L'arrêt rendu par le tribunal de première instance des Communautés Européennes (TPICE) le 17 septembre 2007 (T-201/04) à propos de l'affaire Microsoft Corporation contre Commission est sans aucun doute destiné à être cité dans tous les manuels de droit de la concurrence. Il représente d'une part une décision spectaculaire du point de vue du montant des sanctions pécuniaires infligées à l'une des plus grandes entreprises au monde. D'autre part, il marque l'aboutissement d'une évolution du droit de la concurrence relatif aux abus de position dominante, entamée depuis quelques années déjà, qui laisse davantage place aux raisonnements économiques et à la prise en compte des effets réels et constatés de comportements concurrentiels.
[...] Ce que l'on peut désormais nommer la saga Microsoft débute le 7 juin 2004, lorsque la compagnie américaine Microsoft Corporation saisit le TPICE d'un recours en annulation de la décision rendue par la Commission Européenne le 24 mars 2004. Cette décision d'infliger une amende de 500 millions d'euros à Microsoft, au motif qu'il s'est rendu coupable d'abus de position dominante en violation de l'art TCE, intervient en clôture d'une procédure semi-contentieuse initiée dès 1998 par la Commission, sur une plainte d'un concurrent américain de Microsoft, Sun Microsystem, et visant à faire cesser l'abus constaté. [...]
[...] Le deuxième abus de position dominante de la part de Microsoft concerne la pratique des ventes liées, et occupe la seconde partie de l'arrêt. B'. Relatif aux ventes liées Le tribunal va d'abord définir les éléments constitutifs de la notion de vente liée abusive, avant de vérifier s'ils sont réunis en l'espèce. Les arrêts de principe antérieurs concernant cette problématique ont été rendus par la CJCE le 2 mars 1994, Hilti, et le 14 novembre 1996, Tetra Pak. Ils posent quatre conditions cumulatives : le produit liant et le produit lié sont deux produits distincts l'entreprise détient une position dominante sur le produit liant le consommateur n'a pas le choix d'obtenir le produit liant sans le produit lié la pratique restreint la concurrence En l'espèce, Microsoft subordonnait l'acquisition de son système d'exploitation Windows pour PC clients à l'acquisition parallèle de Windows Media Player, un logiciel multimédia. [...]
[...] Cette situation aggraverait le préjudice qui résulte déjà pour les consommateurs de la restriction apportée au développement de produits nouveaux. Les conditions de l'arrêt Magill sont ainsi réunies pour qualifier le refus d'abusif. Le tribunal conclut par le fait que le refus de livrer de Microsoft ne s'inscrit pas dans des circonstances exceptionnelles lui permettant d'échapper à la qualification d' abusif L'information concernée est en effet indispensable pour exercer une activité déterminée, comme l'atteste l'argumentation développée par le tribunal au sujet du degré d'interopérabilité (points 337 à 436). [...]
[...] Microsoft bénéficie ainsi d'un avantage artificiel, tandis que ses concurrents ne peuvent faire valoir les mérites de leurs produits (point 653). Le tribunal reprend ici dans une certaine mesure la thèse de la Commission selon laquelle le refus d'accorder une licence aux tiers s'inscrit dans des circonstances particulières liées au marché concerné et à la situation de super dominance de l'entreprise. Ces circonstances particulières justifient une extension de la jurisprudence IMS concernant le critère de l'apparition d'un produit nouveau. Enfin, le tribunal considère que le refus de livrer de Microsoft est dépourvu de justification objective (point 666 à 813). [...]
[...] Le bras de fer qui s'engagea par la suite entre les deux entités est comparable à l'affrontement d'un David politique, i. e. une Union en quête de légitimité tant sur le plan international que populaire, et aux prétentions largement en décalage avec ses moyens d'action effectifs, avec la tangibilité et l'énormité de la puissance économique d'une des plus grandes entreprises au monde, un Goliath financier. De cet affrontement autant politique que juridique, la Commission sortit vainqueur le 17 septembre 2007, par une confirmation de l'amende de 500 millions d'euros qu'elle avait infligée en 2004, dans un arrêt fleuve de 172 pages, attestant de la pénibilité du travail du TPICE pour délivrer ce jugement. [...]
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