La distinction entre l'association et la forme sociétaire peut s'avérer difficile à appréhender surtout lorsque les moyens mis en place pour leurs développements semblent similaires à bien des égards. L'arrêt dit « ADMR » de la chambre sociale en date du 8 juillet 1992 confirme le mouvement d'extension du rôle et des moyens donnés aux associations en reconnaissant que celles-ci pouvaient rechercher à faire des bénéfices.
En l'espèce, une association avait engagé des infirmières. Dans le contrat de travail, il était stipulé une clause de non-concurrence qui prévoyait que les salariées s'engageaient à ne pas s'installer à leur compte dans une limite spatio-temporelle prédéfinie. Après démission des infirmières, l'association les assigna devant la juridiction prud'homale pour violation de la clause de non-concurrence.
Les juges du fond accueillirent la demande de l'association en reconnaissant la validité du principe de non-concurrence. Les infirmières se pourvurent en cassation au motif que la cour d'appel avait violé l'article 6 du Code civil et les articles 8, 11 et 14 en n'appréciant pas la validité de la clause de non-concurrence au regard du concept de la liberté du travail consacré par la Constitution française et par la Convention européenne des droits de l'Homme. De plus, les demandeurs invoquèrent le fait que l'association d'aide à domicile en milieu rural, par son objet, ne pouvait prétendre exercer une activité à caractère commercial ni disposer d'une clientèle.
Cet arrêt pose la question des limites aux bénéfices possibles que peuvent faire les associations. A maxima, il conviendra de se demander quelles sont les distinctions entre l'association et la forme sociétaire.
[...] La cour de cassation évite le sujet en officialisant la notion de recherche de profit, et en reconnaissant qu'une association pouvait faire l'objet d'une concurrence. Cette reconnaissance rapproche davantage les deux notions. Un rapprochement par la reconnaissance d'une possible concurrence La solution de la cour de cassation énonce : l'activité d'une entreprise peut faire l'objet d'une concurrence Elle répond aux arguments invoqués par les demandeurs au pourvoi selon lequel, une association caritative créée par des religieuses aux fins de porter secours et assistance à des personnes démunies ou âgées habitant en milieu rural, et dont l'action est entièrement désintéressée, ne peut prétendre exercer une activité à caractère commercial, ni disposer d'une clientèle La clientèle est définie comme l'ensemble des personnes qui sont en relations d'affaires avec un professionnel. [...]
[...] Ainsi, la barrière entre l'association et la société est de plus en plus perméable. Les points communs sont nombreux, la différence tient lieu uniquement dans le partage des bénéfices. Or, la cour de cassation reconnaît de plus en plus le caractère économique de l'association. Par conséquent, on peut se demander si le dernier critère restera encore longtemps. Il conviendrait de s'interroger quant aux différences avec les autres groupements : les coopératives et les groupements d'intérêts économiques. [...]
[...] On peut penser que la réponse réside peut-être dans l'ambition, pour les juges, d'officialiser un rapprochement des moyens utilisés par la société et par l'association pour se développer. Quoi qu'il en soit, on peut craindre de ce flou juridique des dérives possibles en ce qui concerne la qualification des formes sociétaires. En effet, il semble concevable qu'une société qui veuille se qualifier association (pour des avantages) puisse facilement se fonder sur ce flou en prouvant qu'elle fait un profit de l'économie ou une recherche de profit et en détournant le principe de répartition du profit entre les associés. [...]
[...] Par conséquent, l'activité économique voudrait dire l'activité relative à la distribution de richesse. Cependant, on sait que l'objet social de l'association n'est pas la répartition des bénéfices entre les associés. De ce fait, il convient de se demander si la barrière entre l'association et la société n'est pas devenue obsolète ? De la même façon, n'y a t'il pas uniquement des sociétés ? De la même manière, les demandeurs au pourvoi tentaient de démontrer que l'association n'avait pas de caractère commercial. [...]
[...] De la même manière, la clause de non-concurrence est issue des sociétés. Selon le vocabulaire juridique le cornu : la clause de non-concurrence est la clause figurant généralement dans le contrat de vente d'un fonds de commerce ou artisanal ou de cession d'une clientèle civile Il est à noter que la cour de cassation reconnaît implicitement la possibilité d'une clause de non-concurrence dans un contrat d'embauche dans une association mais n'évoque pas la clientèle. Cela semble aller dans le même sens que l'évocation de l'activité économique et non de l'activité commerciale Cette reconnaissance pose des problèmes d'ordre éthique et moral. [...]
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