Si la conception traditionnelle de la famille voulait que l'homme travaille « à la sueur de son front » et que la femme « enfante dans la douleur », selon la formule de la Genèse, l'autonomie professionnelle progressivement acquise par les femmes dès le XIXe siècle a conduit le législateur à repenser le régime des gains et salaires, entendus comme les revenus professionnels des époux (quelles qu'en soient l'origine et la forme : salaires et leurs accessoires, revenus d'une activité non salariale, pensions...) , notamment dans le cadre de la communauté légale, marquée par le principe de la gestion concurrente des biens communs.
Le principe de libre perception et de libre disposition des gains et salaires n'a jamais été contesté pour le mari. Il a été progressivement étendu à la femme par les lois successives du 13 juillet 1907 (dérogation au principe de l'unité de gestion des biens du ménage par le mari pour les gains et salaires de la femme mariée), du 13 juillet 1965, et enfin du 23 décembre 1985, qui établit une dérogation, pour les gains et salaires des époux, au principe de gestion concurrente de la communauté.
[...] Le principe de la libre disposition des gains et salaires Les gains et salaires, un bien commun . En tout état de cause, dans le cadre de la division des biens des époux, dans le cadre du régime légal, en trois masses de biens (les deux masses propres, et la masse commune), les gains et salaires font partie de la catégorie des biens communs. C'est la solution clairement exprimée par la jurisprudence au visa de l'article 1401 CC (Cass Civ 1ère 8/02/1978) . [...]
[...] II- Le principe d'insaisissabilité des gains et salaires par les créanciers du conjoint Une exception au droit de gage des créanciers des époux sur la communauté Selon l'article 1413 CC, la communauté répond des dettes assumées en cours d'union par chacun des époux. À ce principe, l'article 1414 CC établit une exception : Les gains et salaires d'un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l'obligation a été contractée pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, conformément à l'article 220 L'article vise uniquement les obligations devenues communes du chef d'un seul époux (et non ses dettes propres), et uniquement les obligations contractées unilatéralement par un conjoint : en effet, il n'y aurait pas d'intérêt à sacrifier les intérêts des créanciers si les conjoints ont agi de concert ou se trouvent obligés solidairement ou conjointement. [...]
[...] Dans le cas contraire, l'article 223 reprend toute sa vigueur puisque l'époux qui les perçoit peut librement en disposer, même à titre gratuit. Faut-il appliquer aux gains et salaires l'article 1426 CC, qui prévoit que, lorsque l'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté ou si sa gestion de la communauté atteste l'inaptitude ou la fraude l'autre époux peut demander en justice à lui être substitué dans l'exercice de ses pouvoirs ? Selon certains auteurs, dont André Colomer[3], la réponse est négative. [...]
[...] Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre Les gains et salaires échappent cependant à cette gestion concurrente en vertu de l'article 223 CC : Chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage Une fois extraite la part destinée à la satisfaction des besoins du ménage, l'époux peut donc faire ce qu'il veut de ses revenus professionnels : les consommer, les employer à l'acquisition des biens nouveaux, en disposer au profit des tiers. La libre disposition, instituée par le régime primaire, prévaut non seulement sur les clauses contraires que l'on songerait à stipuler à la faveur d'un contrat de mariage, mais encore sur les dispositions contraires du régime légal. Dès lors, deux questions principales se sont posées : Faut-il appliquer aux gains et salaires l'article 1422 CC, selon lequel les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté ? [...]
[...] Quel est le sort des économies réalisées à partir de ces gains et salaires ? Le problème a trouvé une solution dans l'hypothèse, la plus fréquente en pratique, dans laquelle ces économies sont déposées sur un compte courant ou de dépôt, avec l'alinéa 2 de l'article 1414 : Lorsque les gains et salaires sont versés à un compte courant ou de dépôt, ceux-ci ne peuvent être saisis que dans les conditions définies par décret Cet alinéa a pour but de répondre aux difficultés de preuve soulevées par le fait que les gains et salaires sont le plus souvent versés sur un compte bancaire, avec d'autres fonds d'autres provenances, avec lesquels ils se confondent. [...]
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