L'accueil par un ordre juridique des institutions de droit étranger inconnues est un problème délicat en droit international privé, tant il montre une tension inévitable entre le caractère à la fois national et international de la matière.
L'arrêt du 10 octobre 2006, rendu le même jour qu'un deuxième arrêt consacrant une solution identique pour une kafala algérienne, permet d'illustrer ce phénomène. En l'espèce, un couple, après avoir reçu l'agrément pour l'adoption en 2000, s'est vu confier l'enfant Rayane, de nationalité marocaine, par une décision marocaine de kafala en date du 10 mars 2003. Les époux ont ensuite sollicité en France le prononcé d'une adoption, plénière de préférence, simple à titre subsidiaire.
Les magistrats de la Première chambre civile considèrent alors pour accueillir le pourvoi que la kafala n'est pas une adoption, et qu'en raison de l'interdiction par la loi marocaine de l'adoption, l'enfant recueilli par kafala ne peut pas être adopté en France, sauf s'il est né et réside habituellement en France.
[...] Cette question doit être tranchée par le juge selon ses propres vues, et c'est ce que fait la Cour de cassation en énonçant que la kafala, institution inconnue du droit français, n'est pas une adoption, institution française à laquelle il convenait de comparer la kafala pour savoir si elle y équivaut (II). II. L'absence d'équivalence entre kafala et adoption Conduite lege fori, la qualification conduit selon la Cour de cassation à ne pas considérer la kafala comme une institution suffisamment proche de l'adoption pour la qualifier de telle solution qui se veut à la fois équilibrée et respectueuse de la volonté du législateur A. [...]
[...] En l'espèce, l'interdiction de l'adoption par la loi marocaine semble à première vue ne pas soulever de difficulté, la cour d'appel ayant relevé que le code du statut personnel marocain dispose que l'adoption n'a aucune valeur juridique et n'entraîne aucun des effets de la filiation le droit marocain étant en cela conforme aux préceptes donnés par le droit musulman. Logiquement, l'hypothèse prévue par la règle française est donc remplie en l'espèce, la loi marocaine étant bien prohibitive de l'adoption, et donc l'effet juridique, à savoir l'impossibilité de prononcer l'adoption, doit se produire. Pourtant, la cour d'appel a prononcé une adoption simple, solution qui semble contraire à la règle française, en considérant que la kafala constitue une forme alternative d'adoption, qu'elle serait assimilable à une adoption simple et que donc la loi marocaine ne serait pas totalement prohibitive. [...]
[...] Si l'enfant est né et réside en France et que son adoption est demandée en France, il est évident que son intégration dans le milieu social français est tellement marquée qu'il est préférable de permettre le recours à l'institution française de l'adoption. D'ailleurs, cette intégration est certainement de nature à permettre une acquisition rapide par cet enfant de la nationalité française, auquel cas l'unité de son statut personnel est retrouvée. La Cour de cassation en rappelant cette exception de proximité se montre à juste titre attachée à cet équilibre. [...]
[...] 1re chambre civile de la Cour de cassation octobre 2006 : la kafala, institution inconnue du droit français, peut-elle être qualifiée d'adoption simple ? L'accueil par un ordre juridique des institutions de droit étranger inconnues est un problème délicat en droit international privé, tant il montre une tension inévitable entre le caractère à la fois national et international de la matière. Il en va par exemple au sujet de l'accueil en France d'une kafala prononcée dans un État connaissant cette institution, issue du droit musulman, qui permet de recueillir un enfant malgré la prohibition de l'adoption. [...]
[...] Ensuite cette qualification implique de connaître le contenu exact de la catégorie adoption telle que définie par l'ordre juridique français. Il serait aberrant de faire dépendre ce contenu de la qualification donnée par un ordre juridique étranger. Il n'y a que l'ordre juridique français qui puisse établir ses propres catégories. D'ailleurs en établissant ces catégories, l'ordre juridique français détermine son degré d'ouverture aux relations privées internationales, puisque plus il ouvre ses catégories de droit interne pour y inclure des institutions étrangères inconnues du droit français, plus il manifeste une volonté d'accueil des situations internationales. [...]
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