Droit, famille d'origine, CEDH Convention Européenne des Droits de l'Homme, concubinage, filiation biologique, non-substitution, filiation d'origine, effet de substitution, chambre civile, Cour de cassation, Fretté contre France, article 356 du Code civil, vie privée, vie familiale, adoption, famille homoparentale, concubinage homosexuel, filiation paternelle, adoption plénière
En 2002, la Cour européenne des Droits de l'Homme avouait que « la communauté scientifique (...) est divisée sur les conséquences éventuelles de l'accueil d'un enfant par des parents homosexuels ».
Dans l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu en date du 28 février 2018, l'enfant faisant l'objet de l'adoption se trouvait justement affilié à sa mère biologique qui vivait une relation concubine et homosexuelle.
En effet, une femme vit en concubinage avec une mère et sa fille. Cette dernière n'a pas de filiation paternelle établie. Ainsi, la concubine de la mère souhaite adopter l'enfant.
C'est pourquoi elle fait une demande d'adoption plénière auprès de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.
[...] Cet article 356 du Code civil a connu de nouvelles modifications depuis janvier 2023. Autant dire que la jurisprudence de la Cour de cassation évoluera elle aussi à l'avenir sur les effets de l'adoption plénière. En tout cas, au moment de sa décision, le juge de cassation ne s'est pas détourné de ce principe de substitution prévu par le droit interne français malgré la présence de la Convention européenne plus souple en la matière. Une Convention européenne ne détournant pas le juge de son interprétation habituelle « Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l'article 8 de la [CEDH] n'impose pas de consacrer, par une adoption, tous les liens d'affection, fussent-ils anciens et établis ». [...]
[...] En l'occurrence, la Cour de cassation dit ne rejeter la demande que parce que cela n'irait pas dans l'intérêt de l'enfant de perdre sa filiation première. Mais dans l'esprit des juges, « l'absence de référent paternel » a certainement été prise en compte. Ce doute peut être émis au regard de l'affaire E.B. contre France où la CEDH a rappelé à l'ordre le juge français qui avait explicitement exposé ce motif. Pour cause, cette motivation, elle, n'est pas compatible avec le droit européen, car cela irait contre la faculté pour une personne célibataire d'adopté, et/ou cela serait discriminatoire envers les personnes homosexuelles. [...]
[...] De plus, les adoptants potentiels sont plus nombreux puisque même sans remplir la condition d'âge minimum, il est possible d'adopter en cas de communauté de vie « d'au moins un an » (art 343) même pour des concubins. Quoi qu'il en soit, l'intérêt de cette précision par la Cour de cassation semble inexistant puisque la question à laquelle elle a été amenée à répondre ne portait pas, a priori, sur une quelconque condition d'adoption. Ce qui est certain, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une question principale. [...]
[...] Si l'enfant par exemple fait l'objet d'un abandon par les premiers parents, alors la substitution de l'ancienne filiation par la nouvelle lui sera bénéfique. En effet, c'est ce dont il est question dans un autre arrêt de la 1[re] chambre civile du 16 mars 2016 dans lequel les parents auraient été « manifestement désintéressés ». Même si dans cette affaire le désintéressement n'a pas été retenu pour le père anciennement emprisonné, on retiendra que la substitution de filiation peut être bénéfique lorsque notamment les conditions de l'article 350 du Code civil (relatif à l'abandon) sont remplies. [...]
[...] L'arrêt, ayant été rendue 16 ans après ces dires, on pourrait doute de la persistance de cette phase de transition. Il n'empêche que, le juge de cassation a fait le choix de respecter les dispositions du Code civil français plutôt que de faire évoluer le droit français dans le sens privilégié par le droit européen. La direction du droit européen s'orientait déjà vers un principe de non-discrimination des couples homosexuels dans le cadre des adoptions. En revanche, si les motifs évoqués par les juges nationaux sont textuellement autres, alors les décisions sont compatibles avec la CEDH. [...]
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