S'il existe une certitude en matière de filiation (et c'est peut-être la seule), c'est bien que l'enfant est issu de la femme qui l'a mis au monde. Cette évidence, soulignée par l'adage latin « mater semper certa est », a connu une consécration juridique croissante, dans les pays occidentaux, à partir de la deuxième moitié du vingtième siècle. Dans de nombreux pays européens (Belgique, Suisse, Portugal…), le lien juridique de filiation maternelle découle directement du lien biologique existant entre la mère et l'enfant et dont l'accouchement est le témoignage. Ainsi, que l'enfant soit né dans le cadre du mariage ou en dehors de ce cadre, l'établissement de sa filiation à l'égard de sa mère résulte alors de la seule mention du nom de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant. La consécration juridique du lien biologique de filiation maternelle ne nécessite plus le recours à une institution intermédiaire telle que la reconnaissance d'enfant ou la possession d'état d'enfant.
[...] Alors que cette ordonnance n'est entrée en vigueur que le 1er juillet 2006, un arrêt, rendu par la 1re chambre civile de la Cour de Cassation le 14 février 2006, l'a dans une certaine mesure devancée. En l'espèce, les descendants (la fille est les petits-enfants) d'un homme né en Algérie souhaitaient se voir reconnaître la nationalité française. A cette fin, ils ont choisi d'engager une action déclaratoire de nationalité fondée sur l'article 18 du Code Civil prévoyant, pour rappel, qu' est français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un au moins des parents est français Les demandeurs soutenaient ainsi que leur père et grand-père était de nationalité française dans la mesure où sa propre mère était française. [...]
[...] Cette dernière ne pouvait résulter que de la reconnaissance expresse de l'enfant par la mère ou d'un jugement. Lorsqu'intervient cet arrêt, l'égalité entre filiation légitime et filiation naturelle était déjà de principe en France depuis la loi du 3 janvier 1972. En effet, l'article 334 du code issu de cette loi disposait l'enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère Pourtant, des différences de traitements persistaient, notamment quant à l'établissement de la filiation. [...]
[...] C'est précisément cette dernière disposition et son interprétation a contrario qui nous intéressent ici. En effet dans l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix-en- Provence (et cassé par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté), les demandeurs se prévalaient de la filiation maternelle de leur ascendant, enfant naturel. Cette filiation ne résultait pas de l'un des trois modes d'établissement prévus par l'Article 334-8 du Code Civil. Par ailleurs, les demandeurs n'apportaient pas d'autre preuve de l'existence de cette filiation que l'acte de naissance de leur ascendant portant l'indication du nom de sa mère. [...]
[...] La première chambre civile de la Cour de Cassation, en décidant de casser et d'annuler le jugement rendu par la Cour d'Appel d'Aix-en- Provence, a répondu positivement à cette question. Les juges ont en effet indiqué que la juridiction du second degré avait violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. La Cour de cassation rompt ainsi avec sa position traditionnelle en consacrant l'acte de naissance comme mode d'établissement autonome de la filiation maternelle Par ailleurs, l'arrêt du 14 février 2006 semble anticiper l'ordonnance entrée en vigueur le 1er juillet 2006 La consécration de l'acte de naissance comme mode autonome d'établissement de la filiation En cassant l'arrêt rendu par la juridiction d'Appel, la Cour de cassation abandonne la traditionnelle conformité de ses arrêts au droit positif national, en matière d'établissement de la filiation naturelle Ce revirement de jurisprudence n'était cependant pas imprévisible. [...]
[...] Par ailleurs, la solution de l'arrêt associé à l'ordonnance semble remettre en cause le principe d'une maternité acceptée La nécessaire articulation de l'arrêt avec l'ordonnance et la remise en cause du principe de maternité acceptée La solution adoptée dans l'arrêt du 14 février 2006 par la Cour de cassation permet de soulever deux questions. La première est relative à la sécurité juridique en matière successorale. La seconde tient à l'influence de cet arrêt sur la conception française de la maternité. [...]
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