Drôle de paradoxe, en apparence, de légiférer sur un mode de vie libre, instauré de facto, et devant par définition échapper au droit de la famille. Il est étrange que la vie maritale soit consacrée comme une situation de fait dans notre code de droit commun, que le concubinage suive immédiatement la description du pacte civil de solidarité, contrat d'union plus souple et moins institutionnalisé que le mariage, seule union légitime selon Malaurie. Il s'agit, étrangement, d'un « entêtement » législatif. Cet article 515-8 du code civil a été ajouté, par les sénateurs, afin qu'il se substitue au PACS, auquel les « vieux sages » étaient opposés. Mais pour les prendre à leur propre jeu, les députés ont entendu conserver cette définition légale du concubinage en plus des dispositions relatives au PACS, en l'encadrant relativement, définition qui s'entend, selon l'article controversé, comme «une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. » Cette définition, issue de l'article 3 de la loi N°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, est très précise et encadre la notion de concubinage tout en laissant une grande marge de manœuvre aux personnes concernées. Peut-être serait-il intéressant de s'interroger sur l'opportunité d'une loi car, s'il s'agit d'une union libre, la consacrer en droit revient à lui attribuer des faits juridiques, fussent-ils parcellaires, puisque découlant d'un fait juridique. Ainsi tant la formation de l'union, son contenu, sa rupture que le régime de preuve qui lui est applicable ne font quasiment pas l'objet d'encadrements institutionnels et même contractuels, comme nous l'étudierons.
Cette loi a été déférée devant le Conseil constitutionnel, qui rend sa décision 99-419 DC, déclarant conforme, sous de nombreuses réserves interprétatives, la loi à la Constitution. Il sera intéressant, au cours du développement, d'observer l'argumentation du Conseil quant à l'article 515-8, incriminé par certains sénateurs. Après l'adoption de cette loi, trois modes de vie commune sont désormais possibles : le mariage, institution traditionnelle et réglementée supposant divers devoirs mutuels et la nécessité de vie en couple, selon l'article 75 du code civil, le PACS, contrat conclu entre deux personnes majeurs et réglant leur vie commune, ainsi que le concubinage, institution de fait qui suppose, contrairement au PACS, une vie en couple pour être reconnu.
Mais il n'en a pas toujours été ainsi et, quoi qu'on pense de la loi du 15 novembre 1999, elle constitue une innovation juridique qui entérine une réalité sociologique très ancrée dans les mœurs et qui ne fait polémique que dans de rares parcelles de la société actuelle. Le concubinage a une étymologie péjorative, (coucher avec en latin), donc depuis Rome, le Bas-empire, et l'Église médiévale, ce mode de vie était d'une part ignoré par la loi, et d'autre part peu recommandé et mal vu. Même Napoléon ignorait les concubins qui, selon lui, ignoraient eux-mêmes la loi. Le code civil, au demeurant libéral, ne reconnaît donc pas le concubinage et l'union libre en général jusqu'à la loi de 1999. Cette reconnaissance, relativement tardive en France par rapport à d'autres droits, est due à l'égalité progressive de droit instaurée entre les deux sexes, la femme ayant un statut respecté, les tâches tant domestiques que professionnelles tendant à s'équilibrer. L'influence de la construction communautaire n'est pas négligeable puisque, dès 1989, un rapport du Conseil de l'Europe avait préconisé de reconnaître un statut légal aux unions libres. Ainsi, la proposition d'organiser l'union libre par un contrat de partenariat a été suivie, et se traduit par les articles 515-1 à 515-7 du code civil, et l'union libre sans contrat fait l'objet d'un article unique, sujet à interprétation, que constitue l'article 515-8. Jusqu'à l'adoption de cette loi, les opposants n'ont pas manqué l'occasion de se faire entendre, d'autant plus qu'il s'agissait de donner des droits aux personnes homosexuelles, considérés par certains encore comme des êtres « dénaturés. » Ainsi l'adoption de la loi, avec toutes les imperfections quant au statut du concubinage, constitue malgré tout une reconnaissance certaine d'un état de fait qui ne fait quasiment plus scandale, quand on pense que des personnes pouvaient être condamnées à mort pour s'être livrées à une union hors mariage et que cette pratique perdure dans certaines régions du globe encore actuellement.
