Le droit communautaire de la concurrence emprunte beaucoup au droit des Etats Unis, en adaptant parfois quelque peu ces théories au contexte du marché commun. Les règles issues de ces « emprunts » se fondent souvent sur une analyse économique, pragmatique, nécessaire à la matière.
Le but de tout droit de la concurrence étant de garantir et protéger cette dernière, les règles applicables aux entreprises qui en sont issues, déterminent la prohibition des pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, le Traité sur la Communauté (TCE) contient des dispositions concernant le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, qui sont les ententes (article 81) et les abus de position dominante (82), alors qu'un règlement vient organiser le contrôle des concentrations.
Le premier paragraphe de l'article 81 pose le principe de prohibition des pratiques de concertation, qui ont un effet ou un objet anticoncurrentiel. Le paragraphe 3 du même article indique cependant que des exemptions peuvent être accordées dans certains cas. Il s'agit d'un exemple de ce que le droit communautaire de la concurrence, qui vise à protéger l'état de concurrence imparfaite, n'envisage la concurrence que comme un moyen pour garantir le bien-être des consommateurs, mais ne la considère pas comme une fin en soi, à protéger coûte que coûte.
Cette efficacité est également recherchée par les juges étasuniens, qui, chargés d'appliquer un droit de la concurrence n'organisant que la prohibition, sans aucune exemption textuelle pour les ententes, ont rapidement adopté une lecture raisonnable de ce principe. C'est de cette approche jurisprudentielle qu'est issue l'application de la « règle de raison », qui permet de ne pas condamner toutes les ententes, même si, sans cette souplesse d'interprétation, elles seraient interdites à cause de leur caractère anticoncurrentiel.
Mais alors que le droit communautaire admet des exemptions, la réception, par la jurisprudence communautaire, de la règle de raison semble surprenante. Alors, c'est les raisons de l'application de cette théorie qu'il sera nécessaire d'étudier.
En effet, il faut souligner que la position des juges communautaires fut liée à son souci d'efficacité et de simplicité, alors qu'il était assez difficile et de justifier des exemptions, dont l'utilité semblait évidente, sur la base de l'article 81 paragraphe 3 (I). Mais certaines évolutions du droit communautaire de la concurrence sont à l'origine de l'abandon progressif, apparemment amorcé par la jurisprudence, de cette règle, dont l'application serait ainsi devenue inutile (II).
[...] L'application en droit communautaire ; une lecture souple de l'article 81 paragraphe 1. Les théories perturbatrices de la prohibition des ententes à objet ou à effet anticoncurrentiel, c'est-à-dire celle du seuil de sensibilité, celle de l'effet cumulatif et la règle de raison, illustrent la recherche d'efficacité dans l'interprétation des dispositions du Traité par la jurisprudence communautaire en matière de concurrence. C'est la doctrine qui décrit l'application de la règle de raison par les autorités de concurrence et les juges, qui ne l'ont jamais cité explicitement. [...]
[...] De plus, un oubli de notification de l'entente à la Commission, condition de forme, était souvent à l'origine de sa condamnation, même lorsqu'elle respectait bien les conditions de fond. Par ailleurs, alors que le Règlement 1/2003 du 16 décembre 2002 n'avait pas encore remplacé le Règlement 17/62 du 6 février 1962, la Commission restait seule compétente pour accorder des exemptions sur la base du paragraphe 3 de l'article 81. A cause de cette compétence exclusive, les autorités nationales de concurrence, lorsqu'elles avaient à statuer sur la base de l'article 81, ne pouvaient se fonder sur le paragraphe 3 pour accorder des exemptions, même si toutes les conditions qu'il énonce étaient réunies. [...]
[...] Ainsi, la règle de raison a permis à la jurisprudence d'accorder plus facilement, sans passer par un système complexe, lourd et pas toujours satisfaisant, des autorisations pour les ententes qu'il lui semblait inopportun de voir condamnées. En effet, grâce à cette théorie, de telles ententes ont pu être validées, tant par les autorités nationales que communautaires. C'est l'évolution des normes communautaires elles-mêmes a favorisé l'accord d'exemption à des ententes qualifiées d'anticoncurrentielles, mais qui mériteraient pourtant d'échapper à la condamnation. Alors, la jurisprudence n'aurait plus besoin de passer par l'application officieuse de la règle étudiée. [...]
[...] L'éviction du caractère anticoncurrentiel ; la validation de l'entente sur le fondement de l'article 81 par TCE Les deux théories composant la règle de raison appliquées par les juges américains. La solution adoptée par les juges américains se compose de deux théories, qui constituent la règle de raison : la théorie du bilan concurrentiel et celle des restrictions accessoires. Elles sont appliquées alternativement, selon les besoins de l'espèce. La première consiste à mesurer l'effet anticoncurrentiel pour le comparer aux effets éventuellement positifs pour la concurrence. Il s'agit donc d'examiner les avantages d'une entente anticoncurrentielle pour éventuellement l'autoriser parce qu'elle aurait des effets bénéfiques importants. [...]
[...] Ce dernier vient tout d'abord supprimer l'exclusivité de compétence de la Commission pour accorder les exemptions. Désormais, en France par exemple, le Conseil de la Concurrence peut accorder une exemption sur la base du paragraphe 3 de l'article 81, lorsqu'il statue en application de cet article, dont l'intégralité bénéficie ainsi de l'effet direct. Cet élargissement de la compétence partagée évite aux autorités nationales de concurrence une nécessaire référence à la règle de raison, lorsqu'elles cherchent à valider une entente présentant des caractères anticoncurrentiels. [...]
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