Le 27 juillet 2004, le Tribunal de grande instance de Bordeaux annulait le 1er mariage homosexuel célébré en France. Cette annulation, confirmée par la Cour d'Appel de Bordeaux, le 19 avril 2005, a été jugée conforme à la loi par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 13 mars 2007. En l'espèce, le maire de la commune de Bègles avait célébré le mariage de deux personnes de même sexe, le 5 juin 2004, et ce malgré l'opposition du ministère public, le 27 mai 2004. Le parquet a donc agi en annulation du mariage. L'annulation du mariage par les juges du fond se fondait tant sur le principe d'hétérosexualité du mariage, déduit aussi bien de l'article 144 du Code Civil que de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme (art. 12 de la CEDH), que sur le caractère justifié (par l'objectif de fonder une famille) de la distinction de traitement opérée à raison de l'orientation sexuelle. Le pourvoi des époux devant la Cour de Cassation se fondait sur deux moyens différents.
D'une part, ils contestaient la recevabilité de l'action publique. Les juges de cassation estiment ce moyen infondé dans la mesure où le parquet a possibilité d'agir dès lors qu'est menacé l'ordre public. D'autre part, ils arguaient d'une violation des articles 8 (Droit à la vie privée), 12 (liberté nuptiale) et 14 (interdiction des discriminations) de la CEDH ainsi que de l'article 9 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne. La Cour répond à ce second moyen en rappelant le principe d'hétérosexualité du mariage en France et en constatant une conformité non seulement à la CEDH, mais également à la Charte, et ce même si cette dernière n'est pas applicable en droit interne.
La 1ère Chambre Civile rejette donc le pourvoi en confirmant que l'on doit déduire de l'article 144 du Code Civil un principe d'hétérosexualité du mariage.
[...] Ainsi la position de la Cour pourrait-elle évoluer si la législation des parties à la convention évoluait parallèlement. Or, depuis 1998, un certain nombre d'Etats européens ont reconnu le mariage homosexuel (l'Espagne, la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas). Outre l'évolution du jus commune, le revirement effectué par la Cour quant au mariage des transsexuels pourrait jouer un rôle certain. Depuis l'arrêt Goodwin, du 11 juillet 2002, la Cour autorise le mariage des transsexuels avec des personnes de leur sexe biologique. [...]
[...] On peut s'interroger sur la raison pour laquelle la Cour ne s'est pas ici bornée à soulever l'inapplicabilité du texte en droit interne. Désirait- elle proposer d'ores et déjà son interprétation du texte, en prévision de sa ratification ? Ou craint-elle plutôt une action éventuelle devant la Cour de Justice des Communautés Européennes ? En effet, l'absence de force contraignante de la Charte est souvent affirmée de manière rapide et inexacte, puisque si elle est inapplicable en France, le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes s'est déjà fondé au moins une fois sur ce texte (TPICE mai 2002). [...]
[...] Or, pourquoi créer un mariage bis si ce n'est pour éviter d'ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, sans encourir une condamnation devant la CEDH ? Enfin, on peut présumer que l'attachement du législateur à ce principe est étroitement lié à la question de l'homoparentalité, à laquelle le législateur, comme les juges (Civ. 1ère fév. 2007), sont hostiles. La question de la conformité du droit français aux conventions internationales A La compatibilité avec la CEDH La Cour Européenne des Droits de l'Homme s'est prononcée, en 1998, contre le mariage homosexuel (CEDH juillet Sheffield). L'argumentation du pourvoi peut donc étonner. [...]
[...] S'agissant du droit français, une évolution rapide de la situation n'est pas à exclure. En effet, l'opposition parlementaire a déposée sur le bureau de l'Assemblée Nationale, en juin 2006, deux propositions de lois tendant à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe et cette question est au centre de la campagne présidentielle. De plus, les juges de la Cour d'Appel de Bordeaux ont confirmé la décision des juges de 1ère instance, en précisant toute fois qu'il ne leur appartenait pas de faire évoluer l'institution matrimoniale. [...]
[...] Cette affirmation est erronée, ne serait-ce que parce qu'au moins deux des rédacteurs du Code de 1804 étaient homosexuels, fait qui était à l'époque de notoriété publique. L'option pour un mariage hétérosexuel n'était en rien motivée par un rejet de l'homosexualité, mais bel et bien par l'objectif de l'institution, la procréation. Dans un arrêt du 6 avril 1903, la Chambre Civile de la Cour de Cassation a précisé que le mariage ne pouvait être célébré qu'entre deux personnes de sexe apparemment différent. D'un principe d'hétérosexualité du mariage, on passe alors à un principe d'apparence d'hétérosexualité. [...]
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