« En fait de meubles la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. » énonce l'article 2279 du Code Civil français. Cet article régit les meubles corporels, qui se distinguent des immeubles car ils sont de moindre valeur et peuvent être cédés plus facilement. L'article 527 du Code Civil énonce que « les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi ». Il s'agit donc des objets traditionnels du commerce, destinés à circuler.
Cet article 2279 signifie que la possession vaut titre de propriété, c'est-à-dire qu'il reconnaît la possession comme mode d'acquisition de la propriété. La propriété des biens meubles s'acquiert également par d'autres formes : par voie successorale, vente ou donation. La possession est donc une forme originale d'acquisition de la propriété, qu'il faut bien distinguer du droit de propriété lui même.
En effet l'article 544 du Code civil définit la propriété comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». La propriété d'un bien comprend le droit pour son titulaire de l'utiliser (usus), d'en percevoir les fruits (fructus) et d'en disposer (abusus), c'est à dire de le détruire ou de l'aliéner. Le propriétaire dispose donc d'un pouvoir de droit sur la chose mais peut très bien en réalité, n'exercer sur elle aucun acte effectif au contraire du possesseur, qui lui en exerce.
Afin de garantir une certaine sécurité juridique en matière de meuble, la loi accorde sous certaines conditions le statut de propriétaire au simple possesseur.
La possession comporte deux éléments : un élément matériel, le fait de réaliser des actes sur la chose (corpus) et un élément intentionnel, le fait que le possesseur s'identifie à un véritable propriétaire (animus). Ainsi, le locataire d'un bien meuble (par exemple, celui qui loue un camion pour un déménagement), un emprunteur ou un dépositaire, s'il a bien le corpus n'a, par contre, pas l'animus puisqu'il sait qu'à terme, il devrait rendre la chose. On dit de lui qu'il est un détenteur précaire.
L'article 2279 du Code Civil va donc donner des droits au possesseur dont la détention n'est pas précaire, sous certaines conditions qu'il convient de préciser. On lui impute généralement une double fonction : une fonction probatoire (la possession comme preuve de la propriété) et une fonction acquisitive (la possession comme mode d'accession à la propriété). L'article 2279 protégeant le possesseur, l'action possessoire (actions spécifiques conférées par la loi aux possesseurs et détenteurs précaires afin de protéger leur possession) ne va pas s'appliquer en matière de meubles mais uniquement en matière immobilière, contrairement au droit romain.
Mais ni la doctrine ni la jurisprudence ne semblent être d'accord à propos de la portée et du rôle de cet article 2279, qui ne peuvent s'expliquer que si l'on remonte à ses fondements originels. D'une part, sa portée double est remise en question puisque la fonction acquisitive n'est pas pour certains légitime (I). D'autre part ses conditions et son champ d'application différent selon les interprétations, la jurisprudence et la doctrine restant divisées (II).
[...] En sa fonction acquisitive, la possession de l'article 2279 s'entend de l'entrée en possession de l'acquéreur tel que l'évoque l'article 1604 du Code civil, qui définit la délivrance comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur L'entrée en possession consiste donc dans la mise en situation d'exercer les prérogatives de propriétaire plus que dans leur exercice effectif. La loi civile régit d'ailleurs explicitement le transport des droits incorporels en la possession de l'acheteur (art. 1606). La jurisprudence en déduit la possibilité du don manuel d'une chose incorporelle. L'entrée en possession au sens de l'article 2279 du Code civil peut donc, pour Revet, parfaitement concerner une chose incorporelle telle qu'une licence d'exploitation de débit de boisson. [...]
[...] Et c'est finalement par la doctrine que la fonction acquisitive de l'article s'est imposée ensuite. En effet, la Cour de Cassation et la doctrine n'étaient pas d'accord sur ce point car on reprochait à la doctrine de restreindre la revendication en matière mobilière. C'est finalement cette dernière qui l'a emporté, au grand dam de Dross. C'est-à- dire qu'aujourd'hui on confère une double portée (sens probatoire et acquisitif) à l'article, or pour Dross les précédents historiques montrent que c'est l'avis de la Cour de Cassation qui aurait du l'emporter sur la doctrine. [...]
[...] Cela réduit donc l'utilité pratique de la revendication (sauf si le meuble a un intérêt personnel ou a pris beaucoup de valeur). Le propriétaire qui a dû rembourser peut se retourner contre le voleur mais pas contre le marchand. Quant au possesseur de bonne foi évincé, il peut agir contre celui de qui il tient le meuble, ainsi que l'énonce l'alinéa 2 de l'article 2279 sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient Il peut intenter une action en garantie contre son vendeur (article 1630). [...]
[...] La fonction acquisitive de l'article 2279 est contestée On a donc vu que la possession des meubles confère à celui qui l'exerce un titre de propriété sur ces meubles. Mais dire que la possession vaut titre peut signifier deux choses : ou bien que la possession fait présumer l'existence d'un titre translatif, ou bien qu'elle est par elle-même en matière mobilière un mode légal d'acquisition. Entre ces deux interprétations, aucune n'est parvenue à s'imposer si bien qu'aujourd'hui l'unité de la maxime recouvre une dualité de sens (que l'on vient d'explorer, fonction probatoire et acquisitive). [...]
[...] Nombreux praticiens de l'ancien droit l'ont ainsi exigé du possesseur. D'un point de vue logique, cette exigence paraît cependant étrange, certains auteurs se demandant comment exiger du possesseur qui entend se prévaloir de l'article 2279 qu'il produise un titre alors que justement la règle est là pour l'en dispenser ? Marcadé explique qu'en fait, le titre que confère la possession au terme de l'article 2279 est un titre parfait, tandis que celui qu'il exige est un titre inefficace car consenti par un non-propriétaire. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture