« Dans tous les cas, mariez-vous. Si vous tombez sur une bonne épouse, vous serez heureux, et si vous tombez sur une mauvaise, vous deviendrez philosophe, ce qui est excellent pour l'homme. »
Et si la philosophie n'y était pour rien dans les rapports conjugaux, et quand le « Grand Amour » prend subitement les aspects d'un « Grand Cauchemar », la mésentente conjugale peut conduire les époux à chercher un remède dans la séparation, le mariage à tout prix ne représentant pas une solution.
Et « Comme toute rupture entre deux êtres humains qui se sont aimés, celle-ci est violente, même sous le masque du consentement mutuel, il a fallu l'encadrer de beaucoup de droit pour en maîtriser les mouvements passionnels » .
Puisque nous sommes en face d'intéressés, dont aucun n'est affectivement prêt à faire grâce d'une forme ni d'une défense à l'autre, le contentieux est minutieux, technique et instructif.
Le divorce étant au coeur d'un débat séculaire, il importe donc de retracer les grandes lignes avant de procéder à l'étude de l'institution en droit positif et plus précisément, de la place des accords entre époux.
Le divorce qui vient du latin « divertere », chacun s'en va de son côté, signifie la dissolution d'un mariage valable du vivant des deux époux. Il doit être prononcé par autorité de justice et pour des causes prévues par la loi.
L'évolution historique du divorce a été marquée par plusieurs ruptures s'expliquant par l'influence de données politiques, la réforme du 11 juillet 1975 fut la conséquence de bouleversements de la société contemporaine, et la loi du 26 mai 2004 est intervenue pour corriger les imperfections de la réforme précédente.
Le divorce était inconnu de notre Ancien Droit. Les Romains en ayant usé et abusé, le christianisme condamna assez rapidement cette institution. Le Droit canonique fit prévaloir, au Moyen Âge, la thèse de l'indissolubilité absolue. Le Concile de Trente l'enregistra dans un esprit de critique contre la réforme qui, par fidélité à l'Ancien Testament, avait admis le divorce pour adultère puis pour d'autres causes.
Si l'indissolubilité absolue était ainsi le régime de notre Ancien droit, elle comportait toutefois des tempéraments tels que la possibilité de la séparation de corps et une assez large application de la théorie de la nullité du mariage.
C'est la Révolution qui devait, à la suite d'un mouvement de propagande traversant le XVIIIe siècle, ressusciter l'institution . La loi du 20 septembre 1792 admit le divorce non seulement pour cause déterminée, mais par consentement mutuel et même pour incompatibilité d'humeur.
Entre le système de l'indissolubilité absolue que proposait l'Ancien Régime, et le divorce libéralement ouvert que la Révolution avait institué, le Code Napoléon suivi une voie médiane. Il maintint le principe du divorce, conformément à sa philosophie individualiste, à sa laïcité de principe et sous l'influence personnelle de Bonaparte qui voulait se réserver la liberté d'en user un jour. Mais, en réaction contre les excès de 1792 il supprima le divorce pour incompatibilité d'humeur, réduisant ainsi le nombre des causes déterminées en les rattachant étroitement à une idée de faute, il ne garda que le divorce par consentement mutuel mais après l'avoir hérissé de difficultés afin de le rendre inaccessible à la masse.
En 1809, Proudhon, Doyen de la Faculté de droit de Dijon, faisait paraître son traité de l'État des personnes dont l'introduction du chapitre XXIII sur le divorce énonçait : « le divorce n'était point en usage en France avant la révolution ; il est encore interdit aujourd'hui aux membres de la Maison impériale de tout sexe et de tout âge, mais il est toléré à l'égard de tous les autres Français ».
Cependant, le divorce devait être entraîné dans la chute de l'empire, puisque la loi de Bonald du 8 mai 1816 a aboli le divorce parce que l'église catholique le condamnait .
D'où jusqu'à la seconde guerre mondiale et même au-delà, l'influence des positions soit confessionnelles soit laïcistes sur la question.
Le 16 Février 1880 fut jouée au Théâtre Français une comédie de Victorien Sardou qui scandalisa les bien pensants : « Daniel Rochat » . L'auteur y exposait des théories alors fort discutées, pour et contre le mariage religieux. L'émotion fut donc vive chez les Catholiques.
Peu après, l'auteur, dès le dépôt du projet de loi sur le divorce, lançait une autre pièce intitulée « Divorçons ! » qui mettait en scène une jeune femme, lasse de la vie conjugale et éprise d'un de ses cousins, attendant que la loi sur le divorce, dont tout le monde parlait alors, fût enfin promulguée et que ledit cousin rompît sa propre union, pour se rendre libre lui aussi et contracter un second mariage. La pièce, qui pourtant se terminait bien, fit beaucoup de bruit à Paris. A cette date, en effet, le problème du divorce donnait lieu à des discussions passionnées.
