Voici pour commencer une collision entre pouvoir et propriété au pays des comptes en banque. La raison du plus fort y sera la meilleure, car le régime primaire en sort grandi. Deux arrêts méritent d'être rapprochés. Dans la première espèce (Com. 21 nov. 2000), une épouse séparée de biens a encaissé seule sur son compte personnel un chèque libellé au nom des deux conjoints et correspondant au prix de vente d'un bien indivis. Le mari prétend engager la responsabilité de la banque ; les juges du fond repoussent cette demande, en soulignant notamment que le chèque a été endossé par les deux époux.
Dans la seconde espèce (Civ. 1re, 3 juill. 2001, inédit), une épouse commune en biens a ordonné à une banque de transférer des parts de SICAV depuis le compte titres ouvert au nom de son mari sur le sien privatif, pour une valeur de plus de 1 300 000 F. L'établissement de crédit défère à cette demande, démontrant ainsi la pathétique nécessité des sessions de formation professionnelle... Il est condamné par le tribunal, puis la cour d'appel, à acquitter au mari une somme correspondant à la valeur des titres indûment transférés.
Ces deux affaires précisent la présomption bancaire, au positif comme au négatif. L'article 221 du Code civil s'applique en dépit du titre de propriétaire du donneur d'ordre, qui est cotitulaire de la communauté ; et à l'encontre des pouvoirs de gestion concurrents, dont l'article 1421 fait le principe pour tout époux. Les titres ou les sommes une fois entrés en compte, il faut donc, pour exercer des droits concurrents sur eux, justifier soit que le compte est joint, soit que son titulaire a donné procuration. On voit bien que la présomption bancaire crée une enclave spécifique dans le droit des régimes matrimoniaux, où règne la loi du compte.
[...] La seconde affaire nous démontre négativement que propriété n'est pas pouvoir. C'est une règle d'indépendance que l'article 221 met en oeuvre. Non seulement le titulaire du compte a le pouvoir de le faire fonctionner seul, mais encore lui seul a le pouvoir de le faire fonctionner. La première chambre civile revient ainsi avec juste raison sur une jurisprudence ancienne inexplicable (V. Civ. 1re juin 1991, Bull. civ. nº 190 ; JCP 1992.II.21899, note G. Paisant ; JCP 1992.éd.N.II.208, nº 11, obs. Ph. [...]
[...] 1421), des pouvoirs existant sur lesdits fonds, car contrairement à ce qui est parfois écrit, il nous semble que l'art ne vient pas conforter ou consacrer le principe de la gestion concurrente des biens communs, qui n'en a nul besoin, mais en revanche peut en réduire la portée en permettant à un époux de s'approprier la gestion exclusive de certains biens communs. A cet égard, l'exclusivité juridique permise par l'art nous apparaît constituer, en quelque sorte, le moyen légal d'atteindre le point ultime de l'action concurrentielle, à savoir sa négation même . [...]
[...] Les fonds communs sont l'objet d'une présomption simple d'usage dans l'intérêt de la communauté (V. not. Cass. 1re civ juin 1991, préc.), de sorte que l'époux devra renverser celle-ci pour espérer faire valoir ses droits de copropriétaire sur cette somme, ce qui peut s'avérer difficile lorsque l'usage des fonds est resté discret voire secret. Toutefois, suivant les recommandations d'une partie de la doctrine, une jurisprudence récente exhorte les époux à justifier positivement de l'affectation dans l'intérêt commun qu'ils prétendent avoir fait des sommes importantes prélevées sur la communauté (Cass. [...]
[...] Cour de cassation, chambre commerciale nov et première chambre civile juill - l'article 221 et l'indépendance bancaire des époux La banque, qui encaisse un chèque sur le compte personnel de l'un des époux séparés de biens, n'a pas à s'assurer du consentement de l'autre époux Vincent Brémond Voilà un époux bien malheureux . Ayant vendu un bien indivis qu'il possédait avec son épouse séparée de biens, il endosse le chèque de l'acquéreur et le confie, semble-t-il, à son épouse aux fins d'encaissement, vraisemblablement sur un compte joint ouvert au Crédit Agricole. [...]
[...] 815-9, al semble également envisageable pour condamner au paiement d'une indemnité l'époux indivisaire ayant joui privativement de la somme indivise. Voilà une nouvelle illustration de l'originalité du fonctionnement parallèle d'une indivision et du régime matrimonial, qui, s'il conduit à des résultats proches de ceux développés par la communauté légale n'en constitue pas moins qu'une quasi-communauté (P. Catala, L'indivision entre époux, Mélanges Hébraud, p nº 29). Régime primaire, présomption bancaire : les pouvoirs du titulaire du compte ne sont pas tributaires des questions de propriété (Com nov Bull. [...]
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