Début avril 2008, le groupe Leclerc lance une campagne publicitaire multisupports (télévision, journaux, panneaux, site Internet) sur la vente des médicaments non remboursés par la Sécurité sociale. Présentée sous forme humoristique, cette publicité insiste sur l'augmentation des prix de ces médicaments et affirme que leur achat tend à devenir un luxe. Cette idée est concrétisée essentiellement par deux éléments : par une image, d'abord, présentant une parure de gélule et de cachets comme un bijou coûteux ; par un slogan, ensuite, selon lequel « Avec l'augmentation du prix des médicaments, soigner un rhume sera bientôt un luxe ». La campagne conclut à la nécessité de baisser les prix, ce que Leclerc affirme pouvoir faire à hauteur de 25 %.
Avant sa diffusion, le groupe a consulté le Conseil supérieur de l'audiovisuel et le Bureau de vérification de la publicité qui ont rendu une décision le 4 avril 2008 constatant l'absence de violation des règles applicables et d'élément susceptible de porter atteinte à l'image de l'industrie pharmaceutique ou de la profession de pharmacien. Cela n'a pas empêché les réactions de ces derniers. Plus précisément, une société spécialisée dans le conseil des pharmaciens et deux organisations professionnelles de pharmaciens d'officine ont demandé au juge des référés de Colmar d'interdire cette publicité. Dans une ordonnance du 21 avril 2008, celui-ci affirme que cette publicité est constitutive d'une pratique commerciale déloyale et d'un dénigrement collectif à l'égard des pharmaciens d'officine. Il interdit la diffusion de cette publicité pour les supports écrits et la télévision, mais aussi fixe l'obligation d'intégrer un avertissement sur le site Internet (www.sesoigner-moinscher.com) expliquant que cette campagne est soumise à un changement de législation.
Le groupe Leclerc interjette appel de cette décision devant la cour d'appel de Colmar qui lui donne raison dans un arrêt du 7 mai 2008, décision dont le contenu est axé sur les deux éléments clefs cités : les caractères déloyal et trompeur de la pratique commerciale et le dénigrement. Ces points sont le cœur de l'arrêt et permettent d'éclairer l'état du droit positif en la matière (I). Mais, au-delà de ces points techniques de licéité de cette publicité, cette affaire pose en réalité une question de fond qu'il est fondamental d'envisager de manière prospective : celle des professionnels habilités à vendre des médicaments à prescription médicale facultative dans le contexte actuel de remise en cause du monopole des pharmaciens d'officine (II).
[...] Dans un esprit proche, l'automédication et l'accès direct se développent. C'est la possibilité pour les clients d'officine d'accéder directement aux médicaments à prescription médicale facultative non remboursés sans avoir à passer par l'intermédiaire que constitue le pharmacien. Cette idée est relativement récente puisque le décret en la matière est paru fin juin, nécessitant la modification de la déontologie infirmière. Notons quand même que cela nécessitera une modification de la déontologie des pharmaciens puisque l'article R. 4235-55 du code de la santé publique prévoit que le pharmacien veille à ce que le public ne puisse pas accéder directement aux médicaments Face à la multiplicité des propositions de modification, des formes de résistance se sont organisées. [...]
[...] Ainsi, la parure de médicaments est sans doute une ironie un peu agressive mais elle ne semble pas dépasser les limites de l'expression humoristique. Un autre élément est utilisé de manière essentielle : à supposer qu'il y ait dénigrement, il ne constitue pas un acte de concurrence déloyale puisqu'il n'y a pas de concurrence entre officines et parapharmacies en l'état actuel de la législation. L'idée est logique, mais elle n'est pas en totale conformité avec la jurisprudence actuelle puisque la situation de concurrence n'est plus exigée, la faute suffisant. [...]
[...] Il existe, en effet, deux composantes à ce monopole : celle de lieu (un médicament ne peut être délivré que dans une officine) et celle de professionnels (un médicament ne peut être délivré dans ce lieu que par un pharmacien). Ce que vise cette publicité est seulement le monopole de professionnels. De surcroît, cette volonté ne concerne que les médicaments à prescription médicale facultative, excluant ceux qui sont soumis à une obligation de prescription. Dans ce contexte, un certain nombre de projets existent au niveau communautaire exerçant une forte influence au niveau interne. [...]
[...] Elle précise, d'abord, que l'affirmation d'une hausse des prix des médicaments non remboursés est avérée. Elle affirme, ensuite, par une phrase dont la formulation est un modèle, attribuer cette hausse aux seuls titulaires d'officines serait probablement inexact, mais dans une mesure qui reste cependant à préciser constatant à demi-mot le rôle des officines dans ces augmentations. Dans ce contexte, les juges valident, avec nuance, le caractère réducteur de l'affirmation selon laquelle une ouverture à la concurrence ferait baisser les prix, mais précisent que cela n'en fait pas pour autant un dénigrement. [...]
[...] Dans l'hypothèse d'un recours, une qualification de dénigrement et de pratique commerciale déloyale ne serait pas à exclure, ce qui serait piquant. Dans ce contexte, ce sont les réactions juridiques qui sont les plus utiles. Ainsi, les pharmaciens d'officine ont initié la création de nouveaux outils et lancé une refonte de leur rôle social. Cela se manifeste par la mise en place du dossier pharmaceutique comme méthode de développement du devoir de conseil et outil de suivi des patients. C'est aussi le cas d'une réflexion menée par l'Ordre sur le renouvellement de leur mission, le développement de leur devoir de conseil afin d'accroître leur utilité sociale. [...]
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