La preuve scientifique du lien de filiation connaît un succès important auprès des tribunaux et cela malgré les restrictions que la loi a, en France, prétendu apporter à son usage. L'utilité de ces preuves n'est pas à démontrer ; mais elles s'inscrivent dans un contexte procédural et substantiel qui tend à conférer à la vérité biologique un poids exorbitant si l'on veut bien admettre que cette vérité n'est, pour l'enfant du moins, que le moyen de révéler une autre vérité, à savoir le lien qui a uni sa mère à son père et que la filiation, en fait comme en droit, ne s'épuise pas dans le lien du sang. Toujours est-il que la pratique des expertises génétiques sème beaucoup de confusion, semble faire craquer le cadre procédural des preuves de la filiation et pose à nouveau des questions beaucoup plus générales de droit substantiel mettant en cause le sens de cette vérité biologique. Convient-il que la loi et les juges suivent ce mouvement réducteur des significations anthropologiques ou tout simplement humaines que le droit attache au lien de filiation ? Ou doivent-ils réagir ? L'examen, dans un premier temps, de cette pratique, à partir de quelques espèces récentes spécialement significatives, vise à prendre la mesure de l'incertitude du droit processuel ; mais il relance le débat sur le fond auquel cette étude voudrait, dans un second temps, apporter des éléments au soutien des choix que le législateur comme les tribunaux doivent faire en la matière.
[...] Cet objectif trouve un écho en droit européen, puisque les juges de la Cour européenne des droits de l'homme considèrent que le respect de la vie familiale exige que la réalité biologique et sociale prévale sur une présomption légale [la présomption de paternité légitime] heurtant de front tant les faits établis que les voeux des personnes concernées sans réellement profiter à personne Ce souci de faire correspondre la filiation juridique et la filiation biologique a largement inspiré les lois de janvier 1993 et de juillet 1994 qui favorisent la prescription d'une expertise génétique dans un procès de filiation. La rencontre d'une certaine conception de la filiation et d'une technique très fiable constitue un engrenage auquel le juge ne peut pas résister, quel que soit le choix dont il dispose théoriquement. A partir du droit à une filiation vraie, combiné aux autres modes d'établissement de la filiation, et en particulier à la possession d'état, la jurisprudence française s'est, semble-t-il, orientée dans une nouvelle voie, celle de la reconnaissance d'un droit à une filiation. [...]
[...] La circonspection reste de rigueur en présence de solutions qui, tout au contraire, cherchent à réduire la portée de l'article 16-11 alinéa 2. Dans un jugement de 1996, un juge des référés toulousain a certes refusé d'ordonner l'expertise sollicitée, en arguant, de manière erronée eu égard aux conditions posées par l'article 145 du nouveau code de procédure civile, de l'absence d'urgence ; la décision n'en reconnaît pas moins que sur la base de cette disposition, une analyse sanguine aurait pu être ordonnée par le juge des référés, faisant ainsi prévaloir un décret sur une loi. [...]
[...] Tout d'abord, il procède à un amalgame entre les conditions de recevabilité de l'action et la preuve de son bien-fondé : pour la Haute juridiction, la preuve de la paternité naturelle étant libre, les présomptions ou indices graves suffisent à la constituer. Autrement dit, l'alinéa 2 de l'article 340 n'est pas une restriction à la mise en oeuvre de l'alinéa premier mais constitue un moyen comme un autre de statuer. Ensuite, la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir apprécié comme elle l'a fait la portée des différents éléments qui lui étaient soumis, notamment un examen sanguin dont la fiabilité était, il est vrai, contestable. [...]
[...] Mais elle n'a pas hésité à étendre cette solution à l'action d'état proprement dite, ce qui est tout de même plus critiquable, dans une espèce où un enfant disposait à la fois d'une possession d'état d'enfant légitime contestée et d'une possession d'état d'enfant naturel. Ses parents, après sa naissance, s'étaient séparés et l'épouse avait vécu en concubinage pour finalement revenir au foyer conjugal. Entre-temps, l'amant avait reconnu l'enfant devant notaire et fait dresser par le juge des tutelles un acte de notoriété constatant la possession d'état d'enfant naturel. [...]
[...] DREIFUSS-NETTER, La filiation de l'enfant issu de l'un des partenaires du couple et d'un tiers J.-C. GALLOUX, L'empreinte génétique : la preuve parfaite ? A. BÉNABENT, Droit civil, La famille 12e éd Litec. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture