A l'instar d'autres systèmes de droit et notamment des systèmes de Common Law à travers le concept d'economic duress en Grande-Bretagne et dans une moindre mesure de la doctrine de l'unconscionability aux Etats-Unis, le droit français vient de se doter d'un mécanisme destiné à favoriser l'équilibre contractuel à travers la consécration jurisprudentielle de la contrainte économique. L'affirmation mérite cependant d'être nuancée. En effet, des mécanismes similaires existaient déjà bien avant en droit spécial.
Le droit de la concurrence par une loi du 30 décembre 1985 consacrait une notion d'origine germanique, l'abus de dépendance économique, inséré au code de commerce par l'ordonnance du 1er décembre 1986. L'article L 420-2 du code de commerce prohibe l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence. La loi du NRE du 15 mai 2001 ajoute au code de commerce un article L 442-6 qui sanctionne notamment les abus de puissance d'achat ou de vente. Le droit de la consommation n'est pas en reste. L'article L 132-1 relatif aux clauses abusives s'inscrit dans la même veine en sanctionnant le déséquilibre significatif (et non plus le déséquilibre excessif depuis 1995) dans les relations entre professionnels et consommateurs. Est également incriminé en droit de la consommation, l'abus de faiblesse, lorsque la convention a été conclue dans une « situation d'urgence ayant mis la victime dans l'impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés, tiers au contrat ».
[...] En effet, la contrainte économique devrait pour les raisons énoncées précédemment se rattacher à la lésion. La lésion n'étant admise en droit positif que de façon circonstanciée, les points d'appui de la contrainte économique s'en trouveraient immédiatement réduits. Qu'en est-il en droit prospectif et en droit comparé ? Des conditions d'admission assouplies en droit prospectif et dans les projets d'unification du droit des contrats L'avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription se fait l'écho des critiques énoncées à l'encontre de l'arrêt Kannas. [...]
[...] Toutefois, une telle action présente deux inconvénients. Le premier réside dans le fait que la jurisprudence est réticente à reconnaître l'absence partielle de cause dans la mesure où cela reviendrait à reconnaître une forme de lésion en droit positif. Le second inconvénient réside dans le fait que la Cour de cassation a récemment décidé que la nullité pour défaut de cause s'analyse en une nullité relative se prescrivant par cinq ans (1ere civ février 2001). Enfin, les domaines respectifs de la cause et de la violence économiques ne se recoupent pas. [...]
[...] Un autre fondement pourrait être envisagé moyennant œuvre créatrice de la jurisprudence : le manquement par l'un des cocontractants à son obligation de négocier la convention de bonne foi. La bonne foi. Un manquement à l'obligation de bonne foi sanctionné par l'allocation de dommages et intérêts pourrait être envisagé. À condition cependant de créer une obligation générale de bonne foi touchant également la phase précontractuelle. La jurisprudence semble-t-il dans certains arrêts pose les jalons d'une obligation de négociation de bonne foi (v. à ce sujet notamment l'arrêt Manoukian du décembre 2003). [...]
[...] L'exploitation par l'une des parties de l'état de nécessité dans lequel se trouve l'une des parties ne revêt pas le caractère d'une contrainte illégitime, mais également du fait que les raisons que l'on peut avoir de conclure un contrat ne sont pas prises en considération si ce n'est dans le cadre de la cause. La contrainte économique se rattacherait donc davantage à la lésion. En effet, la lésion est un moyen de lutter contre les contrats déséquilibrés en raison de l'absence d'équivalence entre les prestations des cocontractants. Or, ce n'est que cette absence d'équilibre en valeur que révèle l'excès. Il suffirait à s'en tenir à ce raisonnement (et sans évoquer les motifs qui animent ce courant doctrinal) de rapporter la preuve d'un déséquilibre contractuel significatif afin d'obtenir l'annulation du contrat. [...]
[...] En effet, pour de nombreux auteurs s'inscrivant dans une analyse plus libérale du droit, la contrainte économique est de l'essence même de la relation contractuelle intéressée. Le contrat n'étant pas perçu comme un haut lieu de collaboration et de fraternité. Ceci explique en partie la sévérité des conditions d'application du vice de violence à la contrainte économique. Une seconde raison d'ordre plus juridique tient à l'exigence d'illégitimité de la violence. Il résulte de l'interprétation de l'article 1114 que la violence doit revêtir un caractère illégitime. L'article 1109 en visant un consentement extorqué par violence exige en outre une intervention humaine. [...]
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