La filiation est le lien juridique qui unit un enfant à sa mère ou à son père. Dans ce domaine, notre droit a fait l'objet de deux réformes importantes : la première par une loi du 03 janvier 1972, la seconde par l'ordonnance du 04 juillet 2005.
Traditionnellement, on distinguait deux sortes de filiations: la filiation légitime, lorsqu'un enfant était issu d'un couple marié ; la filiation naturelle, lorsque l'enfant était né hors mariage, soit des relations entre un homme et une femme célibataires (enfant naturel simple), soit des relations entre deux personnes dont l'une (ou les deux) était mariée avec un tiers (enfant adultérin), soit des relations entre deux personnes auxquelles la loi interdit le mariage en raison de leur parenté (enfant incestueux).
Avant 1972, il existait entre ces filiations une nette hiérarchie. La filiation légitime était considérée comme un modèle et à ce titre elle était favorisée alors même qu'elle ne correspondait pas toujours à la réalité biologique. La filiation naturelle, lorsqu'elle pouvait être établie, ce qui n'était pas toujours le cas, ne conférait le plus souvent à l'enfant qu'un statut inférieur.
La loi du 03 janvier 1972 a eu d'abord pour ambition de favoriser la vérité dans l'établissement des filiations. Pour cette raison, le domaine de la légitimité a été restreint. Cette légitimité est écartée dans certains cas où elle ne paraît pas correspondre à la réalité (enfant déclaré à l'état civil sans indication du nom du mari ; enfant conçu pendant une période de séparation légale). En outre, la loi de 1972 a facilité la contestation de cette légitimité spécialement en ouvrant une possibilité de contestation à la mère. Pour autant, la contestation de la légitimité reste enfermée dans des limites étroites et soumise à des délais relativement brefs.
Un autre objectif de la loi de 1972 a été d'instaurer une plus grande égalité entre les filiations quant à leurs effets. Le principe d'égalité des filiations est posé dans les textes. Mais cette égalité est loin d'être parfaite. Les modes d'établissement et de contestation restent très différents selon qu'il s'agit d'un enfant légitime ou d'un enfant naturel.
Pour l'enfant légitime, les choses sont simples. La maternité résulte de la désignation de la mère dans l'acte de naissance ou de la possession d'état. La paternité du mari résulte du jeu d'une présomption, la présomption de paternité. Dans le cas où la filiation légitime n'a pas été établie de cette façon, une action en justice est possible, le plus souvent pour faire établir la maternité d'une femme mariée (puisque la paternité du mari en résulte automatiquement par le jeu de la présomption de paternité). Cette action peut être exercée soit par les époux (action en revendication d'enfant légitime), soit par l'enfant lui-même (action en réclamation d'état).
Par ailleurs, une fois établie, la légitimité est difficilement contestable. Si l'enfant a un titre d'enfant légitime et une possession d'état conforme à ce titre, sa filiation est inattaquable (sauf désaveu du mari dans des délais très brefs). Mais il convient d'ajouter que la jurisprudence a développé des actions tendant à permettre et pendant des délais très long (30 ans) la contestation de la filiation d'un enfant qui n'aurait pas la possession d'état d'enfant légitime (interprétation a contrario des art. 322 et 334-9 anciens).
L'ordonnance du 04 juillet 2005 franchit un pas supplémentaire dans la voie qui avait été tracée par la loi de 1972. Par souci d'égalité, elle fait disparaître les qualificatifs de « légitime » ou de « naturel ». L'établissement non contentieux de la filiation comme les actions relatives à la filiation font l'objet de dispositions communes qui ne distinguent plus, en principe, selon que les parents sont mariés ou non. Est-ce à dire que cette réforme fait disparaître toute spécificité quant à la filiation de l'enfant issu d'un couple marié ? Loin s'en faut.
S'agissant de l'établissement non contentieux de la filiation de l'enfant issu d'un couple marié, il y a peu de changements (I) et cet établissement conserve une certaine spécificité. Par contre, s'agissant des actions relatives à cette filiation, l'ordonnance de 2005 réalise une synthèse de l'évolution de la jurisprudence et apporte des modifications importantes dans le sens de la simplification (II) ; elle tend ainsi à gommer les particularités qui s'attachaient à la situation matrimoniale des parents.
[...] La présomption de paternité a des origines historiques lointaines. Autrefois, elle était fondée sur le devoir de fidélité des époux et sur l'admission anticipée de sa paternité par le mari, en raison simplement du mariage. Mais à l'époque moderne, elle est devenue davantage une facilité de preuve et elle a été conservée par commodité plus que par nécessité. En effet, les progrès réalisés dans le domaine scientifique auraient permis d'exiger la preuve positive de la paternité du mari. Le législateur de 1972 ne s'y était pas résolu, bien qu'il ait sensiblement réduit le domaine et la force de la présomption de paternité. [...]
[...] La loi prévoit cependant un butoir. En effet, aucune action en contestation ne sera plus possible dès lors que l'enfant aura eu pendant 5 ans depuis sa naissance un titre et une possession d'état conforme. Ce délai est donc plus long que celui de l'ancienne action en désaveu et il rend incontestablement la filiation d'un enfant issu d'un couple marié plus fragile qu'elle ne l'était autrefois. - Si l'enfant n'a pas un titre et une possession d'état conforme, sa filiation peut être contestée par tout intéressé. [...]
[...] Mais ces actions étaient rares et le plus souvent les actions en contestation de la légitimité tendaient à contester spécialement la paternité du mari. * Soit le mari pouvait contester sa propre paternité par une action en désaveu alors même que l'enfant avait le titre d'enfant légitime et une possession d'état conforme à ce titre. Le mari pouvait désavouer l'enfant s'il justifiait de faits propres à démontrer qu'il ne pouvait en être le père. Le délai pour exercer cette action était bref : 6 mois à compter de la naissance de l'enfant si le mari est sur les lieux mois à compter de son retour si le mari n'était pas présent, ou 6 mois à compter de la découverte de la fraude si la naissance a été cachée. [...]
[...] La question est désormais résolue dans le texte. Par la même occasion, l'ordonnance de 2005 a abrogé l'institution un peu particulière du désaveu par simple dénégation qui permettait au mari de désavouer l'enfant en affirmant sa volonté de ne pas en être considéré comme le père sans avoir à rapporter la preuve de sa non paternité. Cette possibilité lui était offerte, en particulier, vis-à-vis d'un enfant né dans les 180 premiers jours du mariage, sauf s'il avait eu connaissance, avant le mariage, de la grossesse de sa future épouse ou lorsque, après la naissance, le mari s'était comporté comme le père (dans ce cas, seul restait possible un désaveu de droit commun). [...]
[...] Comme par le passé, la filiation de l'enfant issu d'un couple marié devrait être établie le plus souvent par l'effet de la loi. Les avis sont partagés sur le point de savoir si l'ordonnance de 2005 a entendu faire également de la reconnaissance un mode d'établissement de la filiation de l'enfant issu d'un couple marié. En effet, il est prévu (C. civ., art al. que la reconnaissance est possible dès lors que la filiation n'est pas établie par l'effet de la loi. [...]
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