En droit français, la famille ne fait pas l'objet d'une définition. Le Code civil ne propose pas de partie consacrée exclusivement à la famille, laquelle est traitée au travers de dispositions éparses. Il faut y voir la traduction d'un nouvel ordre juridique né au lendemain de la Révolution, qui repose sur les droits de la personne, rompant avec l'ancien droit fondé sur le groupement, et plus spécialement les corporations.
Cellule de base de la société, la famille n'a pas pour autant cessé de jouer un rôle social essentiel. Pouvant être définie comme un groupement de personnes liées par la parenté ou l'alliance, elle apparait même comme une sorte d'institution privée, dotée d'un pouvoir (l'autorité parentale dont sont titulaires les parents) et de biens (l'héritage familial), afin de réaliser un intérêt collectif. Le rôle de socialisation primaire exercé par la famille est ainsi si capital qu'en cas de défaillance, c'est l'Etat qui accomplit cette fonction, par le placement des enfants dans des institutions spécifiques.
Dans ce domaine où les enjeux privés affectent en fait la société entière, le rôle régulateur de la justice est particulièrement prégnant : prévenir et régler les conflits, assurer le fonctionnement de la société selon des intérêts définis par la loi, faire respecter les droits de chacun...
Ces missions traditionnelles de la justice prennent une épaisseur particulière dans le cadre familial, où les évolutions sociales des dernières décennies ont consacré l'éclatement des liens familiaux (le nombre de divorces a doublé en 30 ans, deux mariages sur cinq se terminant aujourd'hui par un divorce) et un relatif déclin des solidarités familiales.
C'est également le domaine où la question des relations entre le droit et les mœurs se pose avec le plus d'acuité : le droit doit-il diriger les mœurs, et ainsi édicter ce qu'il doit être, ou plutôt les accompagner, en prenant acte de ce qui est ?
[...] Le rôle de socialisation primaire exercé par la famille est ainsi si capital qu'en cas de défaillance, c'est l'État qui accomplit cette fonction, par le placement des enfants dans des institutions spécifiques. Dans ce domaine où les enjeux privés affectent en fait la société entière, le rôle régulateur de la justice est particulièrement prégnant : prévenir et régler les conflits, assurer le fonctionnement de la société selon des intérêts définis par la loi, faire respecter les droits de chacun . [...]
[...] Cependant, il serait abusif de dire que la justice laisse le champ libre aux volontés individuelles dans le domaine de la famille. Pour Françoise Dekeuwer-Defossez, il est même faux de dire que l'emprise des libertés individuelles s'accroît en matière familiale. Quant aux exemples cités précédemment, il faut selon elle les relativiser : les conventions entre parents ont un contenu très limité, et surtout leur force exécutoire est toujours subordonnée à une homologation judiciaire, qui ne prend pas uniquement en compte la volonté de leurs auteurs, mais aussi et surtout l'intérêt de l'enfant. [...]
[...] L'exemple le plus frappant est bien sûr le Pacs, institué par la loi de 1999 et réformé en 2006, qui se présente comme un contrat comportant des obligations réciproques, avec une rupture conjointe ou unilatérale sans contrôle du juge. Mais même au sein de l'institution du mariage, une réelle importance est donnée aux conventions passées entre les ex-époux, et ce, même dans le cas des divorces contentieux (article 265-2 CC : Les époux peuvent, pendant l'instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial.). [...]
[...] Ces deux approches ne sont bien sûr pas incompatibles, mais suscitent au quotidien de réelles difficultés pour le juge de la famille. La justice relais de la famille défaillante C'est lorsque la défaillance des parents met en danger leurs enfants que l'ingérence de la justice se fait le plus sentir en matière familiale. Il convient tout d'abord de relever que la plupart des devoirs qui incombent aux parents en vertu de l'autorité parentale sont, en cas de violation, sanctionnés par des règles pénales. [...]
[...] Dans le domaine de la protection de l'enfance, on assiste aux deux mêmes tendances dégagées précédemment : le rôle décisif du juge, et une contractualisation en trompe-l'œil. En ce qui concerne le rôle du juge, Denis Salas relève une dichotomie frappante entre le droit du divorce, formel et civiliste et le droit de la protection de l'enfance, procédural et décentralisé : A une référence qui reste posée en haut par la loi pour les cas de divorce, correspond pour les familles maltraitantes une référence qui vient d'en bas, en quelque sorte disséminée dans chaque collectivité locale, dans chaque équipe éducative, dans les cas de conscience qui se posent à chacun Selon l'arbitrage que les acteurs de la procédure vont opérer, au cas par cas, entre l'intérêt de l'enfant et la prise en compte de l'avis de la famille, va être délimitée la frontière entre intérêt privé et intérêt de la société, et en fin de compte le droit d'ingérence de la justice dans la sphère familiale. [...]
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