Arrêt du 9 février 2022, filiation maternelle, lien de filiation, couple transgenre, filiation d'une personne transgenre, intérêt de l'enfant, article 313 du Code civil, présomption de paternité, article 8 de la CESDH, article 14 de la CESDH, article 348-1 du Code civil, article 310-1 du Code civil, article 311-25 du Code civil, article 320 du Code civil, ordonnance du 4 juillet 2005, Droits LGBTQIA, loi du 2 août 2021, convention de New York, identité de genre
En l'espèce, deux époux ont contracté un mariage en 1999, ayant donné naissance à deux enfants, respectivement nés en 2000 et 2004.
En 2009, l'époux a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier d'une demande de modification de son état civil et, par jugement du 3 février 2011, ce tribunal a autorisé son inscription à l'état civil comme étant de sexe féminin, sans le contraindre à une réassignation sexuelle.
Le couple a eu, naturellement, un troisième enfant né en 2014. Quelques jours avant la naissance, l'épouse, non-gestratrice de l'enfant, a procédé à une « reconnaissance prénatale d'enfant, qu'elle déclare être de nature maternelle, non-gestatrice » par acte notarié du 14 mars 2014. Elle a voulu faire transcrire cet acte de reconnaissance sur l'acte de naissance de sa fille, mais sa demande a été refusée par l'officier de l'état civil de Montpellier, l'enfant ayant été déclarée à l'état civil comme née de son épouse.
L'épouse non-gestratrice a alors assigné le procureur de la République devant le tribunal de grande instance de Montpellier le 31 juillet 2015 pour obtenir la transcription de son acte de reconnaissance.
[...] Cette solution serait contraire au principe d'indisponibilité d'état des personnes, mais elle irait également à l'encontre des droits au respect de la vie privée de la demanderesse et à l'autodétermination sexuelle garantis par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La reconnaissance de paternité est ainsi incompatible avec la situation de la demanderesse en tant que personne transgenre. Il n'y a donc aucune règle de filiation paternelle qui puisse s'appliquer à cette situation, ne laissant ainsi à la cour que la possibilité de transcrire la reconnaissance de maternité. [...]
[...] Mais comment accepter que l'un des enfants de la fratrie ait ses deux parents mentionnés sur l'acte de naissance en qualité de mères, mais pas les deux autres ? Le législateur se saisira probablement de la question si de telles décisions sont reproduites à l'avenir. [...]
[...] La reconnaissance volontaire, qui aurait pu être une option pour établir la filiation maternelle, est rendue impossible par l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2020. Cela signifie que, même si la demanderesse souhaitait volontairement reconnaître sa filiation maternelle, elle se heurterait à cette décision antérieure qui empêche cette option. Ensuite, la Cour d'appel constate que la filiation maternelle est déjà établie par l'effet de la loi, conformément à l'article 311-25 du Code civil, qui désigne l'épouse de la défenderesse comme la mère de l'enfant, ayant accouché de celui-ci. [...]
[...] Avant la loi de 2016 sur le changement de sexe à l'état civil, les personnes transgenres étaient confrontées à des exigences médicales strictes pour obtenir une reconnaissance légale de leur identité de genre. Ces exigences comprenaient notamment la réassignation sexuelle, c'est-à-dire des interventions médicales et chirurgicales pour modifier les caractéristiques physiques afin qu'elles correspondent au genre revendiqué. De plus, le processus de changement de sexe impliquait souvent des démarches administratives complexes et des jugements sociaux préjudiciables. Avec l'adoption de la loi de 2016, le contexte a changé de manière significative : cette loi a permis aux personnes transgenres de changer légalement de sexe sans avoir à subir une réassignation sexuelle, par le mécanisme de la possession d'état, faisant dès lors coexister des réalités juridique et biologique distinctes. [...]
[...] En effet, d'après l'article 348-1 du Code civil, l'une des conditions requises pour l'adoption est que, lorsque la filiation d'un enfant n'est établie qu'à l'égard de l'un de ses parents, ce dernier doit consentir à l'adoption. Cet article confère ainsi à l'époux ou à l'épouse le droit de s'opposer à l'adoption de l'enfant par son conjoint. En l'espèce, la mère de l'enfant refuse catégoriquement que son épouse adopte l'enfant afin d'établir sa filiation maternelle avec. Cela se comprend dans la mesure où cette solution aurait également été contraire à la vérité biologique : la demanderesse est toujours la génitrice de l'enfant, il serait invraisemblable qu'elle soit contrainte à adopter l'enfant qu'elle a elle-même produit. [...]
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