaient rattachés au mari de leurs mères par une présomption dès plus inattaquable alors que le lien de filiation paternel était fictif. [...]
[...] L'action en recherche de paternité est donc dorénavant soumise au droit commun de la procédure. Traditionnellement, l'expertise n'est recevable que dans la mesure où l'action qui motive la demande est elle même recevable sur le fond (article 310-3 du Code civil) mais nous pouvons nous interroger sur la possible tendance des justiciables à saisir le juge des référés pour qu'une expertise soit organisée avant tout procès et cela à titre préventif ou conservatoire. Le droit étranger connaît également ces incertitudes quant à la nature d'une demande d'expertise biologique et cela pose problème puisque par exemple le doit allemand autorise l'expertise biologique en dehors du cadre judiciaire. [...]
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