Droit de la famille, pouvoir d'appréciation, interprétation, juge
Le 28 février 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt de cassation concernant la demande d'une femme de prendre en compte sa participation bénévole aux activités de son mari, dans l'appréciation par les juges, du montant de la prestation compensatoire.
Un couple marié voit son divorce prononcé aux torts partagés.
Le 24 mars 2003, la Cour d'appel rend un arrêt qui sera, par la suite, modifié par un autre arrêt en date du 26 mai 2003 qui condamne l'ex-époux à payer au titre de prestation compensatoire, un capital de 20.000€.
L'ancienne épouse souhaite faire revoir à la hausse le montant de la prestation compensatoire en indiquant qu'elle a participé bénévolement à l'activité professionnelle de son ex-mari.
La Cour d'appel déboute la femme de sa demande en précisant que les ex-époux étant mariés sous le régime de la séparation de biens, la Cour ne pouvait prendre en considération la collaboration de l'ex-femme aux affaires de son ancien mari.
Insatisfaite de la décision rendue par la Cour d'appel, la femme forme alors un pourvoi en cassation.
Elle reproche d'une part à la Cour d'appel d'avoir prononcé son divorce aux torts partagés sans avoir examiné si le comportement de son ex-époux pouvait justifier les faits retenus contre elle.
La femme avance ici une excuse de réciprocité pour justifier l'adultère qui lui était reproché.
D'autre part, l'ex-épouse souligne la violation de l'article 272 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 qui énonce les éléments que le juge peut prendre en compte dans la détermination des besoins et des ressources.
En effet, selon le demandeur en cassation, l'article visé n'est pas limitatif c'est-à-dire que le juge peut prendre en compte d'autres éléments que ceux qui y sont mentionnés et notamment la collaboration de la femme à la profession de son mari.
En l'espèce, la femme a participé à l'activité professionnelle de son mari mais les anciens époux étant sous le régime de la séparation de biens, la Cour d'appel a affirmé que l'ex-épouse ne pouvait prétendre voir compenser cette participation.
L'étude sera davantage orientée vers le troisième moyen du pourvoi.
Les juges ont eu à répondre à la question de savoir s'il est possible, pour les juges, de refuser de prendre en considération la participation d'une ex-épouse aux affaires de son ancien conjoint dans les éléments permettant d'évaluer le montant de la prestation compensatoire alors même que le texte de loi citant ces éléments -article 272 du Code civil lors des faits de l'espèce- n'est pas limitatif et ne s'oppose pas à une telle demande même si les conjoints étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
La Cour de cassation, en cassant l'arrêt rendu par la Cour d'appel « mais seulement en ce qu'il a condamné [l'ex-époux] à payer un capital [...] à titre de prestation compensatoire » répond à cette interrogation par la négative.
L'article 272 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 mentionnant les éléments devant être pris en compte lors de l'évaluation du montant de la prestation compensatoire n'est pas restrictif.
En d'autres termes, c'est au juge d'apprécier la pertinence des éléments non mentionnés par le texte susvisé pouvant être pris en considération dans le calcul de la prestation compensatoire.
En l'espèce, il était possible pour la femme de demander aux juges de tenir compte du fait qu'elle avait participé aux affaires de son mari dans la fixation du montant de la prestation compensatoire qui allait lui être versé.
Et le fait pour les ex-époux d'avoir été mariés sous le régime de la séparation de biens ne pouvait justifier que la femme ait été déboutée de sa demande par la Cour d'appel.
Lorsqu'il s'agit d'une disposition législative non limitative, c'est au juge que revient la tâche de prendre ou non en compte un élément avancé par l'une des parties. Le juge possède donc, dans une telle hypothèse, un pouvoir conséquent.
Mais on peut tout de même reprocher aux juges de disposer d'une trop large marge de manoeuvre qui pourrait voir des décisions rendues arbitrairement et ainsi engendrer une insécurité juridique.
[...] Selon elle, le régime de séparation de biens ne fait pas barrage à l'octroi d'une prestation compensatoire. Ainsi, on peut en déduire que, certes il ne faut pas négliger le régime matrimonial choisi par les ex-époux, mais le juge, grâce à la marge d'appréciation dont il dispose, peut tempérer la rigueur du droit en décidant, en octroyant la prestation compensatoire, de mettre légèrement de côté le régime matrimonial. La Cour de cassation encourage la Cour d'appel à davantage prendre en considération la situation de fait des individus en profitant de son pouvoir d'appréciation et donc en n'appliquant pas strictement le droit. [...]
[...] Il aura également en charge de statuer sur ceux, non mentionnés explicitement à l'article 272 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 en précisant s'ils doivent ou pas, être pris en considération dans le calcul du montant de la prestation compensatoire. En l'espèce, il s'agissait donc pour le juge, de décider si oui ou non il fallait prendre en compte la participation de l'ancienne conjointe, à l'activité professionnelle de son mari alors que le couple était marié sous le régime de la séparation de biens. [...]
[...] On remarque en l'espèce, une contradiction dans la solution des arrêts rendus par les juges de la Cour d'appel et ceux de la Cour de cassation. Ceci est lié à la marge d'appréciation donnée aux juges, par l'article 272 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 par l'article 271 du Code civil aujourd'hui-, en ce qui concerne les éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de la prestation compensatoire. En effet, cette marge est large et peut donc conduire à ce qu'une même situation juridique connaisse des solutions différentes, voire opposées. [...]
[...] En l'espèce, il était possible pour la femme de demander aux juges de tenir compte du fait qu'elle avait participé aux affaires de son mari dans la fixation du montant de la prestation compensatoire qui allait lui être versé. Et le fait pour les ex-époux d'avoir été mariés sous le régime de la séparation de biens ne pouvait justifier que la femme ait été déboutée de sa demande par la Cour d'appel. Lorsqu'il s'agit d'une disposition législative non limitative, c'est au juge que revient la tâche de prendre ou non en compte un élément avancé par l'une des parties. [...]
[...] La femme avance ici une excuse de réciprocité pour justifier l'adultère qui lui était reproché. D'autre part, l'ex-épouse souligne la violation de l'article 272 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 qui énonce les éléments que le juge peut prendre en compte dans la détermination des besoins et des ressources. En effet, selon le demandeur en cassation, l'article visé n'est pas limitatif c'est-à-dire que le juge peut prendre en compte d'autres éléments que ceux qui y sont mentionnés et notamment la collaboration de la femme à la profession de son mari. [...]
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