La liberté d'exercer une activité professionnelle et la liberté de concurrence sont deux notions essentielles à la vie d'une entreprise. Cependant, la jurisprudence, principalement, est venue poser un cadre juridique en vue d'éviter les abus. Ainsi, afin qu'une clause de non-concurrence soit valide, elle doit cumulativement répondre à plusieurs conditions dont, depuis un arrêt du 10 juillet 2002, celle de la contrepartie pécuniaire.
En l'espèce, une société recrute en 1990 un salarié et en 1996 les parties insèrent une clause de non-concurrence, sans doute conforme à la jurisprudence de l'époque (on n'en sait pas plus). En revanche, la stipulation ne comporte pas de contrepartie pécuniaire, celle-ci n'étant pas encore exigée par la jurisprudence.
La question se pose alors de savoir si l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence peut s'appliquer rétroactivement à une clause pourtant valide à l'époque.
[...] Balance des intérêts, proportionnalité, telles sont les marges de manœuvre assez confortables que le juge se voit ainsi reconnaître. Une motivation s'inspirant de la solution qui vient d'être décrite, plus nuancée et moins brutale, aurait sans doute mieux convenu à l'arrêt du 17 décembre 2004. En effet, il n'est pas sûr que la sécurité juridique de l'employeur, ici l'anéantissement de la clause de non-concurrence, constitue un intérêt plus légitime que la liberté retrouvée de l'ancien salarié, dès lors que celui- ci ne se trouve pas indemnisé pour les restrictions conventionnelles à sa liberté d'entreprendre. [...]
[...] Elle annule en effet la clause de non-concurrence en raison de l'absence de contrepartie financière. La société forme alors un pourvoi auprès de la Cour de cassation. Celle-ci refuse en effet d'admettre que la validité de la clause ne soit pas appréciée au regard des règles de droit applicables au jour de sa conclusion mais au regard de règles fixées postérieurement par la loi ou la jurisprudence. Il invoque en ce sens la violation des articles 6 de la CESDH (toute personne a le droit à un procès équitable) et 2 du CC (non-rétroactivité des lois) et l'article 1134 du CC (force obligatoire du contrat). [...]
[...] Une critique est aussi possible en ce que nous sommes en matière contractuelle. En effet, dans un contrat, les parties consentent à un contenu bien déterminé, elles connaissent les garanties fournies par le cadre juridique tel qu'il existe au moment de la signature dudit contrat, c'est-à-dire au moment où elles ont échangé leur consentement. Or, en donnant effet rétroactif à l'arrêt, cela vient ajouter une obligation supplémentaire au contrat, obligation à laquelle les parties n'avaient pas initialement consenti. Par ailleurs, ce que la juridiction a dit une première fois, elle risque fort de le redire pour tous les autres litiges qui lui seront soumis. [...]
[...] Mais cet argument peut aussi se retourner contre l'employeur par une interprétation a contrario du texte. La norme jurisprudentielle peut en effet être lue comme ayant un effet rétroactif quasiment par nature. Le juge étant amené à statuer sur des faits qui se sont par définition déjà déroulés, l'application qu'il leur fera de la loi par la voie du syllogisme ne peut que remonter dans le passé jusqu'à eux, pour s'en saisir. De sorte que, par nature, une décision de justice est rétroactive, c'est-à-dire qu'elle revient en arrière, en vue de dire le droit relativement à ce qui s'est passé et sur lequel les parties se disputent. [...]
[...] Par conséquent, si les juges de 1ere instance ont trouvé bon d'exiger une contrepartie pécuniaire et ce, avant même les arrêts de revirement, l'on peut aisément penser que la durée de la clause devait être importante, rendant ainsi vénielle la critique formulée certains auteurs. Devant cette multiplicité de critiques, la doctrine estime que certains aménagements sont nécessaires pour permettre une meilleure acceptation de la rétroactivité des décisions juridictionnelles. B Une solution devant être aménagée Il s'agit ici d'évoquer le rapport de M. Molfessis qui entend réserver à la Cour de cassation l'aménagement dans le temps des revirements. [...]
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