Le document étudié est un arrêt de rejet rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 février 1997.
Un homme marié a vécu en concubinage avec une femme divorcée à partir de 1964. En 1975, après la naissance de leur enfant, la concubine acquiert un terrain et souscrit, en son seul nom, un emprunt afin de construire un pavillon sur ledit terrain. Le concubin cautionne le pavillon qu'ils ont ensuite occupé jusqu'en 1989, date à laquelle la concubine décide de se séparer. Elle assigne son ancien concubin en expulsion de l'immeuble en 1992, puisqu'il avait continué à l'occuper depuis 1989.
Le concubin interjette appel de la décision d'expulsion considérant qu'il y avait eu entre eux création d'une société créée de fait. La cour d'appel de Besançon rend un arrêt favorable aux prétentions du demandeur le 10 janvier 1995, considérant qu'il y avait bien eu création d'une société créée de fait. La concubine forme alors un pourvoi devant la première chambre civile de la Cour de cassation qui rejette sa demande dans un arrêt rendu le 11 février 1997.
Le moyen invoqué par la demanderesse au pourvoi est qu'il n'y a pas eu, entre les concubins, création d'une société créée de fait. En effet la cour d'appel n'aurait pas recherché en quoi le concubin avait contribué aux pertes. De plus, la vie commune de plus de 20 ans, la construction du pavillon pendant cette période et le fait que leur enfant ait été élevé dans celui-ci ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une société créée de fait.
Le fait pour un concubin de cautionner un emprunt effectué par sa concubine en vue d'acquérir un pavillon en son nom propre, qu'ils aient mis en commun leurs ressources pour la construction de l'immeuble et qu'ils soient tous les deux à l'origine de la construction sont-ils des éléments suffisants à caractériser la création d'une société de fait entre concubins ?
[...] En effet, la Cour de cassation considère que M. Y avait cautionné l'emprunt souscrit par Mme marquant ainsi sa volonté de contribuer aux pertes éventuelles Or cette interprétation parait même contraire au principe même du cautionnement puisque la Cour estime ici que le cautionnement marque la volonté de contribuer aux pertes éventuelles alors même que l'on s'engage comme caution, non pas dans la volonté de contribuer aux pertes, mais uniquement lorsqu'on est persuadé que l'on n'aura pas à payer. La reconnaissance du cautionnement comme moyen de marquer une volonté de contribuer aux pertes parait alors être une solution injuste pour le concubin au détriment duquel est prononcée l'existence d'une société créée de fait Une solution injuste pour le concubin D'après Eric Savaux, l'application de la société créée de fait pour la liquidation des intérêts des concubins et de contribution aux dépenses excédant les charges de la vie courante laisse la désagréable impression d'un grand désordre et d'une injuste loterie judiciaire En effet, on ne parvient pas à tracer avec précision et certitude les critères permettant d'affirmer qu'il y a création d'une société créée de fait entre concubins. [...]
[...] La mise en corrélation de ces deux arrêts prouve bien l'existence d'une forte insécurité juridique. Celle-ci est nécessairement préjudiciable pour les concubins se trouvant démunis face aux solutions injustes dont ils peuvent être victimes par ce biais. En effet, la liquidation de l'immeuble aboutira à un partage alors même qu'il appartenait à l'origine exclusivement à l'un des deux concubins. D'une manière générale, nous avons vu l'importance liée à une reconnaissance restrictive de l'existence d'une société créée de fait. C'est pourquoi une souplesse dans la caractérisation de l'existence d'une telle société est critiquable. [...]
[...] Ainsi, pour parer l'importante insécurité juridique reposant sur les concubins il paraitrait souhaitable que le législateur s'intéresse aux concubins. [...]
[...] Au fond, en s'engageant comme caution, la caution n'a pas le sentiment de prendre de risque. En effet, si c'était le cas elle ne s'engagerait pas. Dans la conception du Code civil, le cautionnement est un service d'ami. C'est par définition un contrat désintéressé, ce qui explique que la caution ne soit pas rémunérée. En effet, ni la technique du cautionnement ni la psychologie de la caution n'ont pour but qu'elle s'appauvrisse. C'est ainsi une opération neutre pour la caution. [...]
[...] On constate ici que la Cour de cassation accorde l'existence d'une société créée de fait au défendeur. Cette clémence jurisprudentielle, bien qu'occasionnelle, est critiquable (II). Toutefois, la jurisprudence de la Cour tend plutôt à être réticente vis-à-vis de la reconnaissance de l'existence d'une société créée de fait entre concubins Une réticence jurisprudentielle envers la reconnaissance d'une société créée de fait entre concubins Cornu définit la société créée de fait comme un groupement de deux ou plusieurs personnes qui présente les éléments spécifiques du contrat de société sans remplir toutes les conditions requises pour la formation ou la validité de ce contrat La jurisprudence est réticente lorsqu'il s'agit de reconnaitre l'existence d'une société créée de fait entre concubins. [...]
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