Le vote de la loi sur le PACS (Pacte Civil de Solidarité) du 15 novembre 1999 est venu s'opposer au principe jurisprudentiel posé lors de l'arrêt du 11 juillet 1989, consacré dans l'arrêt étudié de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 17/02/97. Cette dernière tend en effet à exclure la notion d'homosexualité du concept de concubinage.
M. Vilela, à la suite du décès de son compagnon avec lequel il vivait depuis plus d'un an et ceci de façon notoire, a assigné Mme Weil, la bailleuse, en vue d'obtenir le transfert du bail qui était au nom du défunt. Pour cela il invoque l'application de l'art. 14 de la loi du 6 juillet 1989 qui prévoit le transfert de bail en cas de concubinage notoire supérieur à un an. Le Tribunal d'instance du 4ème arrondissement de Paris avait alors accédé à la demande au regard de l'évolution des mœurs et du principe de la protection de la vie privée.
Toutefois, par un arrêt infirmatif, la Cour d'appel de Paris a débouté M. Vilela de ses prétentions au motif que l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ne pouvait s'appliquer qu'à un concubinage ayant l'apparence du mariage et donc étant un concubinage hétérosexuel.
Il fut alors formé un pourvoi contre cet arrêt au visa de l'art. 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce pacte impose à la loi d'interdire toute discrimination de race, de couleur ou de sexe et de garantir cette protection. Dans la mesure où l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ne porte aucune précision, quant à la nature du concubinage, outre que celle tenant à la durée. A cela, le pourvoi ajoute également l'énonciation de l'art. 8 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'homme.
La question est donc de savoir si la qualité de concubinage notoire, visée par l'art. 14 de la loi du 6/07/89, peut être reconnue à un compagnon homosexuel.
A cela, la Cour de cassation répond très brièvement en précisant que la Cour d'appel " a retenu, a bon droit " que le concubinage ne pouvait résulter que d'une relation stable et continue ayant l'apparence du mariage. Or le droit français considère le mariage comme hétérosexuel. Donc le concubinage, conformément au mariage, ne peut être qu'hétérosexuel. Pour ces motifs la Cour rejette le pourvoi.
Il convient alors de s'attacher dans un premier temps à l'étude de la conception française de concubinage (I), pour ensuite analyser la compatibilité de cette conception aux principes supranationaux (II).
[...] Pour ces motifs la Cour rejette le pourvoi. Il convient alors de s'attacher dans un premier temps à l'étude de la conception française de concubinage pour ensuite analyser la compatibilité de cette conception aux principes supranationaux (II). I-la conception française du concubinage On peut convenir que si le concubinage est considéré comme une union stable et continue ayant l'apparence du mariage cela a donc comme conséquence d'être une union entre un homme et une femme Une union stable et continue ayant l'apparence du mariage Avant d'être considéré par le droit, le concubinage est longtemps resté l'ennemi public numéro un du droit de la famille, en commençant par Napoléon I qui estimait que puisque les concubins ne connaissaient pas le droit, le droit ne connaissait pas les concubins. [...]
[...] Le concubinage était au XIX° siècle l'apanage de la classe ouvrière. Le concubinage " s'embourgeoise " pour devenir à l'issue de la 2nd Guerre mondiale une forme de fiançailles qui permettent aux " futurs " mariés de découvrir la vie à deux. Dès lors, alors qu'il s'agissait d'une forme " ouvrière " d'union, le concubinage devient un préalable au mariage et a tendance à se généraliser. Le concubinage est alors non-plus perçu comme un mode de contournement de la loi, mais comme le fruit d'une relation stable et continue ayant pour optique le mariage. [...]
[...] II- La compatibilité de la conception du mariage au concubinage avec les principes supranationaux L'arrêt de la Cour pose le problème de la compatibilité avec le principe de non-discrimination et le principe du respect de la vie privée et familiale le principe de non-discrimination L'arrêt de la Cour d'Appel de Paris est, en l'espèce, attaqué au motif que celle-ci, estimant que l'art 14 de la loi du 6 juillet 1989 ne vivait que le cas du concubinage entre un homme et une femme, aurait méconnu l'art 26 du Pacte international (relatif aux droits civils et politiques -intégré au droit interne en 1981- alors que ce même article ne contenait aucune restriction autre que celle tenant dans la durée.) Ainsi, la Cour de cassation, en rendant un arrêt, risque de ne point se conformer au Pacte international en ce que, interpréter l'art 14 comme exclusif des concubins homosexuels, serait discriminatoire envers le demandeur. En effet l'art 14 ne met pas de condition de sexualité aux concubins. Toutefois, dans un premier temps, il ne peut y avoir de discrimination si la Cour de cassation ne fait que de se conformer à une définition préétablie de la notion de concubins. [...]
[...] À cela, le pourvoi ajoute également l'énonciation de l'art 1 de la Convention européenne des Droits de l'homme. La question est donc de savoir si la qualité de concubinage notoire, visée par l'art de la loi du 6/07/89, peut-elle être reconnue à un compagnon homosexuel ? A cela, la Cour de cassation répond très brièvement en précisant que la Cour d'appel " a retenu, a bon droit " que le concubinage ne pouvait résulter que d'une relation stable et continue ayant l'apparence du mariage. [...]
[...] Cependant, ce n'était pas à la Cour de cassation, malgré son rôle de " charger se suivre l'évolution des mœurs de modifier la notion de concubinage mais bien au législateur. Et l'on ne peut condamner, sur un sujet aussi sensible, le conservatisme des juges de cassation. [...]
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