Depuis la fin des années 60, la famille, en France et d'une manière plus générale dans les pays européens et occidentaux, s'est profondément métamorphosée. Initialement fondée sur le mariage célébré dans la perspective de fonder un foyer avec enfants, où les rôles sexués respectifs des parents étaient strictement répartis, la famille a, en raison des mutations de notre société, profondément changée.
En quatre décennies, notre paysage familial s'est transformé sous l'effet de la diminution constante des mariages, de l'augmentation corrélative des divorces et de la croissance de l'union libre, de l'apparition des méthodes contraceptives et des procréations médicalement assistées, qui bouleversent radicalement le rapport entre sexualité et procréation qui peut être déconnecté. De la même manière, notre société a vu croître les familles monoparentales et recomposées, apparaître des familles homoparentales, tandis que l'adoption n'a jamais connu un tel engouement et que le PACS, en étant ouvert à tous les couples, est une révolution conceptuelle de la notion de couple, qui s'entend désormais aussi bien de deux personnes de sexe différent que de deux personnes de même sexe. L'évolution est telle qu'on ne saurait parler aujourd'hui de La famille mais bien Des familles.
Dans ce contexte d'évolution permanente des « modèles » familiaux, se pose aujourd'hui notamment la question de la protection juridique des enfants nés et/ou élevés par deux personnes de même sexe. Je n'évoquerai pas ici l'hypothèse de l'enfant né d'une relation hétérosexuelle, dont l'un des parents découvre ultérieurement son orientation sexuelle car, dans ce cas de figure, l'enfant est affilié à ses deux parents, qui du fait de cette double affiliation le protègent juridiquement ; durant plusieurs années s'est posée avec virulence parfois la question du maintien de la place du parent homosexuel. Aujourd'hui, et bien qu'en pratique il arrive encore que l'homosexualité de l'un des parents constitue un obstacle au plein exercice des droits parentaux du parent homosexuel, l'appréhension de ces situations s'est banalisée, de sorte que l'homosexualité n'est généralement plus retenue contre le parent homosexuel, comme par le passé, sans doute parce que la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt Salgueiro Da Silva a fermement condamné toute restriction aux droits parentaux qui serait fondée sur l'orientation sexuelle.
Le praticien du droit ne peut que constater qu'un enfant qui a été souhaité par deux femmes ou deux hommes n'a de lien de filiation qu'à l'égard d'un seul adulte, alors qu'il est élevé par deux adultes, qui assurent le rôle éducatif de tout parent. Quelles sont les règles de notre droit positif qui pourraient s'appliquer à ces situations, non prévues par le code civil ?
Le droit positif permet d'envisager le recours à deux instruments juridiques qui sont l'adoption simple et la délégation de l'autorité parentale. Ces deux instruments n'ont pas les mêmes effets. L'adoption simple a pour effet l'établissement d'un lien de filiation entre l'enfant et l'adoptant (cela signifie transmission du nom, vocation successorale et autorité parentale), tandis que la délégation de l'autorité parentale ne concerne que l'un des attributs, attaché à la qualité juridique de parent : l'autorité parentale.
1. L'adoption simple
Gouvernée par les articles 360 et suivants du code civil, l'adoption simple établit un lien de filiation entre l'enfant et l'adoptant. Ce lien de filiation adoptif vient se juxtaposer au lien de filiation d'origine, de sorte que l'enfant ainsi adopté a, comme les enfants nés d'une relation hétérosexuelle, deux parents. La loi fait obligation au parent d'origine d'avoir à renoncer à l'autorité parentale au profit de l'adoptant, à moins que le parent d'origine ne soit le conjoint de l'adoptant, ce qui dans le cas de figure d'un couple de personnes de même sexe semble exclu pour le moment.
Rien dans les textes ne vient limiter le prononcé de l'adoption simple en raison de l'orientation sexuelle de l'adoptant. Une fois saisi, le juge doit vérifier, d'une part, que les conditions légales de l'adoption sont réunies et, d'autre part, que l'adoption demandée est conforme à l'intérêt de l'enfant.
L'examen de la pratique judiciaire montre que les tribunaux sont réticents à prononcer l'adoption simple d'un enfant par le beau-parent, de même sexe que le parent d'origine. Certes le Tribunal de grande instance de Paris, dans deux décisions rendues l'une le 27 juin 2001, l'autre le 18 juin 2003, a accepté de prononcer l'adoption simple demandée, certes le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a, le 24 mars 2006, aussi accepté de prononcer l'adoption demandée, mais ce jugement a été infirmé par la Cour d'appel de Riom le 27 juin 2006. Certes le Tribunal de grande instance d'Amiens vient de prononcer l'adoption simple d'un enfant élevé par deux femmes, mais il ne fait pas de doute que cette décision sera frappée d'appel, compte tenu de l'opposition du parquet en première instance.
[...] Il n'y pas de pathologie particulière, pas de confusion des places contrairement à ce que pourraient laisser penser des affirmations péremptoires que l'on retrouve dans certaines décisions. Pour les professionnels de la santé, il ne fait pas de doute qu'un enfant est sécurisé lorsque sa situation réelle est confortée par la situation légale, quand bien même celle-ci ne serait pas le modèle dominant. N'oublions pas que ce que connaît l'enfant, ce qui est son environnement au quotidien, jour après jour, et qu'aucune loi ne peut changer, c'est, dans le cas de figure examiné, avoir deux parents de même sexe. [...]
[...] Devant la Cour de cassation, l'avocat général a estimé qu'accepter la délégation de l'autorité parentale au sein de ce couple de personnes de même sexe aurait été un pas vers la reconnaissance d'un lien de filiation. L'avocat général tentait ainsi de créer une confusion entre la filiation, c'est-à-dire une inscription dans une lignée (grands-parents, parent, enfant avec transmission d'un nom et d'un patrimoine), et autorité parentale qui est un attribut de la qualité de parent, généralement lié à la filiation, mais qui peut en être délié comme le montre les articles 377 et suivants du code civil qui réglementent la délégation de l'autorité parentale. [...]
[...] Ainsi le Tribunal de grande instance de Nice, en juillet 2003, a considéré, alors qu'il était saisi par un couple de femmes, qu'il apparaît dans l'intérêt de l'enfant, en raison des liens d'affection très forts l'unissant à I . B de faire droit à la requête Le même tribunal en avril et juin 2004 a été jusqu'à accepter une délégation croisée à deux femmes vivant ensemble et ayant chacune donné naissance à un enfant : chacune a obtenu la délégation de l'autorité parentale à celle qui n'est pas la mère de leur enfant. [...]
[...] Certains pourraient penser que deux femmes ou deux hommes ayant souhaité un enfant et ayant obtenu une adoption simple, lui ferait croire qu'il est né de leur relation. C'est bien mal connaître les parents homosexuels que de penser ainsi. Comme la parenté homosexuelle n'est pas une donnée évidente, les parents homosexuels s'interrogent bien plus que les parents hétérosexuels, qui peuvent faire un enfant sans même le savoir, de sorte que les parents homosexuels ont un souci de vérité et de transparence vis-à- vis de leur progéniture. [...]
[...] Dans ce contexte d'évolution permanente des modèles familiaux, se pose aujourd'hui notamment la question de la protection juridique des enfants nés et/ou élevés par deux personnes de même sexe. Je n'évoquerai pas ici l'hypothèse de l'enfant né d'une relation hétérosexuelle, dont l'un des parents découvre ultérieurement son orientation sexuelle car, dans ce cas de figure, l'enfant est affilié à ses deux parents, qui du fait de cette double affiliation le protègent juridiquement ; durant plusieurs années s'est posée avec virulence parfois la question du maintien de la place du parent homosexuel. [...]
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