Justifier le respect de l'intérêt de la famille, déterminer les raisons de sa protection dans une procédure de changement de régime matrimonial, implique nécessairement et préalablement d'encadrer cette notion, d'établir ses contours. Or, voici un concept bien délicat que celui de l'intérêt de la famille, tant du fait de son caractère abstrait que de sa carence en matière légale. Pourquoi une telle incertitude autour de cette expression ? Premier élément de réponse, le fait même que l'intérêt de la famille repose littéralement sur la notion de famille : or, il n'est pas difficile d'envisager que celle-ci soit elle-même une conception mouvante, suivant le rythme des évolutions sociales, démographiques et économiques de nos populations.
D'autre part, plus difficile encore semble être la détermination d'un intérêt lorsqu'il concerne un groupe : doit-il concerner tous ses membres ? Son respect doit-il être effectif au regard de chacun ? Existe-t-il un intérêt à prendre davantage en considération au sein du groupe familial ? Autant d'interrogations, et bien d'autres encore, que le législateur n'a pas éclairées, laissant à la jurisprudence, reflet d'évolutions certainement trop rapides et changeantes pour la mise en place d'une rigueur textuelle, le soin d'établir progressivement les contours de l'intérêt de la famille dont le respect est exigé à l'article 1397 C.civ.
Malgré les travaux des juges, l'intérêt de la famille n'en reste pas moins une conception incertaine : nous appuyant essentiellement sur les indices établis au fil des ans par la jurisprudence, à partir notamment du critère d'appréciation globale (1), et des solutions proposées aux conflits d'intérêts récurrents en matière de modification des régimes matrimoniaux (2), nous tenterons malgré tout de déterminer les cadres de cette notion, étape logiquement indispensable à la mise en œuvre de sa protection.
[...] Or, voici un concept bien délicat que celui de l'intérêt de la famille, tant du fait de son caractère abstrait que de sa carence en matière légale. Pourquoi une telle incertitude autour de cette expression ? Premier élément de réponse, le fait même que l'intérêt de la famille repose littéralement sur la notion de famille : or, il n'est pas difficile d'envisager que celle-ci soit elle-même une conception mouvante, suivant le rythme des évolutions sociales, démographiques et économiques de nos populations. [...]
[...] Pourquoi cette précision ? Imaginons simplement que le changement de régime matrimonial ne produise pas les mêmes effets entre les différentes personnes susceptibles d'être concernées : il peut en effet léser certains membres de la famille sans être forcément contesté par d'autres, ou encore mieux les favoriser. Dans un tel cas, la condition du respect de l'intérêt de la famille peut être considérée comme validée d'un côté, et bafouée de l'autre. Comment alors l'intérêt de la famille doit-il être évalué ? [...]
[...] La motivation des époux correspondait donc bien ici à la conception du respect de l'intérêt de la famille que les juges avaient jusque-là façonnée, attachée à la situation matérielle du survivant. En revanche, la jurisprudence a toujours fait prévaloir l'intérêt des enfants dès lors que la modification visait à transmettre un patrimoine très important afin d'accroître considérablement celui du conjoint survivant, alors même que celui-ci était déjà suffisant pour assurer le maintien de son niveau de vie (Cour d'appel de Rouen février 1981). [...]
[...] Quant à la prise en compte de la situation des enfants, elle est, elle aussi, essentielle : on l'a vu, l'homologation au regard de l'intérêt de la famille n'était pas accordée dans les mêmes mesures en présence d'enfants naturels, d'un premier lit, ou d'enfants communs. L'absence de recours pour les enfants naturels jusqu'à la loi de 2001 encourageait les juges à préférer la défense de leurs intérêts à ceux des époux. Si la prise en considération des motivations des conjoints à modifier leur régime est l'un des critères importants dans la détermination de l'intérêt de la famille, il convient dès lors de mettre en évidence l'évolution de celles-ci et ses effets sur l'appréciation de l'intérêt familial. [...]
[...] Malgré les travaux des juges, l'intérêt de la famille n'en reste pas moins une conception incertaine : nous appuyant essentiellement sur les indices établis au fil des ans par la jurisprudence, à partir notamment du critère d'appréciation globale et des solutions proposées aux conflits d'intérêts récurrents en matière de modification des régimes matrimoniaux nous tenterons malgré tout de déterminer les cadres de cette notion, étape logiquement indispensable à la mise en œuvre de sa protection - L'appréciation globale de l'intérêt de la famille, le seul critère imposé par le législateur A la lecture de l'article 1397 C.civ., ancien comme nouveau, l'exigence de l'intérêt de la famille justifiant la modification du régime des époux est indéniablement apparente : le texte y fait littéralement référence. Les indices du législateur permettant de contrôler le respect de cette condition sont toutefois bien minces. [...]
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