L'article 515-8, qui constitue l'ossature de la loi du 15 novembre 1999 avec les sept articles qui le précèdent, détermine le concubinage comme une union de fait nécessitant la vie en couple. Mais que recouvre cette notion d'union de fait, de vie en couple, de stabilité et de continuité d'une vie commune ? Quels sont les effets qui résultent de cette définition tant sur le plan personnel que patrimonial et peut-on parler d'une réelle liberté ? Quel est le degré d'émancipation ou d'influence de cette définition au regard du mariage ?
La définition légale du concubinage traduit l'émancipation par rapport au mariage (I), mais elle conserve certains éléments du couple traditionnel, qu'elle s'efforce d'adapter à la nouvelle situation (II.)
[...] Il sera intéressant, au cours du développement, d'observer l'argumentation du Conseil quant à l'article 515- incriminé par certains sénateurs. Après l'adoption de cette loi, trois modes de vie commune sont désormais possibles : le mariage, institution traditionnelle et réglementée supposant divers devoirs mutuels et la nécessité de vie en couple, selon l'article 75 du code civil, le PACS, contrat conclu entre deux personnes majeurs et réglant leur vie commune, ainsi que le concubinage, institution de fait qui suppose, contrairement au PACS, une vie en couple pour être reconnu. [...]
[...] Commentaire de l'article 515-8, article unique du chapitre II du titre XII du livre Ier du code civil Drôle de paradoxe, en apparence, de légiférer sur un mode de vie libre, instauré de facto, et devant par définition échapper au droit de la famille. Il est étrange que la vie maritale soit consacrée comme une situation de fait dans notre code de droit commun, que le concubinage suive immédiatement la description du pacte civil de solidarité, contrat d'union plus souple et moins institutionnalisé que le mariage, seule union légitime selon Malaurie. [...]
[...] Mais, dans ce genre de situation, pas toujours très claire, la reconnaissance en droit est une reconnaissance par défaut, sans effets significatifs sur la notion de couple. C'est pourquoi la communauté de vie n'implique ni devoir de secours, ni devoir de fidélité et le devoir de cohabitation en concubinage est inexistant. Si le droit reconnaît le couple formé par les concubins, il ne le reconnaît qu'à minima. Comme les obligations qui s'y rattachent sont peu nombreuses et peu contraignantes, parallèlement les droits sont également très limités. [...]
[...] La définition de la vie commune et du couple D'une part, la vie commune doit, pour rentrer dans le cadre du concubinage, être caractérisée par un caractère de stabilité et de continuité et, d'autre part, les deux personnes doivent vivre en couple. La vie commune doit être stable et continue, ce qui implique d'abord que les relations sans lendemain, éphémères ou intermittentes ne soient pas considérées comme des relations de concubinage, et ensuite que le couple vivent dans un même logement, ou au moins qu'il puisse concrétiser régulièrement sa relation. Si le logement commun n'est pas exigé, il faut pouvoir prouver, par témoins par exemple, que les relations sont suivies et non aléatoires. [...]
[...] On aurait tendance à croire que la définition du couple et de la vie commune ainsi établie et aménagée garantit la liberté des concubins tant dans la formation, dans le déroulement du concubinage que parfois même durant la rupture. S'il est vrai que la liberté est présente durant ces trois phases, l'ambiguïté de la notion de stabilité et de continuité de la vie commune, ainsi que de la vie de couple, peut prêter à confusion. Il convient d'ores et déjà d'opérer une distinction entre les concubinages qui se déroulent sans encombre, et ceux qui s'achèvent par la rupture. [...]
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