Le droit de la filiation a été profondément transformé par l'accès à la vérité biologique qui permet désormais d'établir la preuve certaine d'une filiation par l'expertise biologique. Cependant, pour l'atteindre, les juges ont levé des barrières telles que la réalité de la vie, la paix et la stabilité de la famille, la prise en compte de l'intérêt de l'enfant ou encore l'insuffisance des preuves produites au soutien de la contestation. L'arrêt de rejet rendu le 9 septembre 2009 par la première chambre civile de la Cour de cassation illustre bien cette volonté des juges de ne pas faire droit à toutes les demandes d'expertise biologique et ceci même si la haute juridiction judiciaire estime que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation.
En l'espèce, une femme née le 26 octobre 1945 a été reconnue par son père le 3 novembre 1945, après le décès de sa mère des suites de la naissance. En 1985, le père rencontre sa fille pour la première fois à l'occasion d'une donation faite à son profit en 2004, ce qui lui permit en outre de réaffirmer son lien de filiation. Son fils légitime, souhaitant vendre un immeuble reçu par donation de ses parents, assigne sa demi-sœur en annulation de la reconnaissance établie par son père en 1945 et sollicite une expertise génétique, dans la mesure où cette dernière s'oppose à la vente.
[...] Or, contrairement à la jurisprudence antérieure pour laquelle le juge n'était pas obligé d'ordonner une expertise, les juges de la Cour d'appel ne peuvent plus refuser l'expertise biologique au motif que cette mesure ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve Toutefois, il faut ajouter que pour pouvoir procéder à une expertise biologique, deux conditions sont nécessaires. En effet, en matière civile, une expertise génétique ne peut être ordonnée que par un juge saisi d'une action tenant soit à la contestation ou à l'établissement d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou à la suppression de subsides (article 16-11 du Code civil). [...]
[...] En effet, la Cour d'appel de Lyon avait refusé de solliciter une expertise génétique, car elle estimait qu'il n'existait pas de preuve à l'appui de l'action en contestation de paternité. La Cour de cassation reproche aux juges du fond d'avoir refusé d'ordonner une expertise biologique et rejeté la demande en contestation de reconnaissance. Elle considère que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder principe qu'elle avait déjà très clairement affirmé dans un arrêt de principe de la première chambre civile en date du 28 mars 2000. [...]
[...] On pourra trouver ces deux décisions de la Cour de cassation (en date du 25 avril 2007 et du 30 septembre 2009) fort contestable dans la mesure où en matière de contentieux c'est la vérité qui doit primer. B. Un droit à l'expertise biologique soumise à l'appréciation du juge : Une jurisprudence confirmée En l'espèce, la Cour de cassation approuve la Cour d'appel d'avoir caractérisé un motif légitime de ne pas procéder à l'expertise biologique en relevant que cette contestation de reconnaissance outre son caractère déstabilisateur sur une personne âgée de 62 ans n'était causée que par un intérêt strictement financier Ainsi, ce qui l'intéresse ici c'est le caractère stable du lien de filiation. [...]
[...] On peut également citer l'arrêt de la première chambre civile en date du 28 mai 2008 : dans cette hypothèse, il s'agissait d'une action en contestation d'une reconnaissance, pour éviter cette action, l'auteur de la reconnaissance, en l'espèce la mère, arguait le fait que l'enfant avait la possession d'état à l'égard de l'auteur de la reconnaissance parce qu'il s'en était occupé. Ainsi, elle prétendait que dès lors qu'une filiation est stable, il n'est pas possible de la contester par une expertise biologique. Mais, la Cour de cassation refuse et considère que l'existence d'une possession d'état à l'égard de l'auteur de la reconnaissance n'est pas un motif légitime qui permet de refuser l'expertise biologique. Si la haute juridiction avait donné une solution inverse, cela aurait voulu dire que la volonté prime toute question relative à la question de la vérité. [...]
[...] On peut se demander la raison pour laquelle on chercherait les mobiles d'une contestation et qu'elles seraient dans ce cas là, les mobiles légitimes et les mobiles illégitimes. En faisant ça, la Cour de cassation a fait un jugement de valeur. Or, ce n'est pas le rôle du juge de faire cela, car on fermerait la plus grande majorité du contentieux en justice qui, pour la plupart du temps, a un motif pécuniaire. On en déduit donc que sur le plan du droit la notion de motif légitime parait discutable. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture