Cour de cassation, 1re chambre civile, 5 juillet 2006 — L'acte de dénigrement de produits, services ou prestations

Extraits

[...] Sur le second moyen, la Cour de cassation confirme l'arrêt d'appel qui a jugé que l'assimilation du vin du Groupement foncier agricole à un « picrate », soit un vin de mauvaise qualité, qualifié « d'imbuvable » s'apparent à un dénigrement manifestement excessif dans la mesure où ces vins avaient été régulièrement récompensés, avaient fait l'objet d'une dégustation organisée , ne méritaient pas le qualificatif de picrate à peine buvable et où l'appréciation avait été portée de manière péremptoire sans détailler les qualités et les défauts gustatifs de ce vin. La Cour de cassation retient qu'au moment de la parution des articles de presse litigieux, l'éditeur n'avait pas vérifié ces informations, de sorte que le journal avait manqué de prudence et de modération. En conséquence, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par que la société LM DEVELOPPEMENT. [...]

[...] Ainsi, en retenant la qualification de dénigrement, la Cour de cassation écarte les dispositions sur la liberté de la presse et porte nécessairement une atteinte à la liberté d'expression des journalistes. [...]

[...] Si la Cour de cassation retient la qualification de l'acte de dénigrement force est de constater qu'une telle appréciation est discutable (II). Une qualification délicate de l'acte de dénigrement au regard de la notion de diffamation La Cour retient que la critique litigieuse du vin constitue un acte de dénigrement alors que la qualification de diffamation était envisageable Une critique litigieuse du vin constitutif d'un acte de dénigrement L'acte de dénigrement est une construction jurisprudentielle fondée sur les articles 1382 et suivants anciens du Code civil relatifs au droit de la responsabilité civile délictuelle. [...]

[...] En l'espèce, la société LM DEVELOPPEMENT soutenait à cet égard que les articles relevaient de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et non l'article 1382 du Code civil, ce qu'a rejeté la Cour d'appel de Lyon et la Cour de cassation. En effet, la Cour retient que dès lors que les allégations ne contenaient pas de critiques à l'encontre de la personne de Monsieur la qualification de diffamation était exclue et par conséquence, l'application des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 également. La qualification de diffamation relevant de la loi du 29 juillet 1881 tandis que celle de dénigrement relevant des articles 1382 du Code civil. [...]

[...] Une distinction ténue entre dénigrement et diffamation au regard de l'objet de la critique La qualification de l'acte de dénigrement est parfois difficile compte-tenu des autres actes de concurrence déloyale telle que la diffamation qui peuvent parfois se confondre avec la qualification de l'acte de dénigrement. La distinction entre dénigrement et diffamation porte sur l'objet de la critique. Pour être constitutive d'un acte de dénigrement, la critique doit porter sur les produits ou les services commercialisés par l'entreprise. A contrario, lorsque la critique porte sur une personne, il s'agit de la diffamation. En l'espèce, les articles litigieux portaient à la fois sur la qualité du vin mais également sur Monsieur exploitant du groupement foncier agricole. [...]