La société Z est à la tête d'un réseau de franchise constitutif de l'une des principales enseignes sur le marché national très concurrentiel de la vente au détail de vêtements pour enfants grand public. Des conventions entre la société Z et ses franchisés contiennent des clauses qui sont constitutives d'une pratique anti-concurrentielle d'entente. Le réseau de franchise concerné par ces clauses d'entente détient 2,7 % du marché de la vente au détail de vêtements pour enfants. Le 24 mars 1992, le ministre de l'économie et des finances décide de saisir le Conseil de la concurrence sur le fondement de pratiques illicites restrictives de concurrence.
La société Z est condamnée par un une décision rendue le 28 mai 1996. Elle décide alors de former un recours en annulation, et subsidiairement un recours en reformation, devant la Cour d'appel de Paris. Celle-ci, dans un arrêt rendu le 18 mars 1997, confirme la décision rendue par le Conseil de la concurrence au motif que le réseau de franchises concerné par ces clauses restrictives de concurrence, représentant 2,7 % du marché concerné et Z en étant une des principales enseignes, porte atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence. La société Z décide de former un pourvoi en cassation.
Elle fait grief à la Cour d'appel de ne pas avoir apprécié l'atteinte portée au libre jeu de la concurrence en considération de la portée des clauses litigieuses sur le marché pertinent concerné. Elle estime que cette atteinte était trop faible pour faire l'objet d'une condamnation sur le fondement de l'article L420-1 du Code de commerce prohibant les ententes.
Il était ainsi demandé à la Cour de cassation de trancher la question de savoir si un agent économique détenant 2,7 % d'un marché, et ayant des pratiques constitutives d'entente, porte t-il atteinte de façon sensible au libre jeu de la concurrence ?
Dans son arrêt rendu le 12 janvier 1999, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Z au motif qu' « en l'absence de toute définition légale ou réglementaire d'un seuil de sensibilité, il appartient aux juridictions saisies de vérifier dans chaque cas d'espèce si l'effet potentiel ou avéré des pratiques incriminées est de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné ». Autrement dit, cet arrêt affirme donc que la détermination du seuil de sensibilité au delà auquel une entente est prohibée constitue une question de fait qu'il appartient aux juges du fond de trancher souverainement dans chaque espèce.
La notion de seuil de sensibilité est une création jurisprudentielle (I) dont la détermination permet d'apprécier l'impact d'une entente sur le libre jeu de la concurrence sur un marché déterminé (II).
[...] La détermination du marché pertinent La détermination du marché pertinent, indispensable à la future détermination de l'impact d'une entente sur la concurrence, est une analyse qui s'effectue en trois étapes par les juges du fond. Dans l'arrêt commenté, la Chambre commerciale de la Cour de cassation relève clairement que les juges du fond ont suivi ces étapes. Ils ont d'abord déterminé le bien en cause en appréciant sa subsidiarité avec d'autres biens ou services. En l'espèce, il s'agit de vêtements pour enfants. [...]
[...] Il faut rappeler que l'idée de la condamnation de l'atteinte à la concurrence portée par une entente en appréciation d'un tel seuil est d'origine communautaire. B. Une jurisprudence d'influence communautaire L'arrêt commenté s'inscrit dans une évolution jurisprudentielle au niveau communautaire. C'est la Cour de Justice des Communautés Européennes qui, dans l'arrêt Volk rendu le 9 juillet 1969, a été la première juridiction à affirmer que l'atteinte à la concurrence ne tombe sous le coup de la prohibition de l'article 81 du Traité de Rome que si elle affecte le marché en cause de manière sensible. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt Cass. Com janvier 1999 La société Z est à la tête d'un réseau de franchise constitutif de l'une des principales enseignes sur le marché national très concurrentiel de la vente au détail de vêtements pour enfants grand public. Des conventions entre la société Z et ses franchisés contiennent des clauses qui sont constitutives d'une pratique anti-concurrentielle d'entente. Le réseau de franchise concerné par ces clauses d'entente détient du marché de la vente au détail de vêtements pour enfants. [...]
[...] En l'espèce, les juges ont estimé que ce seuil était atteint en dépit des contestations formulées par la société Z. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a refusé de se prononcer sur la juste estimation de ce seuil par les juges du fond. Il s'agit en effet d'une appréciation in concreto effectuée en dehors de tout disposition légale ou réglementaire. [...]
[...] Ils en ont donc déduit qu'il s'agissait d'une des principales enseignes présentes dans la mesure ou dans un marché très concurrentiel et atomisé il est très difficile de détenir une part significative. A ce stade, les juges n'ont encore opéré aucune analyse de l'impact du comportement de la société Z sur le libre jeu de la concurrence sur le marché pertinent. Ils doivent déterminer le seuil de sensibilité à partir duquel un agent économique mettant en place des accords d'ententes restreint de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné du fait des parts de marché qu'il détient. [...]
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