Longtemps repoussé au Palais-Bourbon, accepté en 1882, refusé pendant plusieurs mois par le Sénat, le projet Naquet obtint enfin un vote favorable à la Chambre haute.
La troisième république à peine consolidée, le parti républicain se préoccupa de rétablir le divorce. Ce fut donc l'objet d'une loi du 27 juillet 1884, aboutissement d'une campagne d'Alfred Naquet . C'est idée du « divorce sanction » qui l'emporte. Le divorce ne pouvait être prononcé qu'à l'encontre d'un époux coupable, qui, de ce fait, été puni en devant assumer les conséquences financières de la rupture. Si les deux époux étaient fautifs, le divorce était prononcé aux torts réciproques, ce qui empêchait l'octroi d'une pension alimentaire au bénéfice du conjoint dans le besoin. Toutefois, dans un souci de modération, elle ne reprenait pas le divorce par consentement mutuel.
L'évolution postérieure fut marquée par une certaine facilité croissante. Il y eut, sous le gouvernement de Vichy, par une loi du 2 avril 1941 , une tentative de réaction limitée et éphémère. Si la réforme suscite quelques critiques chez les praticiens, au motif qu'en obligeant les époux à cohabiter pendant trois ans on risque de créer de violents conflits et en définitive, au nom de la morale, de susciter l'immoralité et la misère conjugale , la majorité des auteurs saluèrent cette véritable loi contre le divorce, qui devrait, en rendant le divorce plus difficile, le rendre beaucoup plus rare.
[...] La réforme de 1975 fut précédée d'une étude de politique et législative comparée[18] et d'une recherche de données statistiques[19]. Les principes directeurs de la réforme s'articulèrent autour de trois thèmes qu'avait fait apparaître l'enquête d'opinion publique. La multiplication des cas de divorce était sans doute l'idée essentielle, le pluralisme des cas de divorce constituait une réponse à la diversité des situations de crise conjugale. Le deuxième axe de la réforme était la volonté de dédramatiser la procédure qui s'est traduit en particulier par l'institution, au sein du Tribunal de grande instance, d'un juge aux affaires matrimoniales. [...]
[...] Ce projet de loi a été examiné par le Sénat, par l'Assemblée nationale puis par une commission mixte paritaire avant d'être adoptée définitivement les 6 et 12 mai 2004. Cette loi promulguée le 26 mai 2004 a été complétée par deux décrets d'application du 29 octobre 2004[33] et est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. Cette loi a réformé en profondeur les différentes procédures de divorce afin de les simplifier, de les rendre plus efficaces et surtout de les rendre moins conflictuelles. [...]
[...] Le Tribunal, s'il y a eu réconciliation, doit rejeter la demande en divorce sans avoir à examiner la gravité plus ou moins grande des griefs précédemment invoqués. La réconciliation est en principe irrévocable. Ainsi, une femme qui, connaissant les relations adultère de son mari, a repris pendant un certain temps la vie commune, ne peut plus former ou poursuivre une action en divorce basée sur cet adultère[69]. Malgré la réconciliation, les époux pourront introduire une nouvelle demande en divorce pour d'autres faits, mais non se contenter de reprendre la procédure antérieure. [...]
[...] En réaction, en sus de l'ancien divorce pour faute, le législateur de 1975 a en effet créé deux formes de divorce par consentement mutuel, l'une sur requête conjointe, c'est-à-dire lorsque les époux sont d'accord sur tout, y compris les conséquences du divorce, et l'autre sur demande acceptée, si les époux ne s'entendent que sur le principe du divorce, ainsi qu'une procédure de divorce pour rupture de la vie commune. Il reste à dresser maintenant le bilan de son application depuis trente ans, ce qui conduira à s'interroger sur les objectifs de la réforme réalisée par la loi du 26 mai 2004. Les données statistiques révèlent, à elle seule, que certains objectifs fixés par la loi de 1975 ont été atteints et d'autre pas. En 1950, le divorce concernait un couple sur dix. [...]
[...] p.548 MATOCQ Olivier, Les accords et conventions dans le nouveau droit du divorce, Actualité Juridique Famille, janvier 2006, p MATOCQ Olivier, Les accords et conventions dans le nouveau droit du divorce AJ Fam. p.16 LEMOULAND Jean Jacques, La loi du 26 mai 2004 relative au divorce, D 26. p.1832 GONZALEZ-GHARBI Neyla, Les aspects fiscaux de la loi relative au divorce, entre réformes bienvenues et cadeaux empoisonnés, Revue Juridique Personnes et Famille, janvier 2005, p.6 DASTE Adeline, MORGEN-GUILLEMIN Aude, Divorce, Séparations de corps et de fait, Delmas, 18ème édition p 43. [...]
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