Un dommage a nécessairement une infinité de causes. Il incombe à la juridiction statuant en matière de responsabilité civile de déterminer un lien de cause à effet suffisant entre le fait générateur de responsabilité et le dommage pour justifier l'indemnisation, le lien de causalité. C'est ce dont il est question dans cet arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 24 février 2005.
En 1974, M. Y a causé un accident de la circulation sur la personne de M. X. Ce dernier a eu trois enfants après cette opération, en 1977, 1985 et 1987.
Mme X, en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure, et les enfants majeurs, ont assigné l'assureur du responsable en réparation de leur préjudice moral sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, car selon eux les enfants n'ont jamais pu établir de relations ludiques et affectives normales avec leur père, et ont dû subir la souffrance quotidienne de celui-ci. Le Tribunal de grande instance accorde gain de cause aux demandeurs. La Cour d'appel statue sur demande de l'assurance, et confirme le jugement des juges de premier ressort au motif que le handicap subi à la suite de l'accident a empêché les intimes de partager avec lui « les joies normales de la vie quotidienne ». Les appelants se pourvoient en cassation, selon le moyen qu'il n'existait pas de lien de causalité entre l'accident et le préjudice allégué en application de l'article 1382 du Code.
Ainsi, il appartient à la Cour de cassation de déterminer si le préjudice moral subi par les enfants à la suite d'un accident, dont leur père a été victime antérieurement à leur naissance, peut donner naissance à un droit à réparation.
La Cour de cassation considère que l'article 1382 du Code civil est violé ; dès lors que le lien de causalité n'est pas existant. En ce qui concerne les enfants dont le père a été victime d'un accident après leur naissance ne peuvent demander réparation pour leur avoir empêché de partager les joies normales de la vie quotidienne en ce qu'il n'est prouvé que le lien allégué entre l'accident et le préjudice existe. En l'espèce, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code en ce qu'elle a retenu cette solution, de ce fait la Cour de cassation casse et annule sur ce point l'arrêt attaqué.
La question générale de l'arrêt réside dans le fait de savoir s'il existe un droit à réparation des enfants dont le père est resté handicapé suite à un accident provoqué par un tiers. Mais c'est en réalité deux questions essentielles que l'arrêt va poser. D'abord, celle de savoir s'il existe un lien de causalité entre le fait dommageable et les conséquences ultérieures du dommage initial. Ensuite, elle va répondre à une question très sensible, celle qui consiste à déterminer si le préjudice moral subi par les enfants est un préjudice juridiquement réparable.
Pour répondre à ces deux questions, nous verrons dans un premier temps que la Cour a préféré la théorie de la causalité adéquate à celle habituellement employée de l'équivalence des conditions (I) ; dans un second temps nous verrons que la Cour nie l'existence d'un préjudice réparable (II).
[...] L'ouverture large du droit à réparation aurait pour conséquence de multiplier les demandes en ce sens et les responsables auraient de plus en plus de compte à rendre. C'est bien un problème qui est économique mais également social ; car le but est également de pacifier les relations entre les individus, d'éviter les comportements procéduriers. C'est un comportement de protection des intérêts de la société que la Cour de cassation a adopté. Cette modulation du droit par les juges de cassation est nécessaire à la société, comme nous venons de le voir. [...]
[...] Le droit de la responsabilité civile s'en voit bouleversé. Désormais, le juge fait application de l'adage de minimis non curat praetor, cette locution latine signifie : le juge ne s'occupe pas des petits détails. En clair, le juge peut, s'il trouve que l'enjeu de l'affaire ne le justifie pas, ne pas donner suite à l'affaire. Ainsi, le juge fixe un véritable seuil, une limite, en dessous de laquelle le droit à réparation n'existe pas ; et ceci quand bien même le préjudice est réel et le lien de causalité avéré. [...]
[...] La Cour de cassation, et particulièrement en sa deuxième chambre civile, a eu fréquemment recours à la théorie de l'équivalence des conditions. Pour preuve, on peut citer des arrêts très récents, celui de la deuxième chambre civile du 4 décembre 2001, celui de la même chambre du 2 juillet 2002 ou encore plus proche celui du 27 mars 2003. A la vue de sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation semble devoir pencher pour la théorie de l'équivalence des conditions. [...]
[...] En effet, cette dernière a accordé gain de cause aux enfants en application de cette théorie. La Cour d'appel a retenu que le handicap de la victime a empêché ses enfants de partager avec leur père les joies normales de la vie quotidienne. Ainsi la Cour d'appel a reconnu le préjudice moral des victimes par ricochet et le lien de causalité avec l'accident à l'origine du handicap. Et du point de vue de la théorie de l'équivalence des conditions, cette solution est parfaitement recevable. [...]
[...] La Cour de cassation, quant à elle, a statué uniquement sur le lien de causalité, ce qui a eu pour conséquence de casser l'arrêt de la cour d'appel. En outre, on peut tout de même dégager de l'arrêt que concernant le droit à réparation du préjudice moral par ricochet, la Cour s'est avérer frileuse devant ce préjudice moral difficile à identifier même si le fondement de l'arrêt n'est pas des plus solides, la limite du droit à réparation était nécessaire A Un préjudice moral difficile à identifier La Cour d'appel avait qualifié ce préjudice de préjudice moral empêchant de partager avec lui les joies normales de la vie quotidienne Il semble à la vue de l'arrêt qu'il n'y ait pas de remise en question de l'existence du préjudice. [...]
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