Dans les faits, Ernest X. est reconnu par sa mère. Soixante-dix ans plus tard, il assigne Emile Y en constatation de possession d'état, se fondant sur un acte de notoriété. Les deux parties viennent à décéder mais l'instance est reprise par leurs héritiers.
La Cour d'appel déboute la partie X de son action en contestation de la possession d'état, refusant de procéder à une expertise biologique, arguant qu'il n'était pas besoin d'y procéder. La partie X forme donc un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 mars 2000, a décidé que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder. On est donc en mesure de se demander dans quelle mesure la juridiction saisie peut refuser de procéder à cette expertise biologique lorsqu'elle est demandée.
La Cour de cassation rappelle que la preuve de la possession d'état s'établit par tous moyens, et en conclut que l'expertise biologique n'est donc pas de droit. Elle relève d'autre part l'absence de relation affective, éducative ou matérielle entre Ernest X et Emile Y, ainsi que la faiblesse des témoignages qui ne permettent de justifier l'existence d'une quelconque possession d'état.
Ainsi, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la partie X. Il semble donc que l'action en constatation de possession d'état soit un cas dans lequel l'expertise biologique ne s'impose plus au juge.
Il apparaît donc que la Cour de cassation a ici réduit le champ d'application de la vérité biologique (I), puisque l'expertise biologique va de pair avec elle. En effet, en excluant le recours de droit à l'expertise biologique en matière de possession d'état, le juge écarte un cas où la vérité biologique pouvait primer, contribuant donc à son éviction comme principe (II).
[...] En effet, si la possession d'état est vraisemblable, le besoin de recourir à l'expertise biologique sera bien moindre. En outre, on pourrait prendre en considération le fait que la possession d'état repose tout de même sur une situation d'une certaine stabilité établie entre l'enfant et son parent prétendu, situation qui pourrait être remise en cause s'il s'avérait qu'en fait elle ne correspondait pas à la vérité biologique. Consécration de la notion d'intérêt de l'enfant Ainsi, la position de la Cour de cassation favorise la stabilité par rapport à la vérité biologique, et ce dans l'intérêt de l'enfant, notion sous-jacente à toute question relative à la filiation. [...]
[...] Les actions relatives à la filiation, dont l'action en constatation de possession d'état, reviennent toutes à démontrer que la filiation ou non correspond à la vérité biologique. Il s'agit donc de prouver l'existence d'un lien de sang, donc d'un fait juridique pour lequel la preuve se fait par tout moyen. En outre, le moyen le plus incontestable de prouver la filiation est aujourd'hui l'expertise biologique, puisqu'établissant avec certitude la vérité biologique, et rendue possible par l'évolution de la science. Cependant, la jurisprudence s'est longtemps interrogée sur l'existence ou non d'un droit à l'expertise biologique, mais la Cour de cassation a fini par trancher. [...]
[...] En effet, la constatation de la possession d'état est par définition la simple observation des faits apparents, et peut parfois n'être pas conforme à la vérité biologique. Ainsi, le principe de vérité biologique se trouve finalement évincé au profit de la possession d'état, c'est-à-dire que quand vient le moment de constater cette possession d'état, et donc d'établir la filiation, il semble que pour le juge la place de la vérité biologique soit moindre que pour les autres moyens d'établissement de la filiation. [...]
[...] A fortiori, l'ordonnance de 2005 a instauré comme unique mode de preuve admissible en matière de possession d'état l'acte de notoriété, la question de l'accès à la preuve biologique ne se pose donc plus. L'intérêt de l'enfant a définitivement pris le pas sur la vérité biologique dans ce domaine. D'autre part, L'ordonnance de 2005 est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. La portée de l'arrêt ici commenté est donc assez relative, la restriction apportée par la Cour de cassation est en effet désormais obsolète. [...]
[...] L'action en constatation de la possession d'état, c'est-à-dire du fait pour deux personnes de se comporter réciproquement comme parent et enfant, repose sur un fait juridique. Puisqu'il s'agit d'un fait juridique, la preuve se faisait également par tout moyen, notamment l'acte de notoriété qui est invoqué en l'occurrence par le demandeur, mais également l'expertise biologique, tout comme les autres actions relatives à la filiation. Ainsi, la preuve de l'action en constatation de la possession d'état est théoriquement analogue aux autres moyens de preuve de la filiation. [...]
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