Un musulman d'Algérie avait perdu la nationalité française à la suite de l'indépendance de ce pays, faute d'avoir souscrit à l'époque la déclaration qui lui eût permis de la conserver. Ayant par la suite épousé une française et vivant en France, il souhaitait reprendre la nationalité française. Mais comme son mariage était antérieur à la loi du 9 janvier 1973 il ne pouvait bénéficier de l'article 37-1 du code de la nationalité qui permet au mari étranger d'une femme française d'acquérir la nationalité française par simple déclaration. Les époux ont donc imaginé de divorcer par consentement mutuel pour se remarier entre eux et se prévaloir de l'article 37-1. Mais le ministre de la population refusa d'enregistrer la déclaration en arguant que le divorce des époux et leur remariage n'étaient qu'un simulacre tendant à faire fraude aux règles légales sur l'acquisition de la nationalité.
Mr Taleb forma contre ce refus devant le TGI un recours. De son côté le Ministère public formait une tierce opposition contre le jugement de divorce. Il demandait la rétractation de ce jugement et par voie de conséquence l'annulation du nouveau mariage, comme contracté entre deux personnes déjà mariées entre elles. Le TGI de saint Etienne avait rejeté les demandes du Ministère public et accueilli le recours de Mr. Taleb contre le refus d'enregistrement de sa déclaration. Le Ministère public avait fait appel de ce jugement et la Cour d'appel de Lyon avait rendu un arrêt de confirmation. Le Procureur général s'était pourvu en cassation. Le premier moyen portait sur la tierce opposition du Ministère public contre le jugement de divorce. Le second moyen portait sur recours de l'intéressé contre le refus d'enregistrement de sa déclaration. Il tendait à défaut d'annulation du mariage à faire juger que ce mariage ne pouvait, en raison de la fraude, produire son effet acquisitif et que le refus d'enregistrement se trouvait ainsi justifié.
L'acquisition de la nationalité française par remariage de deux ex-époux est-elle possible ?
La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon sur le second moyen et renvoie devant la cour d'appel de Grenoble. Elle énonce que « la décision de divorce prononcée sur la demande conjointe des époux ne pouvaient pas être annulée, sur demande du Ministère public en raison des mobiles qui avaient pu inspirer le consentement des époux ». Mais la Cour de cassation accueille le second moyen du pourvoi en énonçant que l'article 37-1 du Code de la nationalité « ne peut être appliqué lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie du mariage qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale ».
[...] Cette exigence condamne le mariage simulé ou fictif. Le mariage simulé est celui qui est conclu dans le seul but d'obtenir une des conséquences attachées au mariage (la plus fréquente aujourd'hui est l'acquisition de la nationalité). Pour sanctionner le mariage simulé, deux solutions semblaient possibles : déclarer ce mariage entièrement valable pour obliger les époux à en respecter toutes les conséquences à titre de sanction. Cette solution semble peu réaliste : on voit mal comment contraindre des personnes qui ne se sont mariées que dans un but déterminé à respecter l'ensemble des devoirs nés du mariage. [...]
[...] En réalité, il ne s'agit pas vraiment ici d'un mariage fictif qui serait entaché d'une nullité absolue en raison de l'absence d'un véritable consentement matrimonial. Le ministère public aurait d'ailleurs pu faire annuler ce mariage sur le fondement de l'article 184 du Code civil et écarter ainsi l'application de l'article 37-1 du code de la nationalité. Mais dans la présente affaire, le remariage des époux envisagé isolément ne peut être considéré comme un mariage simulé puisqu'ils avaient bien l'intention de demeurer unis par le mariage. C'est l'ensemble indivisible formé par le divorce et le remariage qui formait un simulacre. [...]
[...] Le TGI de saint Etienne avait rejeté les demandes du Ministère public et accueilli le recours de M. Taleb contre le refus d'enregistrement de sa déclaration. Le Ministère public avait fait appel de ce jugement et la Cour d'appel de Lyon avait rendu un arrêt de confirmation. Le Procureur général s'était pourvu en cassation. Le premier moyen portait sur la tierce opposition du Ministère public contre le jugement de divorce. Le second moyen portait sur recours de l'intéressé contre le refus d'enregistrement de sa déclaration. [...]
[...] Elle énonce que la décision de divorce prononcée sur la demande conjointe des époux ne pouvait pas être annulée, sur demande du Ministère public en raison des mobiles qui avaient pu inspirer le consentement des époux Mais la Cour de cassation accueille le second moyen du pourvoi en énonçant que l'article 37-1 du Code de la nationalité ne peut être appliqué lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie du mariage qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale La nullité des mariages fictifs Le consentement au mariage Le consentement au mariage est une condition essentielle de validité de celui-ci. Le mariage est l'union volontaire de deux personnes. La volonté de chacune d'elles est donc toujours exigée. Ainsi l'article 146 du Code civil énonce qu'il n'y a pas mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. Mais que faut-il entendre par consentement au mariage ? Il constitue l'essence même du mariage : c'est l'adhésion des deux volontés à une vie conjugale telle qu'elle est organisée par la loi. Il s'agit selon la jurisprudence de la volonté d'entrer dans l'institution matrimoniale. [...]
[...] La Cour de cassation a eu à répondre à cette question dans un arrêt de principe datant de 1963 dont elle va en l'espèce appliquer la solution. La jurisprudence Appietto La jurisprudence Appietto de 1963 a opéré une distinction : le mariage est nul "lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale" Par contre lorsque "les conjoints ont cru pouvoir limiter ses effets légaux", le mariage est valable mais ne produit pas l'effet recherché par les époux. [...]
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