Réunie le 6 février 2004, la Section du contentieux du Conseil d'Etat a, par une décision rendue publique le jour même, statué sur plusieurs requêtes par lesquelles était contestée la décision du 5 juillet 2002 du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie autorisant la reprise par la société SEB des activités de la société Moulinex sur le marché français du petit équipement électroménager.
La société Moulinex a été placée en redressement judiciaire. L'un de ses concurrents, la société SEB a déposé une offre de reprise soit propose de racheter des parts de la société. Mais, cette offre de reprise entraîne comme conséquence que l'on entre dans le domaine d'application des concentrations de dimension nationale, les seuils requis étant franchis. Ainsi, plusieurs controverses vont naître de cette proposition de fusion, car le risque est la création d'une position dominante qui pourrait s'avérer être abusive.
Le 22 octobre 2001, le tribunal de commerce de Nanterre est saisi par la société SEB pour agréer son offre de reprise de la société Moulinex. Le TC accepte le plan de cession partielle proposé par la société SEB.
Saisie par ladite société de cette opération de concentration d'entreprises, la Commission européenne, le 13 novembre 2001, autorise la société SEB de n'assortir son offre d'aucune condition suspensive. Toutefois, elle estime que la théorie de l'entreprise défaillante ne trouve pas à s'appliquer à la concentration SEB/Moulinex. Mais, sur le fondement de l'article 9 paragraphe 2 du Règlement du 21 décembre 1989, la Commission européenne renvoie aux autorités nationales françaises l'appréciation des effets de cette fusion sur le marché intérieur.
[...] Vers une transformation du droit des concentrations On observe une transformation du droit des concentrations. La dimension politique du droit des concentrations tend à disparaître. Désormais, le droit des concentrations n'est plus réglé par le ministère de l'Économie mais par l'autorité de la concurrence (droit des concentrations interne). Cependant, cette solution qui a été avalisée en France par la loi LME, intervient un peu à contre temps parce qu'on observe depuis quelques mois, le contraire soit un retour en force de l'Etat dans l'économie. [...]
[...] Ainsi, le ministre retient l'exception de l'entreprise défaillante sans condition particulière. Il ne formule aucune opposition. Certes, il y a une position dominante de l'ensemble créé à l'issue de la fusion mais cette situation ne crée pas davantage de dommages pour les consommateurs que ceux résultant de la disparition des actifs de Moulinex. On prend donc en considération l'intérêt des consommateurs. Cette exception ne repose sur aucun texte mais elle repose sur une pratique admise par l'ensemble des autorités de régulation de la concurrence. [...]
[...] Il ne formule alors aucune opposition à la concentration, car il autorise l'exception de l'entreprise défaillante. En effet, selon ce principe, l'autorité de contrôle n'a pas à s'opposer à une opération de concentration dès lors qu'il apparaît que la création ou le renforcement de la position dominante est, non pas imputable à l'opération de concentration en elle- même, mais est, en réalité, rendue inévitable par la disparition de l'entreprise. En effet, on comprend qu'il est préférable dans l'intérêt des consommateurs que les parts de marché de l'entreprise défaillante, en l'espèce, les parts de la société Moulinex soient reprises par un concurrent, même disposant d'un pouvoir de marché important, plutôt qu'elles ne débouchent sur une offre insatisfaite. [...]
[...] Le Conseil, en effet, relève que la réalisation du goulet d'étranglement invoquée par le ministre est peu vraisemblable. Compte tenu, d'une part, des caractéristiques technologiques des produits en cause et d'autre part, de l'existence de capacités de production immédiatement ou rapidement mobilisables par les concurrents, ceux-ci auraient été en mesure probablement de fournir rapidement les quantités nécessaires pour pallier la disparition des produits Moulinex. Il prétend alors que l'interruption temporaire de l'activité de 2001 ne se serait pas produite en cas de disparition totale, sans reprise par SEB, de Moulinex. [...]
[...] Autrement dit, la fusion SEB/Moulinex est-elle valable au regard du droit français, la théorie de l'entreprise défaillante peut-elle être défendue en l'espèce ?Selon le Conseil d'Etat, l'exception de l'entreprise défaillante peut être écartée pour absence de motifs conséquents de la part du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Le Conseil adopte une vision à long terme contrairement au ministre. Mais, l'essentiel est que par cet arrêt, le principe de l'exception de l'entreprise défaillante est reconnu en droit français.Ainsi, après avoir commenté dans une première partie l'application contestée de la théorie de l'entreprise défaillante du fait d'une condition défectueuse il conviendra de souligner l'intérêt d'un tel arrêt, plus précisément, les conséquences de cette décision en droit national français (II). [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture