En France, le Conseil de la concurrence (qui sera prochainement remplacé par l'Autorité de la concurrence) est une autorité administrative indépendante qui dispose d'une réelle autonomie procédurale dans l'exercice de ses fonctions. Cet organe est soumis exclusivement aux dispositions du code de commerce qui concernent les pratiques anticoncurrentielles (celles-ci relevant de la compétence exclusive du Conseil) en l'absence de dispositions exprès renvoyant à un autre corps de règles.
La procédure relative aux pratiques anticoncurrentielles est donc autonome, elle n'est soumise ni aux règles de procédure civile ni aux règles de droit pénal. Pour comprendre la portée de ce principe d'autonomie procédurale, l'examen de deux problématiques qui se sont présentées au Conseil semble constituer une démarche pertinente. Tout d'abord le Conseil a été confronté à la question de la réitération de pratiques anticoncurrentielles qui ne va pas sans rappeler la notion de récidive en droit pénal.
Ensuite nous verrons à travers la problématique de la loyauté de la preuve devant le Conseil de la concurrence que si celui-ci dispose d'une autonomie procédurale, cette liberté à toutefois des limites et que la Cour de cassation, dans l'exercice de son contrôle juridictionnel à l'occasion d'un arrêt de la Chambre commerciale du 3/06/2008, n'hésite pas à 'canaliser' en quelque sorte cette liberté procédurale.
[...] Il convient également d'observer que le Conseil n'est pas insensible à l'approche de la question par les juridictions communautaires en suivant la trame fixée par celles-ci. Tout d'abord, il faut une précédente décision constatant une infraction au droit de la concurrence. Peu importe la sanction qui a été prononcée, il suffit que la décision constate l'infraction et ceci peut procéder d'une décision du Conseil ou d'un arrêt de la CA de Paris statuant sur le fondement des articles L. 420-1 et L. [...]
[...] Ce raisonnement du Conseil qui transpose des règles pénalistes au contentieux du droit de la concurrence va être rejeté par la Cour de cassation. Une liberté procédurale limitée par les exigences d'un procès équitable L'arrêt confirmatif de la CA de Paris va être cassé et annulé par la Chambre commerciale sous le visa de l'article de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Selon la Cour, l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé par une partie à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve. [...]
[...] Le Conseil suit ainsi la position exposée à cet égard par l'arrêt de la CJCE Danone du 8/02/2007. Après ces considérations d'ordre général, le Conseil indique explicitement que la notion de réitération connaît un régime sui generis qui est distinct des notions voisines du droit pénal, écartant ainsi toute assimilation du traitement de la réitération d'infraction au droit de la concurrence à celui de la récidive en matière pénale. Le Conseil invoque à l'appui de cette affirmation un arrêt de la CA de Paris du 6/05/1997 qui considère que le Conseil n'est pas lié à l'application des règles pénales de la récidive, confirmant ainsi la liberté de celui-ci pour élaborer sa propre approche de la question. [...]
[...] Ces sociétés interjettent appel et contestent la décision au motif que le Conseil a fait usage des enregistrements qui avaient été obtenus de façon déloyale. Le Conseil et la CA de Paris considéraient qu'en l'absence de textes réglementant la production des preuves dans le cadre d'une procédure engagée sur le fondement des articles L.420-1 et L.420-2 c.com et eu égard à la mission de protection de l'ordre public économique, du caractère répressif des poursuites et de l'efficacité qui en est attendu, les enregistrements en cause pouvaient être utilisés dès lors qu'ils avaient été soumis à la contradiction. [...]
[...] Ainsi, si le Conseil dispose d'une autonomie procédurale qui le rend maître de déterminer, en l'absence de texte, qu'elles sont les règles procédurales, le Conseil se doit d'appliquer le principe de loyauté qui est regardé comme un principe général du droit et n'est pas à l'abri d'éventuelles remontrances de la Chambre commerciale dans la manière dont il applique le droit. Cet arrêt est remarquable à un double titre. Tout d'abord la Cour de cassation soumet le Conseil de la concurrence au respect du principe de loyauté qui transcende tous les corps de règles pour s'imposer à toute procédure suivie devant une juridiction française. [...]
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