[...] Cette formule des juges québécois dans l'arrêt Houle contre Banque canadienne nationale illustre parfaitement le glissement opéré dans la conception de la responsabilité. En effet, la responsabilité peut désormais être objective, c'est-à-dire invoquée contre une personne, même en l'absence de faute de sa part. En cas de responsabilité pour faute, la faute ne sera plus caractérisée par la seule illicéité du comportement du contractant, mais parfois par la seule constatation de la non exécution de son obligation. Se pose alors la question de l'étendue de la responsabilité du contractant fautif. Est-elle limitée au seul cocontractant ou peut-elle s'étendre aux tiers ?
Res inter alios acta, aliis neque prodesse, neque nocere potest. Cette locution latine signifie que « ce qui a été conclu entre certaines personnes ne nuit ni ne profite aux autres ». Ainsi, un contrat passé entre deux personnes ne rend pas des tiers débiteurs ou créanciers. Cet adage pose le principe de la relativité des conventions. En droit romain, cela procédait des conditions formalistes de sa création. N'étaient liées que les personnes qui avaient accompli les rites créateurs d'obligations. Avec l'avènement du consensualisme, le fondement de l'effet relatif des conventions s'est modifié. Certains, tel le conseiller rapporteur de la Cour de cassation M. ASSIÉ, contestent l'origine romaine du principe de l'effet relatif des conventions en ce qu'il a été consacré en 1804 par le Code civil.
Ce principe y figure en effet à l'article 1165 en ces termes : « les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 » qui concerne la stipulation pour autrui. Cette règle découle d'un autre principe : l'autonomie de la volonté en vertu duquel les volontés individuelles déterminent le contenu du contrat qui devient alors la loi des parties. L'obligation ayant sa source dans la volonté, seuls ceux qui l'ont voulue peuvent y être tenus. Si l'on s'en tient à la lettre du texte, il faut en déduire que le contrat ne produit aucun effet à l'égard des tiers. Ils ne peuvent en exiger l'exécution à leur profit mais ne peuvent pas non plus être tenus de le respecter. C'est d'ailleurs ce que souligne Jean BIGOT DE PRÉAMENEU, rédacteur du Code civil en retenant que « chacun ne pouvant contracter que pour soi, les obligations ne doivent avoir d'effet qu'entre les parties contractantes et ceux qui les représentent. Il serait injuste qu'un acte auquel une tierce personne n'a point concouru pût lui être opposé » (...)
[...] Ce dommage n'est donc pas direct, mais il n'est tout à fait indirect non plus puisqu'il n'est pas indépendant par rapport au contrat inexécuté. D'où la qualification de dommage médiat. Il se retrouve finalement en présence des groupes de contrats, dans le cadre de l'enchaînement de deux contrats. C'est d'ailleurs la situation qui a été présentée à l'Assemblée plénière : un bail commercial auquel était liée une location gérance. Le bail commercial confère un droit de jouissance au preneur qui avait ensuite été transmis au locataire gérant par le contrat de location gérance. [...]
[...] La question de la détermination de la faute est très discutée (Partie 1). Face à la prise de position ferme adoptée par la Cour de cassation, il convient de mieux délimiter le lien de causalité et le préjudice réparable afin de restreindre l'impact de la décision de l'Assemblée plénière du 6 octobre 2006 (Partie Partie 1 La relativité de l'assimilation de la faute La question de la responsabilité du contractant à l'égard du tiers est dominée par la question de la faute, tiraillée entre deux théories face auxquelles la jurisprudence a mis du temps à se décider (Titre 1). [...]
[...] Au sein du sous titre III, le groupe de travail traite en premier lieu la question des relations entre les deux régimes de responsabilités, contractuelle et extracontractuelle, avec en particulier la question de l'inexécution d'une obligation contractuelle origine du dommage pour un tiers. Ils considèrent tout d'abord que la tendance actuelle à admettre de façon large la responsabilité du débiteur vis-à-vis du tiers est juste. Cette pratique est d'ailleurs étayée par la théorie avec l'admission du principe d'opposabilité du contrat. Le contrat ne peut servir d'écran au contractant qui a causé le dommage afin de l'exonérer de sa responsabilité. [...]
[...] Peut-on alors en déduire que tout manquement contractuel ne peut finalement pas être invoqué par le tiers pour engager la responsabilité du débiteur contractuel ? Même si la précision est intéressante, rien n'est moins sûr En effet, à l'examen de l'attendu de principe, nombre d'auteurs ont considéré que l'Assemblée plénière ne laissait aucune place à l'exception et que l'assimilation entre le manquement contractuel et la faute délictuelle était totale. C'est ce que souligne Nicolas DAMAS qui juge la formulation des juges sans équivoque la Cour de cassation tranchant de manière particulièrement nette la question de la faute. [...]
[...] L'associé a alors assigné la société de construction en dommages et intérêts. La Cour d'appel en accueillant la demande, recueille l'aval de la troisième chambre civile qui rappelle la désormais célèbre formule de l'Assemblée plénière du 6 octobre 2006. Elle justifie nettement sa décision en relevant le dommage causé, le règlement de la somme réclamée et le lien de causalité qu'est la mise en demeure de payer de l'administration fiscale. Cette décision permet donc à un associé d'une société à risques illimités, victime de poursuites individuelles des créanciers sociaux en raison de la faute d'un contractant de la société, de bénéficier de la solution de 2006. [...]
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