Le refus d'octroyer une licence pour l'utilisation d'un produit protégé par le droit d'auteur peut-il être constitutif d'un abus de position dominante au sens de l'art. 86 TCE ?
En suivant la solution donnée par la Commission et par le TPICE, la Cour retient l'abus de position de dominante, dans un arrêt qui n'a pas manqué de susciter de vives réactions, tant en sa faveur qu'en sa défaveur.
Ainsi, si le raisonnement de l'arrêt apparaît pour les défenseurs de la propriété intellectuelle comme le moyen pour le juge communautaire d'outrepasser ses compétences (I), la logique de l'arrêt se détache en fait totalement de celle du droit d'auteur, en faisant application de la théorie, dégagée par la jurisprudence en matière d'abus de position dominante, dite « des facilités essentielles » (II)...
[...] Il s'agit donc de délimiter le marché pertinent puis d'examiner quelle est la place de l'entreprise en cause par rapport à ses concurrents. Suivant l'analyse adoptée par le TPICE, la Cour a défini le marché pertinent comme celui des informations servant à confectionner les grilles de programmes de télévision Puis, la Cour s'est attachée à la position des trois chaînes de télévision sur ce marché. Le juge communautaire a défini la position dominante dans son arrêt Michelin Commission, du 9 novembre 1983, comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants [ ] vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs Après avoir rappelé que le simple fait d'être titulaire d'un droit de propriété intellectuelle ne confère pas automatiquement une position dominante (CJCE juin 1971, Deutsche Grammophon), le juge de Luxembourg constate que les trois requérantes détiennent un monopole de fait sur les informations servant à confectionner les grilles de programmes, qui découle directement de la protection par le droit d'auteur. [...]
[...] Pour faire application de l'art TCE, que le juge a considéré comme applicable en matière de libre-concurrence depuis son arrêt Grundig de 1966, le juge communautaire a dû établir des règles qui permettent de distinguer les comportements qui relèvent de l'exception à la libre circulation de ceux qui sont prohibés. En matière de propriété intellectuelle, plusieurs théories ont été dégagées, mais une d'entre elles se dégage particulièrement lorsqu'il s'agit d'apprécier un abus de position dominante, comme en témoigne l'arrêt commenté. Il s'agit de la théorie, dite des restrictions inhérentes, qui consiste à distinguer l'existence de l'exercice du droit de propriété intellectuelle. Cela permet une répartition des compétences, puisque l'existence du droit relève de la compétence exclusive des Etats membres, tandis que l'exercice de ce droit relève du droit communautaire. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de la CJCE en date du 6 avril 1995 RTF Commission : l'affaire Magill INTRODUCTION Le droit communautaire de la concurrence et le droit de propriété intellectuelle entretiennent des relations difficiles qui s'expliquent par leur objectif respectif. En effet, alors que le premier tend à assurer une concurrence praticable sur le territoire communautaire, notamment en prohibant l'exploitation abusive d'une position dominante, l'essence même d'un droit de propriété intellectuelle est de conférer un monopole. La conciliation entre ces deux systèmes est donc nécessaire. [...]
[...] Dans l'arrêt Magill, le juge retient des éléments supplémentaires qui confortent sa décision, tels que la présence des chaînes de télévision sur le marché dérivé ainsi que l'obstacle à un produit nouveau qui fait l'objet d'une demande des consommateurs. Il faut bien comprendre qu'une fois ces conditions réunies, l'abus de position dominante est constitué en soi, peu importe qu'il existe un droit de propriété intellectuelle. C'est l'objectif d'une concurrence non faussée qui prévaut sur la situation légale car il constitue une liberté fondamentale inscrite dans le Traité. [...]
[...] Ensuite, il est reproché au juge communautaire de s'être immiscé dans la définition de l'objet protégé par le droit d'auteur. Le comportement abusif des chaînes de télévision est caractérisé par le fait qu'elles se sont prévalues du droit exclusif qui leur accordait au titre du droit d'auteur pour empêcher la publication du guide hebdomadaire. Or, le refus d'octroyer une licence du produit protégé est en principe un comportement normal pour le titulaire d'un droit d'auteur. Le droit de reproduction, dont découle le droit de refuser une licence d'exploitation, fait partie de l'objet spécifique du droit d'auteur, c'est à dire qu'elle constitue une des prérogatives essentielles nécessaire à la protection de l'œuvre, et qui conditionne donc l'existence du droit d'auteur. [...]
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