Alexis de Tocqueville considérait que le droit des successions « [saisit] en quelque sorte les générations avant leur naissance ». Il révélait ainsi l'importance du droit des successions sur l' « état social des peuples » selon son expression. En effet, les successions sont un élément important qui conditionne la richesse des familles puisque le droit des successions vise à organiser le transfert du patrimoine du de cujus à destination de ses proches. Le législateur va donc chercher à organiser le transfert du patrimoine du de cujus en prenant en compte sa volonté. Ainsi selon la volonté politique de l'époque peut être favorisée la liberté testamentaire qui peut tendre vers une inégalité des répartitions des richesses, ou bien l'égalité dans la succession.
Ce transfert de patrimoine est marqué par la volonté de transmission et de dévolution aux membres de la famille. Dès lors, ce droit est appelé à être tributaire de la sociologie familiale, c'est-à-dire qu'il va dépendre de la vision de la notion de famille du législateur à un moment donné puisque cette notion est par essence fluctuante. Il convient dès lors de s'interroger sur l'interactivité entre le droit des successions et la sociologie familiale.
[...] L'évolution du droit des successions correspond donc à l'évolution des mœurs et des valeurs au sein de notre société qui tend vers une plus grande permissivité mais également vers la reconnaissance des minorités. Aujourd'hui, la question porte essentiellement sur l'étendue de la transmission successorale mais aussi sur l'importance des droits de mutation : il apparaît légitime qu'une partie du patrimoine successoral retourne à la collectivité par l'impôt. Désormais, le débat est devenu également fiscal. [...]
[...] Dans les pays de droit coutumier pour les successions des nobles, le droit avait établi le privilège de masculinité et de primo géniture pour éviter le morcellement des terres : l'ainé était l'héritier du fief. De plus, les biens d'origine paternelle revenaient aux héritiers paternels et les biens d'origines maternelles aux héritiers maternels (paterna paternis materna maternis). A l'opposé dans les pays de droit écrit, la tradition romaine a été perpétuée donc on respectait la liberté du testateur. En l'absence de testament (succession ab intestat), on considérait que tacitement il voulait être soumis aux règles légales. Pour l'enfant né hors mariage, il était exclu de la succession : il n'avait droit qu'à des aliments. [...]
[...] Néanmoins, cette idée de conservation des biens dans les familles reste présente. Ainsi, le législateur cherche à faire en sorte dans le cadre d'une dévolution ab intestat à empêcher qu'un étranger à la famille acquière un bien qui en provient. C'est notamment par le recours à la fente prévue à l'article 746 du Code civil ainsi que du droit de préemption accordé aux indivisaires sur les biens indivis (art 815). Enfin de façon plus générale, le législateur organise les règles de dévolution de façon à ce que les biens reviennent à la famille du de cujus. [...]
[...] Il faut tout d'abord mettre en avant que le droit des successions et des libéralités a longtemps été un droit de riches dans le sens où il ne concernait que les classes suffisamment aisées pour transmettre un patrimoine. La politique qui en découlait était alors en faveur des aristocrates et était dominée par le principe de la conservation des biens dans les familles. Ces traits vont entrer en confrontation à la société d'égaux qui va émerger avec la Révolution française. [...]
[...] Le droit révolutionnaire reposait alors sur ce que la loi estimait être la meilleure organisation familiale selon M. Malaurie. Cette conception est clairement révélatrice d'une époque et montre à quel point le droit des successions est un outil politique mais également social. Ainsi, Mirabeau voyait dans la liberté testamentaire mise en place par l'Ancien Droit des lois corruptrices, qui semaient des haines là où la nature crée la fraternité : dès lors, le droit révolutionnaire cherchait à imposer l'égalité au sein de la famille. [...]
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