L'article 6 du Code civil dispose que l'« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs ». La liberté de mariage est un principe fondamental d'ordre public, à valeur constitutionnelle, auquel on ne devrait donc pas déroger. Nous allons voir pourtant ici que la position de la jurisprudence sur la validité des clauses insérées dans les actes juridiques, qui ont pour objet de porter atteinte à la liberté de mariage, est ambivalente.
C'est ce qui apparaît dans l'arrêt de la Cour de cassation en formation plénière du 19 mai 1978. En effet, un établissement privé d'enseignement catholique avait embauché en 1958 une institutrice, qui se maria, divorça, puis de remaria. Elle a été licenciée le 3 septembre 1970 pour ces raisons, et réclame, en plus d'une indemnité pour brusque renvoi, une indemnité pour rupture abusive du contrat de travail.
La Cour de cassation fit d'abord droit à sa demande, cassant l'arrêt de la Cour d'Appel qui refusait de reconnaître le caractère abusif de la clause.
[...] Le caractère privé de la foi étant très important, il ne devrait pas donner lieu à des obligations pour le cocontractant. Ensuite même si on prend en compte le caractère déterminant de la foi de l'institutrice pour l'établissement, il paraît difficile de parler d'un changement soudain de convictions religieuses, voire de disparition totale née du divorce et du remariage de l'institutrice, qui ne sont pas reconnus dans la religion catholique. Par voie de conséquence le défendeur ne saurait quantifier, donner le degré de foi de l'institutrice, pour justifier un tel licenciement. [...]
[...] Pourtant, cet arrêt est à rapprocher de la jurisprudence antérieure que nous avons vue, puisque la Cour de cassation a écarté le principe de liberté du mariage, pour des circonstances très exceptionnelles. Rappelons qu'il s'agit ici d'un divorce et d'un remariage, non reconnus tous les deux par la confession catholique, qui ont provoqué le licenciement de l'institutrice. L'argument majeur de la Cour d'appel qui a donné raison à l'employeur, et a fortiori de ce dernier, est que les convictions religieuses de l'institutrice avaient été prises en considération et cet élément de l'accord des volontés, qui reste habituellement en dehors des rapports de travail, avait été incorporé volontairement dans le contrat dont il était devenu partie essentielle et déterminante En d'autres termes, sans l'existence d'une foi catholique chez l'institutrice, l'établissement n'aurait pas contracté. [...]
[...] On peut donc dire que ce qui a été introduit dans le contrat, c'est en réalité l'exigence d'un certain comportement social, en particulier face au mariage. De plus, on peut dire que ce n'est pas une réelle atteinte au principe de liberté du mariage, car la Cour de cassation a clairement exposé le caractère exceptionnel de la décision, en affirmant qu'il ne peut être porté atteinte sans abus à la liberté de mariage par un employeur que dans des cas très exceptionnels où les nécessités des fonctions l'exigent impérieusement Ainsi en admettant le fait que les dérogations au principe de liberté de mariage sont exceptionnelles, elle rappelle la portée du principe et le consolide Dans cette décision la Cour a soulevé le caractère exceptionnel du renversement du principe de liberté de mariage. [...]
[...] La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi. Il sera donc intéressant d'expliquer en quoi consiste le principe primordial qu'est la liberté de mariage et comment il s'est manifesté antérieurement à cet arrêt puis de voir, dans quels cas exceptionnels il est écarté (II). La liberté de mariage: un principe général du droit posé par la jurisprudence La liberté du mariage, liberté nuptiale ou encore liberté matrimoniale est une liberté publique. Elle est nécessairement garantie par l'Etat. Nous allons voir comment elle a été consacrée et ce qu'elle implique puis nous traiterons en particulier de la liberté de mariage, comme liberté de principe et d'ordre public 1 La liberté de mariage : une liberté publique Pour commencer, tentons de définir ce qu'est une liberté publique. [...]
[...] Mais la question que nous devons traiter est le sort de la jurisprudence en la matière. Nous allons voir comment la jurisprudence considère les atteintes à la liberté de mariage, quand elle est posée par une clause insérée dans un acte juridique La liberté de se marier: une liberté de principe et d'ordre public La liberté de mariage étant la règle, en dehors des exceptions légales, chacun est libre de se marier et de se remarier après un divorce ou un décès. [...]
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