Nul n'est censé ignorer la loi.
« Cet adage, essentiel au fonctionnement d'un Etat de droit, oblige l'administration à diffuser le plus largement possible les normes juridiques » 1.
C'est dans ce but que les Journaux Officiels ont été créés sous la forme de régie en 1880.
Mais l'essor des nouveaux moyens de communication a contraint l'Etat à revoir les modalités de la diffusion des normes juridiques. Il ne pouvait plus se contenter de « supports papier ».
En 1984, un service public industriel et commercial des bases de données juridiques, le Centre National d'Informatique Juridique (le CNIJ) a été créé. Il était chargé de « rassembler et de mettre sous forme de bases ou de banque de données informatisées en vue de leur consultation par voie télématique »2 la production jurisprudentielle et normative française et communautaire.
En 1993, le CNIJ a été dissout. La Direction des Journaux officiels s'est alors vu chargée du recueil et de la production de bases de données. Mais la diffusion télématique et la commercialisation de ces bases de données juridique était confiée à un concessionnaire : la société ORT.
Tel était le fonctionnement du service public des bases de données juridiques lorsque le décret du 31 mai 1996 est intervenu « afin notamment de tenir compte des nouveaux moyens de communication »3.
Avant même d'analyser le service public des bases de données juridiques, il convient de définir la notion de service public en général. Il s'agit de l' « activité d'intérêt général assurée ou assumée par une personne publique, et régie au moins partiellement par des règles de droit public »4.
Dans son arrêt du 17 décembre 1997, le Conseil d'Etat a eu à connaître de la légalité du décret du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques.
En l'espèce, l'ordre des avocats à la cour de Paris contestait la légalité du décret, se fondant sur des moyens de légalité interne et de légalité externe. Le requérant dénonçait une atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, au droit à l'information et au droit d'auteur. En outre, il invoquait une violation de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et de la loi du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin ». Enfin, l'ordre des avocats à la cour de Paris invoquait l'incompétence du pouvoir réglementaire ainsi que diverses atteintes au droit de la concurrence.
Suivant les conclusions du commissaire du Gouvernement Combrexelle, le Conseil d'Etat va rejeter la requête de l'ordre des avocats à la cour de Paris, considérant tous les moyens inopérants.
Il convient dès à présent d'écarter les moyens dont l'analyse ne présente pas grand intérêt : en effet, nous cantonnerons notre étude aux moyens tirés de la violation de l'article 34 de la Constitution (et partant, de la liberté du commerce et de l'industrie) et aux moyens tirés du droit de la concurrence. Ils ne constituent pas des revirements de jurisprudence à proprement parler mais ils attestent de la volonté du juge administratif de « faire le point » et de se « positionner » sur certaines questions délicates et non encore résolues.
Sur quelles questions l'arrêt rendu le 17 décembre 1997 dans l'affaire « Ordre des avocats à la cour de Paris » permet-il au juge administratif de se prononcer?
Le Conseil d'Etat reconnaît l'existence d'un « service public par nature » et en tire diverses conséquences (I) avant de confronter ce service public des bases de données juridiques à un corpus de règles émergeant : le droit public de la concurrence (II).
[...] Le Conseil d'Etat reconnaît l'existence d'un service public par nature et en tire diverses conséquences avant de confronter ce service public des bases de données juridiques à un corpus de règles émergeant : le droit public de la concurrence : Herbert Maisl, La diffusion des données publiques ou le service public face au marché de l'information AJDA 1994, page : Décret du 24 octobre 1984 créant le Centre National d'informatique juridique 3 : Note de B. Jorion sous CE 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris, Dalloz 1998 page : Dictionnaire de droit administratif, A. Van Lang, G. [...]
[...] Dans l'ordre juridique interne, c'est l'ordonnance du 1er décembre 1986 (aujourd'hui codifiée dans le Code de commerce) qui énonce les règles de concurrence. Quelques semaines avant de se prononcer sur la légalité du décret du 31 mai 1996, le Conseil d'Etat avait rendu un arrêt qui avait fait couler beaucoup d'encre : l'arrêt Million et Marais5. Dans cette affaire, se conformant aux exigences de la jurisprudence communautaire6, le juge administratif va énoncer l'obligation pour les autorités publiques d'éviter de permettre aux entreprises de porter atteinte aux règles de concurrence. [...]
[...] Conseil d'Etat 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris Nul n'est censé ignorer la loi. Cet adage, essentiel au fonctionnement d'un Etat de droit, oblige l'administration à diffuser le plus largement possible les normes juridiques 1. C'est dans ce but que les Journaux Officiels ont été créés sous la forme de régie en 1880. Mais l'essor des nouveaux moyens de communication a contraint l'Etat à revoir les modalités de la diffusion des normes juridiques. Il ne pouvait plus se contenter de supports papier En 1984, un service public industriel et commercial des bases de données juridiques, le Centre National d'Informatique Juridique (le CNIJ) a été créé. [...]
[...] En effet, l'ordre des avocats dénonce une violation de l'article 34 de la Constitution. Il convient de noter que le décret attaqué ne crée pas stricto sensu le service public des bases de données, il reprend tout en l'adaptant 2 le régime du service public en question. Comme le souligne le juge, le décret attaqué n'a pas d'autre objet que d'organiser le service public Le Conseil Constitutionnel admet que l'organisation et la gestion du service public relèvent du législateur lorsque la compétence de création est législative 3. [...]
[...] Mais il ressort de la jurisprudence administrative que les exigences de neutralité et d'objectivité dépassent le seul cadre du service public des bases de données. En effet, le juge administratif avait déjà posé le principe de neutralité, notamment en matière de publication officielle 4. Il avait également déjà cité le principe d'objectivité dans sa jurisprudence. Enfin, le Conseil d'Etat confirme le principe d'égalité d'accès. Très tôt, le principe d'égalité devant le service public a été énoncé de manière générale par le juge administratif 5. [...]
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