Suite à un décès, nombreuses sont les personnes qui s'interrogent sur les mesures juridiques et fiscales en matière de succession : Qui sont les héritiers ? Comment s'effectue le partage du patrimoine du défunt ? Dans quelle(s) proportion(s)? Ces questions peuvent parfois provoquer des conflits familiaux car certains héritiers peuvent se sentir lésés au détriment d'autres. De même, certaines familles peuvent se trouver dans l'incapacité d'acquitter les droits, ce qui peut entraîner la vente d'une partie du patrimoine familial. Le conjoint survivant est d'autant plus concerné par ces interrogations. En effet, le droit français privilégie les liens du sang et les héritiers sont ainsi classés par ordre de parenté avec le défunt. Par conséquent, le conjoint serait amené à être exclu de la succession et pourrait se voir expulsé du logement familial et n'obtenir aucun droit.
La loi du 3 décembre 2001 a considérablement amélioré la situation du conjoint survivant sur trois points. Dans un premier temps, elle lui a attribué une nouvelle place successorale : d'une part, le conjoint évince désormais les ascendants ordinaires (grands-parents, arrière-grands-parents…) et les collatéraux privilégiés (frères, sœurs et leurs descendants) et ordinaires (oncles, tantes, cousins, cousines…), d'autre part, le conjoint survivant hérite toujours lorsqu'il se trouve en présence de descendants (enfants, petits-enfants) et d'ascendants. Depuis le 1er juillet 2002, le conjoint devient également héritier réservataire du quart de la succession (Art. 752-2, 757-2 et 914-1du Code civil) en l'absence d'enfant(s) et lorsque les parents sont décédés. Par ailleurs, la quotité des droits a été réévaluée à la hausse et le conjoint peut jouir de droits en pleine propriété et d'une option successorale en présence d'un ou plusieurs enfants communs. Enfin, par l'attribution de droits relatifs à l'habitation principale, le conjoint est protégé car il peut choisir de rester dans le logement familial.
Même si certaines de ces dispositions ont permis d'améliorer la situation du conjoint, cette réforme est encore perfectible. Bien que le conjoint survivant soit appelé à la succession, il n'appartient à aucun des ordres définis par l'article 734 du Code civil pour les successions ouvertes depuis le 1er juillet 2002 et n'a toujours pas obtenu la qualité d'héritier réservataire en présence ascendants privilégiés et de descendants. De plus, en présence d'enfants communs, il a la possibilité de recevoir tout l'usufruit là où auparavant il ne recevait qu'un quart, ses droits ont automatiquement été multipliés par quatre ! De même, en présence d'un parent, il verra ses droits augmentés de 50% ! Les modifications apportées par la réforme peuvent donc engendrer des contraintes financières. Toutefois, peut-on considérer que la forte imposition des droits de succession est liée à d'autres dispositifs ?
Le régime fiscal des mutations à titre gratuit est grevé par des incohérences et des dysfonctionnements. De nombreuses modifications ont été entreprises pour la réévaluation des barèmes mais aucune réforme d'ensemble n'a été effectuée : l'augmentation du nombre de tranches sans réévaluation simultanée des tranches préexistantes et le phénomène d'érosion monétaire ont pour conséquence de défavoriser les successions inférieures à 7 600 €. De plus, des taux marginaux d'imposition et des abattements non indexés sur l'indice des prix à la consommation sont à l'origine du manque de protection et des difficultés que peut rencontrer le conjoint pour payer ses droits.
Face à l'incohérence du droit positif et à une réforme incomplète, comment optimiser la situation du survivant des époux et le protéger au mieux ? Plusieurs techniques seront présentées afin de transmettre son patrimoine avec des droits allégés, de favoriser et de protéger son conjoint.
Le coût de la transmission du patrimoine pour cause de mort peut encore être réduit par différents recours. Des mécanismes relatifs au régime matrimonial peuvent être adoptés tels que l'adoption de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au dernier survivant ou la clause de préciput dans la convention de mariage. Le coût fiscal pourra également être limité grâce à des abattements et des réductions spécifiques aux donations. La technique du démembrement avant la cession à titre onéreux du bien démembré constitue également un outil d'optimisation juridique et fiscale. Au-delà de l'aspect successoral, les époux devront tout de même choisir un régime matrimonial ainsi que des clauses et des dispositions adaptées à leurs situations personnelle et professionnelle.
Les époux pourront favoriser leur conjoint en anticipant la succession par une clause d'attribution préférentielle ou en leur octroyant des droits supérieurs aux droits légaux grâce à « la donation au dernier vivant ». Néanmoins, en raison de la réserve héréditaire, personne n'est libre de disposer totalement de son patrimoine.
Afin de renforcer la protection du conjoint, plusieurs outils pourront être utilisés. D'une part, le contrat d'assurance-vie permet, lors du décès de l'assuré, que les sommes stipulées payables aux termes du contrat à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers, ne fassent pas partie de la succession de l'assuré (sous certaines conditions), quel que soit le degré de parenté existant entre le défunt et le bénéficiaire. D'autre part, les conjoints pourront être associés d'une société civile immobilière détenant le domicile conjugal. La situation financière et les projets du couple devront être étudiés avant tout engagement.
Tout au long du développement de ce mémoire, il s'agira de comparer les effets de la liquidation de chaque régime matrimonial, de montrer l'intérêt d'anticiper sa succession et de comparer les forces et les faiblesses des différents dispositifs. Les risques et les impacts de chaque mesure seront analysés. L'ensemble des conclusions relevant de ces analyses permettra d'avancer des recommandations et des préconisations pour chaque ménage.
Pour conclure, il s'agira de présenter succinctement les réformes pouvant être apportées : qualifier le conjoint survivant d'héritier réservataire, permettre au conjoint survivant d'opter pour la totalité en usufruit, en présence d'enfants d'un premier lit, et exclure le domicile conjugal et les meubles meublants (avec plafonnement) de l'actif successoral.
Les droits de succession existent depuis le Moyen Âge et sont d'abord apparus sous la forme de droits féodaux. Le droit à hériter vient de la parenté du sang et non de l'alliance ou du concubinage, exception faite du conjoint survivant. C'est ensuite que la loi a classé les héritiers selon leur degré de parenté en quatre ordres hiérarchiques (Art. 734 du Code civil) : à l'intérieur de chaque ordre, la dévolution s'effectue en ligne directe entre les personnes qui descendent l'une de l'autre ou en ligne collatérale entre personnes qui descendent d'un ascendant commun. Cette classification est complétée par des degrés qui indiquent le nombre de générations séparant les héritiers du défunt. De même, d'autres règles telles que la représentation et la fente successorale interviennent dans la détermination des héritiers. Ces droits ont connu plusieurs réformes, notamment relatives aux droits du conjoint survivant.
Alors que le conjoint n'avait pas sa place parmi les héritiers, la loi du 3 décembre 2001 (Loi N°2001-1135 parue au JO N°281 du 4 décembre 2001) a nettement amélioré la situation du conjoint survivant : elle lui a conféré une nouvelle place successorale, puis lui a attribué une véritable vocation successorale et enfin lui a assuré des conditions d'existence lors du décès du conjoint.
Tout d'abord, quel que soit son régime matrimonial, le conjoint survivant s'est vu attribué une nouvelle place successorale. En effet, la loi du 3 décembre 2001 a transformé les règles de droits de succession de la dévolution ab intestat (Art. 757-1-2-3 du Code civil). Depuis le 1er juillet 2002, le conjoint survivant non divorcé et non séparé de corps est considéré comme un successeur de plein droit en évinçant les collatéraux ordinaires (oncles et tantes) et privilégiés (frères et sœurs) ainsi que les ascendants ordinaires (grands parents). Ainsi, la dévolution des biens successoraux se trouve affectée par trois ordres : les descendants, les ascendants et le conjoint survivant. Ici, le premier ordre exclut le deuxième. Le conjoint survivant hérite toujours lorsqu'il se retrouve en concours avec les héritiers d'un des deux premiers ordres. En l'absence des deux premiers ordres, le conjoint recueille l'ensemble de la succession.
Ensuite, sa vocation successorale a été modifiée. Le tableau P.10 montre l'évolution des droits du conjoint survivant en fonction des héritiers avec lesquels il concourt. La part du conjoint survivant augmente d'autant plus que ce dernier se retrouve en présence d'héritiers d'ordre ou de degré plus éloignés. En outre, en présence d'héritier(s) non réservataire(s), le conjoint a vocation à recevoir toute la succession en pleine propriété et est héritier réservataire à hauteur du quart.
Enfin, des conditions d'existence lui sont accordées : le droit temporaire au logement (Art. 763 et suivants du Code civil) et le droit viager au logement (Art. 764, 765 et 766 du Code civil).
La loi du 3 décembre 2001 a considérablement renforcé les droits légaux du conjoint survivant. Pourtant, peut-on considérer que sa situation soit réellement optimisée ?
En effet, le conjoint n'a pas la qualité d'héritier réservataire, en présence de descendants et d'ascendants privilégiés, et il peut donc voir ses droits légaux réduits ou supprimés. De même, l'augmentation des parts attribuées au conjoint a engendré une augmentation proportionnelle des droits de succession. Ainsi, même si la quotité des droits du conjoint survivant a été améliorée, sa situation est encore fragile.
Ce mémoire s'attachera à répondre à une optique d'optimisation de la protection du conjoint survivant en France. Les enjeux principaux seront de montrer la nécessité de préparer sa succession, puis d'évoquer les difficultés auxquelles peut être confronté le conjoint survivant. Pour cela, il s'agira d'émettre un aspect critique sur les différents dispositifs mis en place en comparant leurs forces et faiblesses.
Dans un premier temps, le nouveau statut du conjoint survivant et l'incidence des régimes matrimoniaux et des clauses sur la composition du patrimoine seront mis en évidence. Dans une deuxième partie, il conviendra d'analyser la transmission des biens entre époux par la liquidation du régime matrimonial, par l'anticipation de la succession et par le renforcement de la protection du conjoint survivant. L'ensemble des conclusions relevant de ces analyses permettra de proposer un conseil adapté au régime matrimonial de chacun.
[...] Enfin, le domicile conjugal et les meubles meublants pourraient être exclus de l'assiette imposable (avec plafonnement). LES SOURCES Les manuels et les ouvrages BOUCHÉ.X, Protection du conjoint survivant, Editions Francis LEFEBVRE 2005, 10ème éditions, Levallois. COUTURIER.V, VADEMECUM du patrimoine, Arnaud Franel Editions 2006, 11ème édition, Paris. DEPARDIEU.I, Développer et gérer un patrimoine, Editions SEFI 2004, 4ème édition, Paris. FERNOUX.P, La gestion fiscale du patrimoine, Editions Groupe Revue Fiduciaire 2005, Paris. GOUTHIERE.B, JULIEN SAINT-AMAND.P, JULIEN SAINT-AMAND-HASSANI.S, LEROND.S, NUYTTEN.B, RYSSEN.B, Fiscal, Editions Francis LEFEBVRE 2004, Levallois-Perret. HAUSER.J. [...]
[...] SOMMAIRE DES ANNEXES Annexe 1 : Tableau comparatif des droits de succession sur le patrimoine transmis en fonction du régime matrimonial Annexe 2 : Cour de Cassation, Chambre civile 1992-03-31, 90-16343, Publié au bulletin (Arrêt Praslicka relatif au contrat d'assurance-vie alimenté par des deniers communs) informations au 13 avril Annexe 1 : Tableau comparatif des droits de succession sur le patrimoine transmis en fonction du régime matrimonial Actif brut transmis : de pourvoi : 90-16343 Publié au bulletin Président : M. Massip, conseiller doyen faisant fonction Rapporteur : M. Savatier Avocat général : M. Sadon Avocats : la SCP Lemaitre et Monod, M. Choucroy. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu que les époux X . se sont mariés sans contrat le 12 mars 1964 ; que sur assignation du 31 mars 1983, leur divorce a été prononcé aux torts exclusifs de l'épouse ; Sur le moyen unique du pourvoi principal : Attendu que M. X . [...]
[...] Si le défunt ne laisse que l'un d'entre eux, le conjoint a droit aux trois quarts de la succession. En l'absence de descendants et de père et mère du défunt, le conjoint survivant évince les grands-parents et les frères et sœurs et recueille la totalité de la succession en pleine propriété. Il existe une limite à cette règle : en cas de prédécès des père et mère, les biens, que le défunt avait reçus d'eux par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession, sont dévolus pour moitié aux frères et sœurs du défunt ou à leurs descendants (à la condition qu'ils soient eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission). [...]
[...] Le droit d'habitation et d'usage sur le logement La définition du logement est la même que celle retenue pour le droit temporaire au logement. Si les époux étaient propriétaires de leur logement (propriété commune ou du seul conjoint décédé) et que le conjoint l'occupait effectivement au moment du décès, il peut bénéficier jusqu'à son décès d'un droit d'habitation sur le logement et d'un droit d'usage sur le mobilier le garnissant. Ce droit est possible même si le logement est loué. [...]
[...] Si la réserve du gratifié est épuisée, ces donations s'imputeront sur la quotité disponible. A défaut, les donations seront rapportables en totalité ou en partie. Certains biens et donations seront partiellement ou totalement exonérés sous certaines conditions. Les biens concernés sont les contrats d'assurance-vie en cas de décès contractés par le défunt, les rentes viagères, les groupements fonciers agricoles, les groupements forestiers et les dépenses effectuées par le défunt dans l'intérêt de ses successibles. De plus, les donations - ayant de plus de six ans à la date d'ouverture de la succession et déjà enregistrées - ne sont pas fiscalement prises en compte (Art de la loi de Finances pour 2006). [...]
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