Cour supérieure du Québec, coutume, inuit, instance juridique, adoption coutumière, droits des peuples autochtones, intérêt de l'enfant, agression sexuelle, garde d'enfant, menace de mort, droit coutumier, droit comparé, droit québécois
La réhabilitation de la coutume comme source du droit positif est un processus au long cours. Le droit coutumier repose sur des principes et des règles qui se manifestent in concreto dans des événements courants de la répression judiciaire et pénale, à l'instar des affaires d'agressions sexuelles, de menaces de mort, mais aussi dans les affaires parties liées avec le droit et le contentieux de la famille (ainsi la question de la garde d'enfant ou de l'adoption coutumière).
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Alors que l'adoption du droit québécois connait une formalisation, notamment sous la forme de la législation incluse dans le Code civil québécois, l'adoption inuit ne répond ni aux mêmes schémas formels, ni aux mêmes attentes, ni aux mêmes conceptions fondamentales et aux représentations socioculturelles. Il s'ensuit que d'un côté, des caractéristiques de l'adoption inuit doivent être soulignées dans leur ipséité ; de l'autre, des différences avec l'adoption du droit québécois doivent être mises à jour pour permettre une compréhension diachronique des situations concernées.
[...] En l'espèce, la réforme de la pensée juridique s'incarne dans ce qui fut mentionné supra, le matériau fondant la justification du jugement : le matériau est de type ethnographique, collectant des représentations propres à la communauté autochtone et intéressant le vécu des personnes concernées : les parents, la famille de ces derniers et l'enfant (et sa situation à venir). La pensée juridique, généralement centrée sur l'individu concerné par le jugement, élargit ici son panel de considération en s'intéressant, par exemple, à la manière dont la mère de l'enfant « a informé la Cour de son désir de réintégrer son village natal tout en admettant honnêtement qu'elle désirerait conserver son présent emploi à Montréal », ou à la façon dont « une preuve de désintéressement de sa part à l'endroit de son fils » pouvait (ou ne pouvait pas, en l'occurrence) être interprétée comme telle. [...]
[...] Cette conception du droit qui laisse une grande place à l'anthropologisation du jugement est, en creux, une représentation paradigmatique du pluralisme juridique en vigueur au Canada, qui plus est sur des questions qui touchent à l'intimité du tissu social et culturel autochtone, car « pour la plupart des peuples autochtones, le concept de famille possède un sens élargi et constitue le fondement de la société [où] l'Etat n'a jamais réussi à supplanter entièrement les traditions juridiques autochtones relatives à la famille5 ». [...]
[...] Okpik - Cour supérieure du Québec (1980) ; Quand la coutume fait Loi, Du terrain anthropologique inuit au rôle de témoin-expert devant les instances juridiques - Bernard Saladin d'Anglure (2016) ; L'adoption coutumière chez les Inuit du Nunavik : ses spécificités et conséquences sur le développement de l'enfant - Béatrice Decaluwe, Marie-Adnrée Poirier et Gina Muckle (2016) - Les coutumes de la famille autochtone 1. Comment le juge analyse-t-il l'adoption coutumière afin de rendre une décision qui lui paraisse juste ? [...]
[...] En ce sens, le juge entend prendre le contre-pied de politiques où « l'Etat règlemente la circulation des enfants d'une manière qui produit des conséquences négatives pour les communautés autochtones6 » en remettant, au centre du jugement, la question culturelle anthropologique et celle du vécu des populations concernées par un tel jugement qui n'a pas un seul impact sur l'enfant, mais sur la structuration familiale d'un groupe culturel entier qu'il convient de respecter et de faire respecter dans sa normativité, dans la lignée de « l'article 543.1 du Code civil [qui] précise que l'autorité compétente - une institution créée par l'Etat et désignée par la communauté ou la nation - doit s'assurer que la coutume en matière d'adoption est en harmonie avec le principe de l'intérêt de l'enfant, du respect de ses droits et du consentement des personnes concernées7 ». 2. Quels principes ou règles du droit coutumier sont décrits dans les affaires d'agression sexuelle, de menaces de mort et de garde d'enfant dont discute l'auteur ? Y a-t-il des mécanismes inuit de règlement des différends ? [...]
[...] Il s'ensuit que d'un côté, des caractéristiques de l'adoption inuit doivent être soulignées dans leur ipséité ; de l'autre, des différences avec l'adoption du droit québécois doivent être mises à jour pour permettre une compréhension diachronique des situations concernées. En ce qui concerne, tout d'abord, les caractéristiques de l'adoption inuit, elles font face à un premier problème dans la caractérisation même de la désignation d'adoption : en effet, « l'adoption dans la société eurocanadienne ne peut être assimilée à ce que l'on appelle communément "adoption coutumière" chez les peuples autochtones9 », dans la mesure où les déterminants culturels sont foncièrement différents. [...]
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