La question de l'utilisation des techniques dites de « procréation assistée » a toujours été la source de thèses très opposées, les unes prônant son développement et les autres militant pour sa condamnation. L'arrêt de principe rendu le 13 décembre 1989 par la 1re chambre civile de la Cour de Cassation a consacré sans ambiguïté les thèses en faveur de la condamnation de l'utilisation de ces techniques, en déclarant en particulier illicites les conventions mettant en place des mécanismes de maternité de substitution.
En l'espèce, était en cause l'association « Alma Mater », créée à Marseille, dont l'objet était de faciliter la solution des problèmes qui se posaient aux couples dont la femme était stérile. À cette fin, elle tâchait de mettre en contact des femmes désireuses d'avoir une descendance et d'autres femmes qui acceptaient, moyennant une « indemnisation » (60 000 F, en 1987), d'être inséminées avec le sperme du mari ou du concubin des premières, puis de porter et de mettre au monde l'enfant ainsi conçu. Celui-ci était alors inscrit à l'état civil sans l'indication du nom de la mère, reconnu par le père et accueilli au foyer de ce dernier en vue de son adoption par l'épouse ou la compagne. L'association intervenait à tous les stades du processus : vérification de la stérilité du couple demandeur et des facultés de fécondation de la "mère porteuse", réalisation de l'insémination, surveillance de la grossesse et de l'accouchement, prise en charge de la procédure d'adoption. Toutefois, à la suite d'une procédure diligentée par le Parquet d'Aix-en-Provence, l'association fut dissoute sur le fondement de l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901, tant par le jugement du 16 décembre 1987 du Tribunal de grande instance de Marseille, que par l'arrêt du 29 avril 1988 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence. Pour les deux juridictions, l'objet de l'association était contraire aux lois et aux bonnes moeurs. Les dirigeants de l'association ont alors formé un pourvoi en cassation.
[...] Ainsi en déboutant l'association dans la première branche de son unique moyen, la Cour de Cassation a fondé la nullité de l'association en raison de l'illicéité de son objet, et a par la même fondé sa décision du point de vue du droit interne. En déboutant l'association dans les deuxième et troisième branches de son unique moyen, la Cour fonde sa décision du point de vue du droit international, en démontrant que le caractère illicite de la maternité pour autrui et des associations qui s'efforcent de la promouvoir n'est pas contraire aux dispositions de ce droit. [...]
[...] Les arguments de l'association demanderesse devant la Cour de cassation étaient contenus dans un unique moyen articulé en trois branches, branches regroupées en deux axes par la Cour suprême. Dans un premier temps, les demandeurs soutenaient que n'est ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs l'association qui, dans un but humanitaire non lucratif, met en relation un couple demandeur dont la femme est stérile et une femme qui accepte d'être inséminée artificiellement par le mari, de porter l'enfant et de le remettre à la naissance à ce couple qui l'indemnisera des contraintes et de la gêne occasionnée par la grossesse Dans un second temps, les deuxième et troisième branches du moyen unique reprochaient à la Cour d'appel un défaut de réponse aux conclusions faisant valoir, d'une part, que l'interdiction du "don de gestation" constituait une discrimination fondée sur la naissance contraire aux dispositions de l'article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 19 décembre 1966 et, d'autre part, que ce "don de gestation" reposait sur le droit légitime de fonder une famille qui implique le droit d'engendrer reconnu tant par l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 que par l'article 23 du Pacte international précité Quant au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Marseille, défendeur devant la Cour de cassation, celui-ci soutenait que la réalisation du prêt d'utérus que se proposait de favoriser l'association était illicite comme contraire à l'article 1128 du Code civil, qui frappe de nullité les conventions portant sur des choses hors du commerce ; comme contraire aux articles 376 et 311-9 du même code, en ce qu'elle tendait à opérer une renonciation ou une cession des droits de l'autorité parentale et en ce qu'il contrevenait au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ; enfin que cette pratique était susceptible d'être sanctionnée par l'article 353-1 du Code pénal, dont l'alinéa 2 punit ceux qui font souscrire ou tentent de faire souscrire par les futurs parents ou l'un d'eux un acte aux termes duquel ils s'engagent à abandonner l'enfant à naître En l'espèce, la Cour de Cassation s'est ainsi trouvée confrontée au problème de déterminer si l'association qui avait pour objet de favoriser la conclusion et l'exécution de conventions portant tout à la fois sur la mise à disposition des demandeurs des fonctions reproductives de la mère de substitution (fécondation et grossesse) et sur l'enfant à naître, en d'autres termes de favoriser les maternités de substitution, était ou non licite. [...]
[...] L'arrêt en question est ainsi intervenu pour poser les principes en matière de licéité des associations favorisant la maternité pour le compte d'autrui en déterminant les règles de droit objectif que les juges du fond devront applique pour prononcer la dissolution d'une association de ce type conformément à l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901. L'arrêt de la Cour de Cassation, le premier sur la question, a donc constitué un événement important quant à la détermination de la jurisprudence de référence en la matière. [...]
[...] Tout au plus peut-on l'induire des dispositions de l'article 311-9 du Code civil selon lequel les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l'objet de renonciation que la Cour de Cassation n'hésite pas à employer dans un sens très large, et non pas seulement pour les actions relatives à la filiation, et sur lesquelles elle s'appuie pour condamner les contrats de maternité de substitution. Les pratiques suivies sous l'impulsion de l'association incitaient la mère à abandonner l'enfant. Dès lors, elles contrevenaient au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes et à l'interdiction des renonciations ou cessions de l'autorité parentale (art du Code civil). [...]
[...] Le principe devient en revanche très fécond lorsqu'on admet, comme le fait expressément la Cour de Cassation, son application à l'état naturel de l'enfant. En effet, les conventions de procréation pour le compte d'autrui aboutissent à faire venir au monde un enfant dont l'état ne correspondra pas à sa filiation naturelle de telle sorte que l'opération devient alors forcément illicite. Une autre interprétation retenue par la Cour est également pertinente : celle de l'article 12 de la Convention EDH et de l'article 23 du pacte international précité. [...]
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