Les bouleversements de l'Histoire se sont accompagnés, en bien des matières, de bouleversements juridiques. L'institution du mariage et celle du divorce (dissolution du mariage du vivant des deux époux) ne font pas exception.
Ainsi, le droit français de l'ancien régime, largement influencé et soutenu par le droit canonique, a posé, dès le Moyen Age, le principe de l'indissolubilité du mariage considéré alors comme un sacrement. Le divorce n'avait donc pas sa place dans notre ancien droit. La Révolution a fait en ce domaine, comme dans bien d'autres, table rase du passé. Une loi du 27 septembre 1792, portée par une idéologie libérale et individualiste, a largement autorisé le divorce. En effet, sont alors admis non seulement le divorce pour causes déterminées mais aussi le divorce par consentement mutuel et le divorce par volonté unilatérale pour incompatibilité d'humeur.
Sous l'Empire et pendant la restauration l'institution va connaître quelques attaques. Tout en la maintenant le Code Napoléon, va ainsi supprimer le divorce pour incompatibilité d'humeur et la restauration sonnera quant à elle temporairement le glas de l'institution.
Il faudra attendre le retour de la République, et plus précisément l'année 1884, pour assister à sa renaissance à travers la loi Naquet. Celle-ci ne conçoit cependant le divorce que comme une sanction dans la mesure où seul le divorce pour faute est restauré.
La faute, le manquement aux obligations du mariage constituent bien à l'évidence une cause de dissolution de celui-ci par le divorce. Toutefois, l'échec du mariage peut également se concevoir en l'absence de faute de l'un ou l'autre des époux. Ne pas admettre le divorce dans de pareils cas, c'est enchainer les époux par un lien juridique alors même que ce dernier ne correspond pas ou plus à une réalité affective nécessaire à l'harmonie du mariage.
L'évolution des mœurs va permettre au législateur de prendre en compte cet état de fait. Une loi du 11 juillet 1975 opère ainsi une première réforme complète de l'institution du divorce et admet une pluralité des causes de divorces.
Une seconde réforme majeure intervient à travers la loi du 26 mai 2004. Cette loi reprend le principe d'une pluralité des causes de divorce. Le divorce pour faute est ainsi maintenu mais la loi prévoit également des causes de divorce dans lesquelles les torts probables des époux sont, du moins en partie, indifférents. On peut, dès lors, parler d'une « objectivisation » des causes de divorce.
La loi reprend ainsi le divorce par consentement mutuel qui est, comme le soulignait le Doyen Carbonnier, « un divorce qui ne révèle pas sa cause ». En effet, les époux soumettent au juge, pour homologation, une convention dans laquelle ils se sont accordés sur le règlement des conséquences du divorce. Dans le cadre de cette procédure, le juge n'a ni à connaître la cause du divorce ni à en contrôler l'opportunité.
Par ailleurs, le droit nouveau prévoit deux divorces pour cause objective, c'est à dire dans lesquels l'imputation des torts est à priori indifférente. Il s'agit d'une part du divorce accepté qui repose sur la reconnaissance objective de l'échec du mariage par les époux et d'autre part du divorce pour altération définitive du lien conjugal.
Cette dernière forme de divorce, qui nous occupera plus particulièrement dans les développements ultérieurs, permet à l'un des époux d'imposer à l'autre le prononcé du divorce. Il succède au divorce pour rupture de la vie commune institué par la loi de 1975 qui, tout en écartant à priori la question des torts respectifs des époux dans le règlement du divorce, ne s'était pourtant que partiellement affranchi de la notion de faute, notamment afin de protéger l'époux auquel le divorce était imposé par la volonté unilatérale de son conjoint.
Dès lors, quels mécanismes permettent au nouveau divorce pour altération définitive du lien conjugal d'achever le processus d'objectivisation entamé par son prédécesseur ? Par ailleurs s'agissant ici d'un divorce imposé par la volonté unilatérale de l'un des époux, cette nouvelle forme de divorce ne constitue-t-elle pas une répudiation qui ne dirait pas son nom ?
Les dispositions relatives au divorce pour altération définitive du lien conjugal témoignent certes de la volonté du législateur de s'affranchir ici de la notion de faute (I). Toutefois, celui-ci n'a pas pour autant choisi de sacrifier les époux sur l'autel de l'objectivisation. En effet, le législateur a mis en place des mécanismes permettant d'ancrer les époux dans un rapport d'égalité (II).
[...] Dès lors, quels mécanismes permettent au nouveau divorce pour altération définitive du lien conjugal d'achever le processus d'objectivisation entamé par son prédécesseur ? Par ailleurs s'agissant ici d'un divorce imposé par la volonté unilatérale de l'un des époux, cette nouvelle forme de divorce ne constitue-t-elle pas une répudiation qui ne dirait pas son nom ? Les dispositions relatives au divorce pour altération définitive du lien conjugal témoignent certes de la volonté du législateur de s'affranchir ici de la notion de faute Toutefois, celui-ci n'a pas pour autant choisi de sacrifier les époux sur l'autel de l'objectivisation. [...]
[...] Tout d'abord, la demande de dommages-intérêts au cours de la procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal peut jouer un rôle en la matière. En effet, pour se voir octroyer des dommages-intérêts, le défendeur doit apporter la preuve que la dissolution du mariage a eu pour lui des conséquences d'une particulière gravité. Si le défendeur se prévaut de conséquences matérielles particulièrement graves, le retour à la notion de faute ne semble pas nécessaire. Au contraire s'il se prévaut d'un dommage moral, on peut aisément imaginer que le défendeur soit tenté de se prévaloir des éventuels errements de son conjoint et du fait que ce dernier lui impose un divorce non désiré. [...]
[...] Ces deux éléments, témoignent de l'état d'esprit du législateur, et à travers lui de celui de la société de l'époque. Comme a pu le souligner Jean Hauser[2], le législateur de 1975 a raisonné sur l'hypothèse d'un conjoint innocent qui se voyait contraint de divorcer malgré lui par un époux souhaitant reprendre sa liberté et qui à ce titre devait être protégé. Cette stigmatisation du demandeur a contribué à rendre le divorce pour rupture de la vie commune relativement inefficace (moins de des cas de divorce), et ce, pour deux raisons principales. [...]
[...] Ce nouveau divorce, ne repose plus que sur une cause purement objective énoncée à l'article 237 du Code Civil : l'altération définitive du lien conjugal, c'est à dire l'échec du mariage. Son objectivité n'est donc plus dénaturée par la clause d'extrême dureté ou par des éléments tendant à imputer indirectement le divorce au demandeur. Aujourd'hui, la réalisation de deux conditions purement objectives (très proches des conditions du divorce pour rupture de la vie commune) doit permettre le prononcé du divorce Des conditions de divorces purement objectives L'article 238 du Code Civil dispose aujourd'hui que l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation Le législateur ne modifie guère ici la double condition qu'il avait posée en 1975 concernant le divorce pour rupture de la vie commune. [...]
[...] La consécration de mécanismes nécessaires à un traitement équitable des époux La clause de dureté et l'imputation des charges du divorce au demandeur ont contribué sous l'empire de la loi de 1975 à une diabolisation du demandeur contre la malignité duquel le défendeur innocent devait être protégé. La loi de 2004, se voulant pacificatrice et non discriminatoire, rompt avec ce système en consacrant, à travers le divorce pour altération définitive du lien conjugal, un divorce pour cause objective. Elle n'abandonne cependant pas les époux et en particulier le défendeur à un divorce parfaitement insécure. [...]
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