L'amour s'accommode mal avec les frontières semble-t-il. Les liens du coeur seraient-ils plus forts que les liens du droit? L'article 37-1 du Code de la nationalité témoignerait en ce sens en proclamant que "l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut acquérir cette nationalité par déclaration dans les conditions prévues aux articles 101 et suivants sur justification du dépôt de l'acte de mariage auprès de l'autorité administrative compétente".
Toutefois, toute idylle amoureuse débouchant sur mariage ne reçoit pas pour autant consécration du droit. En effet, le bénéfice des règles relatives à l'entrée sur le territoire, l'obtention d'une carte de séjour par exemple se heurte avec les règles libérales en droit du mariage, c'est la problématique du "mariage blanc". En témoigne cet arrêt du 22 novembre 2005.
Un ressortissant tunisien a épousé une femme de nationalité française le 23 novembre 1996 à Pontoise. Cependant, le procureur de la République, associé à la femme du ressortissant tunisien, a engagé sur le fondement des articles 146, 184 et 190 du Code Civil, une action en nullité de leur mariage. Le procureur de la République soutient que M.X, ressortissant tunisien, a recherché exclusivement, à travers son mariage, la possibilité d'obtenir un titre de séjour. La Cour d'Appel de Versailles, le 5 juin 2003, a déclaré recevable l'action du ministère public. M.X. forme un pourvoi en Cassation. La Première Chambre Civile de la Cour de Cassation rejette le pourvoi et condamne M.X. aux dépens.
Cet arrêt soulève deux problématiques dont l'une saurait se résumer de la manière suivante : Comment apprécier l'existence d'un mariage blanc au regard de l'absence de volonté réelle de créer un foyer matrimonial?
La seconde problématique est un écho donné à la question déjà débattue en jurisprudence sur le point de savoir quel régime de nullité doit-on appliquer et précisément si l'on peut éluder le délai de prescription de l'action de l'article 190-1 du Code Civil.
La Cour de Cassation, dans une volonté affirmée de lutter contre les mariages de complaisance, répond à ces questions en se fondant sur une appréciation libérale du mode de preuve de l'absence de consentement au mariage (I), ce qui a pour conséquence d'éluder le recours à la notion de fraude à la loi qui aurait enfermé l'action dans le délai d'un an (II), l'action aurait été alors prescrite en l'espèce. Toutefois, on peut s'interroger sur l'orthodoxie juridique de la solution : la Cour de Cassation préférant sacrifier la rigueur pour lutter contre le mariage de complaisance.
[...] L'arrêt du 22 novembre 2005 apporte une précision. L'appréciation du caractère fictif du mariage, et donc d'un consentement évanescent, relève des juges du fond. La précision apportée en l'espèce se place directement dans le droit fil de la doctrine de la Cour de Cassation. En effet, par un arrêt du 12 novembre 1998, cette appréciation souveraine laissée aux juges du fait a été clairement exprimée et a été rappelée antérieurement dans l'arrêt du 6 juillet 2000 précité. La Cour de Cassation se refuse donc à contrôler l'appréciation du caractère fictif du mariage. [...]
[...] Le raisonnement de la Cour de Cassation ne tient donc pas debout. C'est bien l'institution du mariage qui est dévoyée par la fraude. Il apparaît comme regrettable que la Cour de Cassation n'applique pas de contrôle de la notion de consentement au mariage et qu'elle n'emploie pas la notion de fraude à la loi. Cette entorse trouve sa justification dans la commodité de la mise en oeuvre de la nullité qui n'est ainsi plus encadrée par l'article 190-1 du Code civil. [...]
[...] Mais la volonté de lutter contre le mariage blanc est à ce prix. Il nous semble que cet élément de critique reste mineur au regard du recours critiquable à la notion de consentement. II- Un recours critiquable à la notion d'absence de consentement Si la notion de fraude à la loi est évincée expressément en ce que le pourvoi est rejeté (celui-ci revendiquait la fraude), un tel choix appelle la critique quand bien même l'intention recherchée, éviter la fictivité du mariage serait louable L'éviction de la notion de fraude à la loi au profit de la notion de consentement Pour obtenir la nullité du mariage, on peut se placer sur le terrain du défaut absolu de consentement des articles 146 et 184 du Code civil ou bien sur celui d'une fraude à la loi de l'article 190-1 du Code civil. [...]
[...] L'arrêt du 22 novembre 2005 témoigne de ce courant jurisprudentiel qui sacrifie la rigueur à l'efficacité. Il eût été plus sage d'appliquer l'article 190-1 du Code civil quitte à opter pour le recours à un autre fondement juridique destiné à lutter contre la fictivité du mariage. Le droit semble bel et bien briller par sa souplesse. [...]
[...] C'est donc sur le terrain du consentement que la Cour de Cassation se place pour valider l'arrêt d'appel. La position de la Cour s'explique. L'explication réside en ce que le mariage, avant d'être une institution, est un contrat. Il répond donc aux conditions du droit commun des obligations et notamment il répond aux voeux de l'article 1108 du Code Civil qui dispose que pour être valable une convention doit exprimée un consentement libre et éclairé de celui qui la ratifie. [...]
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