Conservation des biens, droit de famille, bien de famille, droit des successions, libéralité, Louis-Philippe de Ségur, Jean Carbonnier, volonté du défunt, succession privée, testament, héritiers, réserve héréditaire, égalité des chances, loi successorale, cellule familiale, législateur, droit du conjoint survivant, donation, taux d'imposition, ordre public
« Le véritable esprit d'une république vertueuse est l'esprit de famille », affirmait le contemporain de Napoléon, le comte Louis-Philippe de Ségur. En effet, historiquement, le Droit sert des intérêts familiaux, d'autant plus le droit des successions et des libéralités, qu'il s'agisse de droit français, ou de fiqh ou même de droit talmudique : le Droit a pour vocation la protection de la famille. Néanmoins, dans une société française où la notion de famille est protéiforme, la réalisation de tels intérêts n'est pas aisée à déployer. Une des réalisations du législateur a été de conserver les biens du défunt dans la famille.
Cet objectif semble être l'expression d'un choix politique, celui de la succession privée, en faveur de la famille. Mais alors, comment est-il possible que dans un tel système, un défunt puisse disposer de ses biens, dans un testament par exemple ? Les droits des héritiers sont-ils garantis d'une quelconque manière ? La protection des droits des héritiers quant aux biens familiaux est primordiale et traduit l'attachement à des biens familiaux, qui s'observent à travers le vocabulaire employé même. Il est question de « bijoux de famille », de « souvenirs de famille ». Il est impensable, et ce serait même un non-sens que de tels objets « de famille » appartiennent à une personne extérieure à cette institution traditionnelle, mais que faire si telle est la volonté du défunt...
[...] Alors, la conservation des biens dans la famille n'est pas totalement un intérêt servi par nos législateurs, mais traduit plutôt déjà l'attachement français au droit de propriété, ce qui implique que les parents du défunt exercent un droit sur sa succession, mais surtout, elle traduit la conciliation des intérêts très larges : le droit de propriété du défunt, l'égalité entre les membres du même degré et la solidarité familiale ; autrement formulé, la liberté, l'égalité et la fraternité. La conservation des biens dans la famille n'est que la traduction du pouvoir souverain de l'État, elle n'est que l'expression, de tous ses pans, des valeurs républicaines qui tendent à protéger et à libérer. [...]
[...] Par sa nature, il est évidemment impossible d'y renoncer (Civ, Roux et Ménard juillet 1903 réaffirmé par Civ octobre 2015), contrairement au droit de retour conventionnel qui s'analyse comme une condition résolutoire du décès du donataire sans postérité. La finalité de ce mécanisme est ambiguë : il peut s'exprimer en nature ou en valeurs. C'est là une des limites de la conservation des biens dans la famille, qui se réaliserait si on ne permettait ce droit qu'en nature (et pas à hauteur d'un quart . [...]
[...] Néanmoins, l'évolution législative depuis 1804 affiche la volonté du législateur de privilégier la volonté du défunt : on rétrécit la famille par un amoindrissement de nombre de degrés successibles, on permet les donations, directes ou indirectes, et cetera. Le sort des biens dans la famille ne serait-il que de la souveraineté du défunt, qui peut s'en défaire par un simple testament olographe (à nuancer avec les droits de retour légaux précités) ? Il apparait que la conservation des biens dans la famille ne se réalise que par l'attachement familial . [...]
[...] Un autre élément justifiant les carences de la primauté éventuelle de la conservation des biens dans la famille est le droit de propriété, la volonté du de cujus, permettant de contourner, ou presque, ce grand tableau familial que l'on a dépeint. Le droit de propriété, ou la domination de la volonté du « de cujus » sur l'esprit de famille Le droit de propriété (article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789), principe à valeur constitutionnelle (Conseil constitutionnel juillet 1971, Liberté d'association, n°71-44 DC) permet au défunt d'exprimer sa volonté afin d'évincer l'esprit de famille résidant dans la loi, la rendant alors maitresse, par les testaments et les donations même si tout cela est à nuancer, car la législation en vigueur, fervente défenderesse de la Famille, apparait menaçante, comminatoire en imposant le respect de l'ordre public successoral et des taux d'imposition La maîtresse volonté du défunt : les testaments et les donations bénéficiant aux tiers La citation de Jean Carbonnier précédemment évoquée prend ici un tout autre sens : « Famille, contrat, propriété sont, de tradition, les trois piliers de l'ordre juridique », présente-t-il ces principes par valeur croissante ou décroissante ? [...]
[...] Si la conservation des biens dans la famille était un des intérêts servis par le droit des successions et des libéralités, pourquoi le législateur aurait-il offert ces possibilités ? Mais un tel propos serait sous-estimé par nos législateurs qui ont opté, certes, pour la possibilité de contourner l'Esprit de famille, mais pas si simplement Les codificateurs ont toujours à cœur les intérêts familiaux et donc la conservation des biens dans la famille, en votant une législation plutôt comminatoire aux taux d'imposition et à l'ordre public successoral repoussant pour celui qui se jouerait des lois. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture