Au nom de l'honneur et de la paix des familles, le contentieux de la filiation s'est pendant longtemps raréfié sous l'effet de la loi. L'enfant d'un couple marié ne connaissait qu'une seule filiation, sans qu'on puisse émettre le moindre doute, tant le devoir de fidélité auquel était tenue l'épouse paraissait infaillible. L'enfant conçu pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (Pater is est quem nuptiae demonstrant). Aujourd'hui, cette présomption a perdu de sa vigueur. Nombreuses sont les hypothèses où la vérité biologique ne coïncide plus avec la vérité sociologique suite au passage d'un amant dans la vie de l'épouse…L'arrêt rendu le 19 mars 2008 par la Première chambre civile de la Cour de cassation nous le montre bien, en plus de préciser les conditions de la participation de l'enfant à la procédure relative à l'action en contestation de sa filiation légitime.
En l'espèce, une femme mariée avait donné naissance le 18 mai 2001 à une fille qui a été déclarée sur les registres de l'état civil comme née des époux. Le 4 janvier 2001, un tiers a reconnu devant l'officier de l'état civil, et de manière prénatale, l'enfant à naitre de l'épouse en cause. De surcroit, ce tiers a, par acte du 5 octobre 2001 (soit moins de 6 mois après la naissance), assigné les époux de la fillette aux fins de contester la paternité légitime de mari et de voir valider sa reconnaissance. Après avoir constaté que les époux avaient refusé de se soumettre à l'examen comparatif des sangs ordonné avant dire droit, le TGI a considéré que l'enfant n'était pas la fille légitime de l'époux et a déclaré valable la reconnaissance effectuée par le tiers. Ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 7 décembre 2006.
[...] En outre, l'époux, qui avait eu connaissance de cette revendication, avait été assigné en contestation de paternité légitime moins de six mois après la naissance de l'enfant. Au vu de ces différents éléments de faits, la 1re Chambre civile approuva les juges du fond d'avoir déduit une absence de possession d'état paisible, sans équivoque et continue. Dès lors que le titre établissant la paternité du mari n'était plus consolidé par une possession d'état d'enfant légitime, il était permis au tiers, par une interprétation a contrario de l'article 334-9 du Code civil, de faire valoir la reconnaissance qu'il a effectuée (ex : Civ juin 1976). [...]
[...] Cette affirmation n'était pas contestée. L'essentiel résidait dans l'existence ou non d'une opposition d'intérêts entre eux. Or, la Cour a estimé que les intérêts de l'enfant n'étaient pas en opposition avec ceux de ses parents, sans pour autant le démontrer. Aucun conflit d'intérêts n'étant caractérisé, l'action en contestation de paternité légitime devait s'exercer contre les représentants légaux de l'enfant, sans que la désignation d'un administrateur ad hoc soit nécessaire. Les Hauts magistrats se sont simplement reportés aux constatations des juges d'appel pour affirmer que les époux avaient été attraits à la procédure tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux. [...]
[...] Ils faisaient grief à l'arrêt de la Cour d'appel de ne pas avoir retenu la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de leur enfant. Selon eux, elle n'a pas été appelée valablement par le demandeur dans la procédure relative à l'action en contestation de sa filiation légitime. Certes, il est de règle que, selon l'article 389-3 du Code civil, l'enfant dont la filiation est contestée par un tiers doit être lui-même attrait dans la procédure, en la personne de son représentant légal. [...]
[...] Le fondement juridique utile aux époux était ici, outre l'article 334-9, l'article 322 du Code civil qui interdit à quiconque de contester l'état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance. En d'autres termes, la thèse des demandeurs reposait sur l'existence d'une possession d'état prénatale de l'enfant conforme à leur titre. Soulignons à ce stade que la Cour de cassation n'a pas rejeté la possibilité qu'existe une telle possession d'état prénatale. L'enjeu ici était de savoir si toutes les conditions d'efficacité de la possession d'état étaient satisfaites. [...]
[...] La seconde branche du second moyen s'analyse pareillement en un rappel de la part des époux. Ils rappelaient que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits indiquant le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir (article 311-1 du Code civil). À partir de cette affirmation, ils déduisent que la reconnaissance prénatale et l'action en contestation de paternité introduite par le tiers moins de six mois après la naissance de l'enfant ne suffit pas à faire obstacle à l'existence d'une possession d'état paisible, sans équivoque et continue. [...]
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