M. et Mme Jolibois sont mariés sous le régime de la communauté légale. L'épouse, qui est femme au foyer, a néanmoins ouvert un compte personnel que son mari alimente. Cette alimentation se réduit d'ailleurs depuis quelques mois au strict minimum qu'exige la vie quotidienne, puisque le couple semble en froid.
Mais ayant découvert depuis peu dans le coffre de son mari 20 000 euros, Mme Jolibois, dépassée par la dette que lui a causé l'achat d'un tableau, n'a pas su résister à l'envie de déposer cet argent sur son compte personnel. Elle a ainsi pu désintéresser son créancier qui s'est empressé d'encaisser le chèque de 15 000 euros remis par Mme. Evidemment Monsieur Jolibois souhaite récupérer ce que sa femme s'est approprié. Il nous reste donc à voir de quels recours il dispose.
[...] Toutefois, notons qu'en l'absence de contrat de mariage, les époux sont unis sous le régime de la communauté légale. Dès lors, il n'est pas certain que l'on considère que les fonds n'étaient pas des biens de la communauté et, que de ce fait, madame Jolibois avait tout comme son mari, un pouvoir de gestion à leur égard. C'est malgré tout contestable lorsque l'on sait que les achats de Madame Jolibois sont des achats personnels. Finalement, à l'encontre du banquier dépositaire, Monsieur Jolibois n'a pas véritablement un droit d'opposition. [...]
[...] Jean Carbonnier a ainsi préféré élucter quelques fois le RM, pour faire valoir un jeu de présomptions. Aux titres de ces présomptions se trouve celle qui accorde au déposant la réputation d'avoir la libre disposition des fonds et titre en dépôt et ce, même après la dissolution du mariage. La présomption concerne toute opération effectuée sur le compte et l'époux qui en est titulaire peut librement déposer et retirer des fonds, indépendamment de son régime matrimonial. Le banquier ne saurait donc être tenu pour responsable, même en cas de dépassement de pouvoir. [...]
[...] Mais ne dit-on pas qu'il n'y a pas de vol entre époux ? Finalement, le meilleur recours ne serait-il pas pour Monsieur Jolibois, le recours contre sa femme ? Deux courants de pensée se sont opposés. Les premiers prétendaient que la présomption de l'article 221 du Code civil ne pouvait jouer dans les rapports entre époux, car cela serait un instrument de spoliation du conjoint. Mais d'autres ont soutenu que la présomption devait jouer, car cela reviendrait à immuniser le déposant contre toute revendication de son conjoint. [...]
[...] En effet, il serait inconcevable que le dépositaire des fonds, complice de la fraude du déposant, bénéficie d'une complète immunité. C'est dire que la présomption de pouvoir cesse en cas de collusion frauduleuse. Dès lors, là où la simple manifestation de volonté de l'époux du conjoint est inopérante à faire obstacle à l'exécution par le banquier, des ordres de son client, les voies judiciaires demeurent efficaces. Ainsi, dans la jurisprudence suscitée du 21 novembre 2000, la Chambre commerciale a considéré qu'il n'était pas établi que l'épouse se soit procuré le chèque frauduleusement et la collusion frauduleuse n'était pas prouvée. [...]
[...] Rien de tel pour les autres tiers. Toutefois, s'ils sont de bonne foi, ils bénéficient de la protection accordée par l'article 222 du Code civil, au titre duquel : si l'un des époux se présente seul pour faire un acte d'administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu'il détient individuellement, il est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi avoir le pouvoir de faire seul cet acte Ne rentrent cependant pas dans le champ d'application de cet article, les meubles meublants et les meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l'autre conjoint. [...]
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