Selon les dires de la cour de cassation « les principes de la convention européenne ont bouleversé la manière de dire le droit en France » et c'est par un arrêt de l'Assemblée du Conseil d'Etat en date du 3 décembre 1999, arrêt Didier que la haute juridiction administrative a du se prononcer sur l'applicabilité de cette convention. L'article 6 de la CEDH dans sa première phrase énonce que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
En l'espèce, M. Didier a fait l'objet, pour des opérations qui lui étaient reprochées, d'une décision du conseil des marchés financiers statuant en matière disciplinaire et saisi par la commission des opérations de bourses, lui retirant sa carte professionnelle pour une période de six mois et lui infligeant une sanction pécuniaire de cinq millions de francs. Contestant cette décision M. Didier a formé un pourvoi devant le Conseil d'Etat compétent en premier et dernier ressort par un recours de plein contentieux.
A l'appui de son pourvoi, il soutient tout d'abord, sur le moyen principal, que la participation du rapporteur aux débats et au vote du Conseil des marchés avait méconnu les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reconnaissant le droit pour toute personne à un procès équitable, et en particulier à un tribunal impartial. Ensuite, le deuxième moyen du pourvoi est tiré d'une violation des droits de la défense faute pour le rapporteur d'avoir versé au dossier un certain nombre de documents recueillis durant ses investigations. En dernier lieu, M. Didier soutient que l'amende de 5 millions de francs qui lui a été infligé excédait le plafond fixé par l'article 6 de la loi du 2 juillet 1996 à « quatre cent mille francs ou au triple des profits éventuellement réalisés ».
Au travers du grief d'impartialité, l'affaire Didier soulevait la question de l'application de l'article 6, §1 de la convention européenne des droits de l'homme aux autorités administratives disposant d'un pouvoir de sanction.
Rejetant la requête de M. Didier, le conseil d'état a jugé que la participation du rapporteur aux délibérations par lesquelles le conseil des marchés financiers, statuant en matière disciplinaire, prononce des sanctions à l'encontre des professionnels des marchés réglementés ne méconnaît pas les stipulations de l'article 6-1 CEDH. Bien que le conseil des marchés financiers ne soit pas une juridiction au sens du droit interne mais une autorité administrative indépendante, le Conseil d'Etat a considéré que, dans la mesure où la formation disciplinaire du conseil des marchés financiers décide du bien-fondé d'accusation en matière pénale au sens de l'article 6-1 CEDH, le principe d'impartialité, qui figure au nombre des garanties instituées ou rappelées par cet article, devait s'appliquer dès le stade du prononcé de la sanction par cette autorité administrative. En l'espèce, pour statuer comme il l'a fait, le Conseil d'Etat s'est livré à un examen très précis des pouvoirs du rapporteur devant cet organisme. Quant aux moyens secondaires, le Conseil d'Etat n'a retenu ni le moyen tiré sur l'erreur de fait, ni celui tiré de la violation des droits de la défense ni celui tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le conseil des marchés financiers dans l'application de l'article 69 de la loi du 2 juillet 1996 et a affirmé que » c'est à bon droit que le conseil des marchés financiers a pris pour base le montant des profits réalisés lors de la revente par la SNC Dynabourse arbitrage des titres non apportés à l'offre publique d'achat, en le rapportant à la part détenue par M. Didier dans le capital de cette société ».
Cette décision du Conseil d'Etat marque clairement une évolution de la position du conseil d'Etat en ce qui concerne l'interprétation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme et l'application du principe d'impartialité. Si pendant un temps le Conseil d'Etat a considéré que les juridictions disciplinaires étaient hors du champ de l'article 6-1, il a fini par prendre acte du refus de la Cour européenne des droits de l'homme de tenir compte de ses réticences. Statuant également le même jour en assemblée (Caisse de crédit mutuel de Bains-Tresboeuf) et en section (arrêt Leriche) le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la présence du rapporteur au délibéré de la Commission de L'informatique et des libertés et de la section disciplinaire de l'ordre des médecins avec le principe d'impartialité rappelé par le dit article 6-1. Mais force est de constater que cette attitude pragmatique du Conseil d'Etat n'est pas celle retenue par la cour de cassation, qui, se passionne pour défendre une interprétation très extensive de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Par son arrêt du 3 décembre 1999 le Conseil d'Etat chercha à fermer le jeu et à poser des règles essentielles. Le conseil d'Etat a ainsi contribué à déterminer en matière administrative l'applicabilité de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de L'homme (I) avant de se pencher sur le principe d'impartialité et son assise nuancée (II).
[...] La participation du rapporteur au délibéré n'est pas contraire au principe d'impartialité selon le conseil d'Etat. Le principe d'impartialité s'applique donc aux autorités administratives mais ne recouvre pas les mêmes exigences selon qu'il est apprécié par le Conseil d'Etat au regard du droit interne ou par la cour de cassation au regard de l'article 6-1 de la convention EDH. Une profonde divergence entre les juridictions administratives et judiciaires quant à la portée du principe α) Actuellement, un étonnant débat a lieu entre le Conseil d'Etat et la cour de Cassation sur la portée du principe d'impartialité. [...]
[...] En affirmant que le conseil des marchés financiers, lorsqu'il exerce son pouvoir de sanction disciplinaire, décide du bien fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations de la Convention EDH, le Conseil d'Etat abandonne le critère organique de juridiction qu'il privilégiait jusqu'alors et qui le conduisait à juger l'article 6 inapplicable à une décision n'émanant pas d'une juridiction et, partant, aux autorités administratives prononçant des sanctions. Cette position de principe avait d'ailleurs été formulée avec netteté dans son avis du 31 mars 1995. β) En application de l'article 69 de la loi du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers peut prononcer des sanctions disciplinaires. [...]
[...] L'article 6 de la CEDH dans sa première phrase énonce que Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle En l'espèce, M. Didier a fait l'objet, pour des opérations qui lui étaient reprochées, d'une décision du conseil des marchés financiers statuant en matière disciplinaire et saisi par la commission des opérations de bourses, lui retirant sa carte professionnelle pour une période de six mois et lui infligeant une sanction pécuniaire de cinq millions de francs. Contestant cette décision M. Didier a formé un pourvoi devant le Conseil d'Etat compétent en premier et dernier ressort par un recours de plein contentieux. [...]
[...] La jurisprudence du Conseil d'Etat relative à l'application de l'article 6 hors les juridictions ordinaires doit donc être perçue sous un nouvel angle. En effet, lorsque la matière en litige ressort du champ civil ou pénal de l'article les garanties de l'article 6 n'ont pas à être respectées par les organismes dont les décisions relèvent du conseil d'Etat mais elles doivent l'être par les organismes dont les décisions relevant du conseil d'Etat par la voie de cassation, ne font pas l'objet d'un contrôle de pleine juridiction. [...]
[...] En effet, dans son arrêt du 5 février 1999, la cour de cassation a censurée la participation du rapporteur au délibéré. Le 5 octobre 1999, un deuxième arrêt dans le même sens concernait le conseil de la Concurrence ; la participation au délibéré du rapporteur était jugée contraire au principe d'égalité des armes entre les parties alors que le rapporteur avait voix délibératives par les textes et le conseil de la concurrence s'est incliné, le rapporteur et le rapporteur général ne sont plus présents au délibéré. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture