délais de prescription, lien d'affiliation, action en recherche de paternité, atteinte à la vie privée, irrecevabilité d une action, contrôle de proportionnalité, respect de la vie privée, droit commun, filiation paternelle, sécurité juridique, règle de droit, juges du fond
En l'espèce, M.W a engagé une action en contestation de la paternité de son père légal afin de procéder à l'établissement judiciaire de la paternité de M.Z à son égard. L'arrêt de la Cour d'appel de Saint — Denis de la Réunion rendu le 27 novembre 2013 déclare l'action en recherche de paternité recevable aux motifs que les actions relatives à la filiation se prescrivaient, sous l'empire des textes antérieurs à l'ordonnance du 4 juillet 2005 dans un délai de 30 ans, suspendus pendant la minorité de l'intéressé, et que ce délai s'appliquait à l'action en recherche de paternité comme à l'action en contestation de paternité. La première chambre civile de la Cour de cassation du 13 mai 2005 casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel en considérant l'action en recherche de paternité irrecevable et ordonne une expertise génétique. Les juges de la Haute juridiction renvoient les parties devant la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée. Rendu sur renvoi, l'arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 3 mars 2017 applique les préceptes de la Cour de cassation. Elle déclare cette demande irrecevable au motif que le délai de prescription de l'action en recherche de paternité était passé. Pour la Cour d'appel, ce délai n'est pas contraire à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car il permet de protéger la sécurité juridique et les droits des tiers. M.X se pourvoit donc en cassation.
[...] En effet, la Cour de cassation abandonne son syllogisme judiciaire et casse l'arrêt de la Cour d'appel pour manque de base légale au visa de l'article 8 de la CEDH et de l'article 321 du Code civil alors, qu'à première vue, la Cour d'appel n'a fait qu'appliquer strictement la règle de droit interne. Pour cause, l'article 321 du Code civil modifié par l'ordonnance du 4 juillet 2005 dispose que l'action en recherche de la filiation est soumise à une prescription décennale, suspendue durant la minorité de l'enfant. En l'espèce, le demandeur à l'action était âgé de 43 ans, donc conformément à l'ordonnance et à une application stricte de la loi interne, la demande était irrecevable, le délai de prescription étant arrivé à son terme. [...]
[...] Parfois, il arrive que la loi elle-même prévoie la possibilité pour les juges du fond d'apprécier subjectivement des faits notamment en matière d'adoption afin de vérifier que cela est conforme à l'intérêt de l'enfant. Or, dans notre arrêt, la loi ne prévoit rien, le juge se donne ici lui-même le pouvoir de statuer en « opportunité » et d'écarter la loi sous couvert d'effectuer un contrôle de proportionnalité ; en jugeant en droit et en fait. Il est à craindre que la Cour de cassation aille jusqu'à contrôler la justesse du contrôle et qu'elle se comporte comme un juge du fond ou tout simplement comme la Cour européenne des droits de l'homme. [...]
[...] En effet, à juste titre, il affirme que la Cour de cassation aussi prestigieuse soit-elle, n'a pas la compétence de décider de ses propres pouvoirs sans entendre le pouvoir exécutif ou législatif. On peut alors utilement se poser la question de l'utilité de l'article 321 du Code civil dans notre droit interne. On peut estimer que si la Cour de cassation écarte souvent cette règle c'est sans doute parce que le délai de prescription est trop rigide. Peut-être faudrait-il changer la loi vers une extension du délai de prescription sans forcément revenir au délai de trente ans mis en place auparavant. [...]
[...] La Cour de cassation dans son arrêt en date du 4 décembre 2013 a reconnu pour la première fois la possibilité pour le juge du fond d'écarter l'application d'une règle de droit apparaissant incompatible avec les exigences de l'article 8 de la CEDH. La Cour de cassation avait considéré que les juges du fond n'avaient pas suffisamment motivé l'application de la prohibition du mariage entre un beau-père et sa belle-fille au regard des circonstances particulières de l'espèce. On peut donc davantage parler d'une extension du contrôle de conventionnalité in concreto opéré par la Haute juridiction que d'une véritable innovation. [...]
[...] En effet, dans l'arrêt Silva and Mondim Correira, le délai de prescription de dix ans à compter de la majorité trouvait à s'appliquer dès lors que les requérants connaissaient l'identité du père, mais n'ont pas agi dans les délais. À l'inverse, dans les affaires Phinikaridou et Backlund, la Cour européenne avait considéré que l'application du délai de prescription était une ingérence disproportionnée dans le droit du requérant à connaître ses origines, car le requérant n'avait pas eu connaissance auparavant de l'identité de son père. [...]
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