Droit de la famille, expertise génétique, filiation
Le 28 mai 2008, la Cour de cassation rend un arrêt de cassation concernant la demande d'un homme de faire procéder à une expertise biologique afin de faire reconnaître sa paternité vis-à-vis d'un enfant déjà reconnu par un tiers.
En l'espèce, une femme a donné naissance à un enfant le 17 février 1997 et l'a reconnu le 13 mars 1997. L'enfant avait été reconnu avant sa naissance, le 20 novembre 1996, par un homme qui avait entretenu des relations intimes avec la mère pendant la période de conception.
Par acte en date du 18 octobre 2000, le concubin de la mère va également reconnaître l'enfant comme étant le sien.
Le 6 décembre 2000, la mère de l'enfant et son concubin au moment des faits, vont former une action en contestation de la reconnaissance de l'homme qui avait reconnu l'enfant avant sa naissance.
La mère de l'enfant se désiste, laissant son concubin poursuivre seul l'instance.
Afin de résoudre le conflit de filiation, l'auteur de la contestation demande une expertise biologique.
Le juge du fond déboute l'homme de sa demande. Il refuse de prendre en compte les preuves apportées par le demandeur destinées à démontrer l'existence d'une relation stable entre ce dernier et la mère de l'enfant, pendant la période de conception au motif qu'il ne peut que constater la vraisemblance de la paternité de l'homme qui avait entretenu des relations sexuelles avec la mère pendant la période de conception de l'enfant.
Ses présomptions et indices confirment cette thèse comme notamment la correspondance échangée entre la mère de l'enfant et l'homme qui avait revendiqué sa paternité avant même la naissance de l'enfant.
Le juge de première instance souligne également que l'ex-concubin de la mère de l'enfant ne peut invoquer une possession d'état à son profit alors même qu'il en était déjà établi une au profit de celui qui avait entretenu des relations intimes avec la mère pendant la période de conception.
Celle-ci étant justifiée par le fait que l'homme s'était vu accorder un droit de visite en 1998 et que la résidence de l'enfant avait été fixée à son domicile, en sa qualité de père, en 2001.
La Cour d'appel rend un arrêt confirmatif. Elle considère dès lors que les présomptions et indices relevés établissaient la paternité de l'homme qui avait entretenu des relations avec la mère pendant la durée de conception, il existait un motif légitime de ne pas procéder à l'expertise biologique.
Contestant la décision rendue par la Cour d'appel, l'ancien concubin de la mère de l'enfant forme alors un pourvoi en cassation.
Il reproche à la Cour d'appel de ne pas avoir motivé son refus de faire procéder à une expertise biologique alors même que « L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ».
La Cour d'appel aurait donc du préciser sur quel « motif légitime » elle fondait son refus.
Le demandeur en cassation invoque la violation des articles 339 et 311-12 du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 juillet 2005 en ce qu'il ne peut contester la reconnaissance effectuée par un autre homme et que les juges ont refusé les témoignages qu'il avait produit alors que selon l'article 311-12 du Code civil dans sa rédaction antérieure à 2005, la filiation peut être déterminée par « tous les moyens de preuve ».
Le fait qu'un lien de filiation ait déjà été établi en faveur d'un homme, par des présomptions et indices, constitue-t-il un motif légitime de refus de procéder à une expertise biologique destinée à prouver un lien de filiation ?
En cassant l'arrêt rendu par la Cour d'appel, la Cour de cassation répond à cette question par la négative. Un lien de filiation établi préalablement ne peut pas constituer un motif de refus de procéder à une expertise génétique.
La réponse apportée en l'espèce, par la Cour de cassation constitue un revirement de jurisprudence puisque la Cour rend un arrêt qui va dans le sens contraire de ceux rendus antérieurement.
La Cour de cassation a posé un principe selon lequel la demande d'expertise génétique est de droit en matière de filiation. Il y a donc une profusion de demandes d'examen de la part des parties, dans l'hypothèse d'un conflit de filiation.
Il existe cependant une exception à ce principe, l'existence de motifs légitimes. Ceux-ci sont soumis à l'appréciation souveraine des juges et il convient de se demander si cela ne constitue pas une atteinte au principe de sécurité juridique.
[...] Le juge est donc lié par la demande des parties. En rendant l'expertise génétique possible pour tout contentieux portant sur la filiation, la Cour de cassation confère à la preuve scientifique, une force très importante bien qu'en matière de filiation, il faille également tenir compte de preuves plutôt à caractère sociologique comme le lien affectif reliant le parent présumé à l'enfant. Le principe posé par la Cour de cassation va avoir pour conséquence de diminuer la force de la possession d'état en matière de preuve de filiation puisque même si un lien de filiation est établi par la possession d'état, le juge peut tout de même ordonner que soit réalisée une expertise génétique. [...]
[...] La Cour d'appel rend un arrêt confirmatif. Elle considère dès lors que les présomptions et indices relevés établissaient la paternité de l'homme qui avait entretenu des relations avec la mère pendant la durée de conception, il existait un motif légitime de ne pas procéder à l'expertise biologique. Contestant la décision rendue par la Cour d'appel, l'ancien concubin de la mère de l'enfant forme alors un pourvoi en cassation. Il reproche à la Cour d'appel de ne pas avoir motivé son refus de faire procéder à une expertise biologique alors même que L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder La Cour d'appel aurait donc du précisé sur quel motif légitime elle fondait son refus. [...]
[...] En principe, le juge ne peut pas refuser d'ordonner une expertise génétique destinée à régler un conflit relatif à la filiation. En effet, la Cour de cassation a admis que l'expertise biologique était de droit en la matière. L'obligation pour le juge de faire procéder à une expertise génétique en raison du principe posé par la Cour de cassation conférant une place importante à la vérité biologique C'est dans un arrêt de principe rendu par la première chambre civile le 28 mars 2000, que la Cour de cassation a indiqué que l'expertise biologique était de droit en matière de filiation. [...]
[...] Par le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation, on remarque que l'appréciation des éléments devant être considérés ou non comme motifs légitimes appartient entièrement aux juges. Eux seuls décident si tel ou tel élément peut faire obstacle à la réalisation d'une expertise génétique. Un risque d'insécurité juridique dû à l'appréciation des motifs légitimes par le juge et par les changements de jurisprudence On a vu précédemment qu'il existait un obstacle à ce que le juge ordonne la réalisation d'une expertise génétique à la demande d'une partie, l'existence d'un motif légitime. [...]
[...] L'enfant avait été reconnu avant sa naissance, le 20 novembre 1996, par un homme qui avait entretenu des relations intimes avec la mère pendant la période de conception. Par acte en date du 18 octobre 2000, le concubin de la mère va également reconnaître l'enfant comme étant le sien. Le 6 décembre 2000, la mère de l'enfant et son concubin au moment des faits vont former une action en contestation de la reconnaissance de l'homme qui avait reconnu l'enfant avant sa naissance. La mère de l'enfant se désiste, laissant son concubin poursuivre seul l'instance. [...]
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